Scandale de Mayotte : Pourquoi gouvernement, politiques, médias et intellectuels cachent au peuple français la Révolution anjouanaise (1997)
par Alexandre Gerbi
jeudi 24 avril 2025
L’Afrique apporte toujours quelque chose de nouveau. Au tournant du millénaire, en 1997, les îles d’Anjouan et de Mohéli, soit la moitié de la population des Comores, proclamèrent leur rattachement à la France. Ce fut la Révolution anjouanaise, bientôt aussi mohélienne. Ignorer cet événement, c’est se vouer à ne rien comprendre à la crise où s’enfonce Mayotte depuis des décennies, jusqu’au chaos actuel. Or cette Révolution anjouanaise fait l’objet d’un véritable tabou. Pour aussi stupéfiant que cela puisse paraître, depuis deux ans que Mayotte défraye régulièrement la chronique, le petit monde politico-médiatique n’en a jamais parlé. Motus et bouche cousue. Révolution anjouanaise ? Connais pas ! Connais pas, connais pas, connais pas. Tout se passe comme si cet épisode historique capital n’avait jamais existé. Suivant un schéma orwellien, politiciens de tout bord, journalistes, intellectuels domestiqués se sont passé le mot : on peut blablater pendant des heures sur Mayotte et les Comores, on peut narrer par le menu l’histoire des îles des sultans batailleurs et en faire des caisses sur le référendum controversé de 1974, il est loisible de rabâcher ad nauseam les récriminations comoriennes et les cris de l’ONU… Mais il ne faut surtout pas dire qu’Anjouan et Mohéli, devenues indépendantes en 1975, ont dès 1981 réclamé officiellement leur retour dans la France. Jusqu’à se déclarer unilatéralement françaises en 1997 ! Manifestement, les Français n’ont pas le droit de savoir. Car les veaux, les beaufs et même quelques bobos pourraient, en tirant le fil de la pelote, découvrir qu’on leur ment dans des proportions démentielles sur leur propre histoire. Et ce depuis des décennies. Ils pourraient aussi soudain comprendre que la déferlante migratoire africaine qui submerge la France contemporaine répond fondamentalement au même schéma. Celui d’une France confisquée, d’une France arrachée, d’une France volée qu’on vient retrouver avec les moyens du bord. Voilà la vérité indicible qui explique, en plus de phénomènes socio-économiques eux-mêmes tributaires du grand largage, l’omerta intégrale qui frappe la Révolution anjouanaise : aux origines du régime actuel, un Etat félon, manipulé par les Etats-Unis, bouta les Africains contre leur gré hors de France. C'était il y a soixante-cinq ans (1958-1962). Le largage de l’outre-mer et le bétonnage de la mémoire qui suivit, s’accomplirent avec d’innombrables complicités de droite comme de gauche et d’extrême gauche, parfois même d’extrême droite. Tel est le grand secret derrière cette gigantesque imposture. Ci-devant l’ineffable Ve République et son irréprochable fondateur, les mains pleines de sang, la démocratie, la République et le peuple assassinés. Je pisse dans un violon ? Ils vont continuer de mentir comme à la parade ? Ils poursuivront imperturbablement dans la voie du mensonge ? Les gogos continueront de gober comme des gorets aux gogues ? La France amnésique continuera de courir inexorablement vers les gouffres ? Cet article, une fois de plus, ne servira à rien ? Ne vous inquiétez pas, madame Michu, je le sais parfaitement. Mais on me dit dans l’oreillette que l’Histoire a, parfois, plus d’un tour dans son sac…
Entre bidonvilles, coupe-gorge, cyclone et champ de ruines, depuis deux ans, Mayotte défraye régulièrement la chronique. Et pour cause : elle est peut-être le futur de la Métropole…
Tout aussi régulièrement, de savants analystes nous expliquent que Mayotte paye l’addition d’une absurde et criminelle aventure coloniale, d’une volonté encore plus absurde et criminelle de vouloir se maintenir si loin de Paris, d’agir en hideux colonialiste, au mépris de l’ONU et des règlements internationaux. Les mêmes prônent à mots plus ou moins couverts le largage de Mayotte.
D’autre experts nous démontrent qu’au petit jeu de l’immigration de masse, les Comores voisines reconquièrent Mayotte en kwassa-kwassa. Cette déferlante humaine qui submerge le 101e département français serait en fait une vengeance de l’Histoire, prenant la forme d’une invasion téléguidée par l’Etat comorien. Lequel chercherait de la sorte à réaliser sa grande revendication : récupérer l’île aux parfums, pour la réintégrer dans la République des Comores.
Ces diverses explications sont séduisantes. Elles sont en réalité ineptes et reposent sur l’occultation d’une partie de l’histoire des Comores.
Cachez cette Révolution que je ne saurais voir
Depuis cinquante ans, si l’écrasante majorité des migrants qui ont débarqué à Mayotte sont en effet comoriens, ils viennent le plus souvent, plus précisément, d’Anjouan et de Mohéli. Or ces deux îles, devenues indépendantes en 1975, revendiquent leur retour dans la France depuis 1981. Elles ont même, au cours d’un rocambolesque été 1997, proclamé officiellement, à deux reprises, leur sécession de la République des Comores et leur rattachement à la France. C’était il y a bientôt trente ans. Qu’en pensent les Anjouanais et les Mohéliens aujourd’hui ?
Ce qui est certain, c’est que les migrants comoriens ne viennent pas conquérir Mayotte au profit des Comores. C’est même très exactement le contraire : ils viennent y récupérer, pour leur propre compte, la France qu’ils ont aimée, qu’ils ont revendiquée et qu’on leur a volée. Cette France qui fut également volée à une ribambelle de populations africaines, notamment à celles d’Algérie. A cette différence près que ces dernières, celles des anciens départements d’Afrique du Nord, l’ont oublié. Par sanglant lavage de cerveaux orchestré à dessein dans la foulée de l’indépendance. Avec la bénédiction et la complicité de l’Etat français. Principe : un Algérien ne doit pas se sentir Français. Ce petit jeu, commencé dès avant l’indépendance, se poursuit jusqu’à nos jours, de Paris à Alger et réciproquement. Au baromètre de la francophilie algérienne contemporaine, on peut constater que l’opération a très bien fonctionné, y compris en France métropolitaine. En dehors des familles de Harkis, plus aucun(e) Algérien(ne) ne se rappelle avoir eu des parents ou des grands-parents ou des arrière-grands-parents partisans de l’Algérie française. Au contraire, tous revendiquent quatre quartiers de moudjahid, le plus souvent FLN, plus rarement MNA. Oui décidément, l’opération menée conjointement par la Ve République et le FLN a parfaitement fonctionné. Boualem Sansal, incarnation de tout ce que la Ve République et le FLN ont voulu détruire et continuent de vouloir détruire, est logiquement en prison.
Mais il en va très différemment des Anjouanais et des Mohéliens. Ici, le bourrage de crâne, la propagande anti-française, le lavage de cerveau collectif n’a pas fonctionné. Pas davantage qu’à Mayotte. Il est vrai qu’aux Comores, l’indépendance ne fut pas accompagnée de gigantesques massacres et autres supplices… Résultat, ici, on revendique encore ouvertement la France…
Les migrants comoriens, nous dit-on, ne voudraient pour rien au monde retourner à Anjouan et Mohéli. Pour rien au monde ? Sauf peut-être s’ils pouvaient de nouveau trouver la France chez eux. Si Anjouan et Mohéli étaient françaises, si la France avait fait droit à leur volonté de rattachement en 1997, ou mieux encore dès 1981, les habitants des deux îles n’auraient plus aucune raison de venir la chercher à Mayotte.
Précisons ceci à l’usage des grincheux : bien entendu, si Anjouanais et Mohéliens souhaitent le retour de leurs îles dans la France, il faut que les Français de Métropole en soient d’accord, et qu’ils l’expriment par référendum. Des référendums sont naturellement indispensables de part et d’autre. Comme le disait Félix Houphouët-Boigny, pour se marier, il faut être deux…
En passant, on relèvera la côté extrêmement cocasse d’une situation où un pays, les Comores, revendique Mayotte, alors que deux de ses îles (sur les trois qui composent l’archipel !) ne souhaitent plus être comoriennes et affirment être françaises. On pourra également sourire en constatant que la communauté internationale, ONU en tête, a toujours soutenu les Comores, au mépris du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes pourtant invoqué par les Anjouanais et les Mohéliens pour revendiquer leur retour dans la France. On pourrait, pour conclure, souligner que l’ONU n’a jamais soutenu ni fait écho à la revendication de ces derniers, toujours au mépris de ses sacro-saints principes…
A ce stade de l’article, vous avez le droit de vous esclaffer ou de pleurer, selon votre degré de conscience et d’humanité, ou de conviction démocratique et républicaine, au choix…
L’impossible ou la mort
Bien entendu, on imagine mal Macron ou n’importe quel homme politique français mettre sur le tapis la départementalisation d’Anjouan et de Mohéli. Cela reviendrait à entamer un bras de fer à la Trump. Le scandale serait international. On imagine le pataquès. Moroni, capitale des Comores, fulminant et hurlant à l’impérialisme français (position inchangée depuis 1975, sachant que l’État français néocolonial tira pendant des décennies les ficelles du pouvoir comorien, souvent par le biais de l’agent-mercenaire Bob Denard et parfois contre lui. A chacun de mesurer cette incongruité qui n’en est pas une). Problème : ce sont les populations comoriennes elles-mêmes, du moins celles d’Anjouan et de Mohéli, qui seraient susceptibles de lui opposer un puissant démenti démocratique. Puisqu’elles souhaitent revenir dans la France, comme elles le prouvent chaque jour, au péril de leur vie, en kwassa-kwassa. Ce dont les gouvernements français, depuis trente ans, qu’ils soient de droite ou de gauche, ne veulent pas entendre parler. Un impérialisme inversé, trancheront les logiciens. Une feuille de route états-unienne mitonnée par la CIA et parfaitement respectée par leurs pâles exécutants, avanceront les complotistes…
Malheureusement, en France, le réflexe de rejet provoqué par l’immigration de masse de plus en plus accompagnée par un fort taux de délinquance et de criminalité ; la défiance ainsi induite à l’égard de l’Afrique (alors que les Noirs africains ont longtemps inspiré la sympathie et bénéficié d’une excellente réputation en France, notamment du fait, suivant les conceptions de l’époque, de leur valeur militaire et de leur amabilité) grande pourvoyeuse de cette immigration dont l’islam est souvent la religion, religion elle-même en proie à une crise profonde dûment favorisée pour ne pas dire fabriquée à coups de pétrodollars pendant des décennies sous l’œil bienveillant de l’Oncle Sam ; le naufrage tragique de l’outre-mer de Mayotte à la Nouvelle-Calédonie en passant par les Antilles et la Guyane, en attendant la Polynésie et la Réunion ; l’ensemble de ces facteurs ne joue pas en faveur des Anjouanais et des Mohéliens. Récupérer quatre cent mille Comoriens et demain, c’est à craindre, la totalité des Comores pour un total d’un million d’habitants noirs, musulmans, souvent pauvres et pas toujours francophones, cela ne ferait qu’accroître la France d’un poids mort supplémentaire outre mer, et officialiserait sous prétexte d’annexion l’immigration de masse comme un fait accompli (l’Hexagone est d’ores et déjà la cinquième île comorienne, puisque 300 000 Comoriens résident, surtout à Marseille et en région parisienne).
C’est en tout cas le raisonnement qui prévaut à Paris. La preuve ? Sur tous les plateaux de télé, de radio et dans la presse, même la pourtant courageuse députée Estelle Youssouffa, tout le monde affecte un parfait silence sur la Révolution anjouanaise de 1997, la vieille revendication du retour dans la France des deux îles, préférant nous rappeler pendant des heures les revendications comoriennes sur Mayotte.
Cette façon délibérément biaisée de présenter les choses en dit long sur l’état d’esprit des autorités politiques françaises et de leurs différents relais. S’ils méprisent les Anjouanais et les Mohéliens, s’ils méprisent également les Mahorais qui n’ont même pas l’eau courante, ils tiennent en outre les Français métropolitains dans le plus complet mépris. A telle enseigne qu’ils leur mentent éhontément, en leur cachant un élément essentiel de la crise mahoraise. A ce degré de manipulation et de cynisme, ce n’est pas demain la veille que la France, c’est-à-dire le peuple français, retrouvera la mentalité d’une grande puissance, la joie de vivre et, comme disait Godard dans Le Petit Soldat (tourné en 1960), un idéal. Faute de pouvoir regarder enfin l’histoire en face.
Devant le triste spectacle d’élites décadentes, manipulatrices, menteuses et pour tout dire monstrueuses, et d’un peuple qui n’y voit que du feu, dupe intégrale de cette sombre comédie, complètement abruti par une puissante propagande de toute part et au long cours, l’affaire de Mayotte, qui cache en réalité l’affaire d’Anjouan et de Mohéli, qui cache elle-même celle de l’ancienne Afrique française tout entière, un écho, un double en miniature de la Révolution de 58 effacée des mémoires bien que fondatrice du régime, laisse à penser que la démocratie est une fiction, que l’esprit républicain n’est qu’un air de violon dans lequel on pisse comme indiqué plus haut, et que la France est vraiment foutue.
Comme s’il ne restait plus à notre cher vieux pays qu’à sortir de l’histoire et à mourir comme grande nation. Et peut-être, consubstantiellement, à mourir tout court.
Annonce : Notez bien sur vos tablettes que pour approfondir cet article, je donnerai une conférence intitulée « Derrière la tragédie de Mayotte : L’incroyable et extraordinaire Révolution anjouanaise de 1997. Pourquoi médias, politiques et intellectuels n’en parlent jamais et occultent l’Histoire ? » au Macareux, 15 rue du Croissant, Paris 2e, métro Sentier, le mardi 29 avril 2025 à 19 heures. Ici l’affiche et la présentation de l’événement. J’y dédicacerai Le Cinquième Saut ou Le Livre blanc de Charles de Gaulle, chronique d’une résurrection, uchronie (Le Plaqueminier).