Tribune. « Égalité indivisible : pour l’extension de la Charte sociale européenne aux Outre-mer »
par Jonathan Chaste
jeudi 17 avril 2025
La République française ne saurait ignorer plus longtemps cette brèche silencieuse dans l’édifice de ses engagements : en excluant ses territoires d’Outre-mer du champ d’application de la Charte sociale européenne, elle renonce à garantir, de manière uniforme, les droits fondamentaux qu’elle proclame universels.
La Charte sociale européenne – socle éthique, juridique et humaniste – garantit des droits essentiels : logement, santé, éducation, protection sociale, équité dans le travail. Des droits qui ne relèvent ni du luxe ni de la circonstance, mais de l’indispensable. Or, depuis son adhésion à ce texte fondateur, la France persiste à en limiter la portée territoriale exclusivement dans son hexagone, laissant à la marge des millions de citoyens vivant à Mayotte, en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe, à La Réunion, à Saint-Martin, et dans d'autres confins républicains.
Il ne s'agit pas d'une simple omission administrative. Il s'agit d'une décision politique, juridiquement permise, mais moralement injustifiable. Il s'agit d’une forme moderne de relégation, dissimulée sous les plis du droit, perpétuant l’ombre portée des hiérarchies coloniales. Il s'agit, pour reprendre les mots de Frantz Fanon, de cette "zone de non-droit où l’homme ne vaut pas tout à fait homme".
La République ne peut se satisfaire d'une citoyenneté à géométrie variable. Elle ne peut prêcher l’universalité des droits tout en s’en tenant à une application géographiquement sélective. Elle ne peut, sans se renier, affirmer que la dignité est une et indivisible, puis en suspendre l'exercice à la latitude et à la longitude.
Les territoires ultramarins ne sont ni des marges ni des extensions. Ils sont la République. Leurs enfants ont droit au même souffle démocratique, au même abri juridique, à la même protection sociale que leurs frères et sœurs de Marseille, de Lille ou de Strasbourg.
En ce sens, j’appelle solennellement le Gouvernement de la République à :
- Étendre sans délai la Charte sociale européenne à l’ensemble des collectivités ultramarines.
- Engager un processus de refondation de l’unité juridique nationale, à la hauteur des promesses faites, et trop souvent différées, aux enfants d’Aimé Césaire, de Félix Éboué, de Maryse Condé et tant d’autres.
Le temps est venu de cesser d’administrer la géographie comme une excuse. Le temps est venu de réconcilier le droit avec la justice, et la République avec sa parole.
Jonathan CHASTE
Printemps Ultramarin