France : les idéologies m’ont tué !

par stephane rossard
vendredi 24 mars 2006

Quand dirigeants politiques et acteurs sociaux comprendront-ils que le temps de l’approche idéologique est définitivement révolu ? Quand comprendront-ils que la seule approche valable désormais pour résoudre efficacement nos problèmes est le pragmatisme ? Autrement dit, peu importe qu’une idée soit de droite ou de gauche. Ce qui compte, c’est qu’elle « marche ».

Quand la députée UMP de Meurthe-et-Moselle Nadine Morano parle de ‘’rigidité’’ au sujet du bras de fer qui oppose le Premier ministre Dominique de Villepin et les acteurs sociaux (associations d’étudiants et syndicats), elle est dans le vrai. Car rigidité est le mot juste. Une rigidité qui est le fruit d’une approche idéologique propre à chacun. C’est tout le mal qui ronge la France depuis trente ans. Sur les grands dossiers, rares sont les gouvernements et acteurs sociaux qui ont abordé avec pragmatisme les problèmes qui plombent la France. A chaque fois, chacun avance sous la bannière, bien commode, de son idéologie. De gauche comme de droite. D’où cette impasse, car le prétendu dialogue social est en fait un dialogue de sourds. Chacun, fort de son idéologie, campe sur ses positions, certain d’avoir raison, de détenir la meilleure solution.

Voilà trente ans que les idéologies tuent la France. Elles l’enlisent, l’ensuquent. D’où cette stagnation, voire cette régression. D’où cette paralysie.

La meilleure preuve de cette sacralisation de l’idéologie est la mise en place des trente-cinq heures sous le gouvernement Jospin, en 1997. Tous les experts, et les professionnels, avaient, pourtant, mis en garde contre les effets nocifs sur l’emploi et l’économie à long terme de l’application de cette loi. Les sirènes d’alarme ont sonné, retenti, mais au nom de l’idéologie, et à l’époque d’une promesse démagogique et démentielle car irrationnelle, les dirigeants sont restés sourds, préférant aller droit dans le mur. Reculer, céder ? Hors de question. Par orgueil et par vanité, détestables sempiternels moteurs de l’action politique. Parfois, comme les généraux, même devant l’évidence de la faute commise, par exemple, nos responsables politiques ne se rendent pas. On constate maintenant l’ampleur des dégâts.

Il en va de même pour la droite. Comme en 1986-88 : courant après le libéralisme qui déferlait en Grande-Bretagne, avec le gouvernement conservateur dirigé par Margaret Tchatcheret, et aux États-Unis avec Ronald Reagan, la droite décide de mener un programme de droite, soit libéral avec ses privatisations tous azimuts, ses déréglementations jugées indispensables à l’époque, car elle allaient redonner du sang neuf à l’économie française. Mais le moment était-il opportun ? Peu importe, à partir du moment où l’idéologie, la sacro-sainte, triomphait.

C’est le talon d’Achille de nos responsables politiques et des acteurs (les mauvais esprits écriraient agitateurs) sociaux. Ils continuent à aborder les problèmes de la société française à travers le prisme de l’idéologie. Une approche qui conduit fatalement à la radicalisation, comme c’est le cas dans le dossier du contrat première embauche. Chacun se raidit, s’arc-boute sur ses convictions, refusant tout compromis, contestant toute part de vérité, disons même de lucidité, à son interlocuteur, enfin son adversaire, puisque le dialogue n’existe pas.

Or, quand dirigeants politiques et acteurs sociaux, soi-disant responsables, comprendront que le temps de l’approche idéologique est définitivement révolu dans cette ère nouvelle, dont la nouveauté majeure est la mise en concurrence frontale - donc aux conséquences brutales et mesurables quasiment au quotidien - des nations. Quand dirigeants politiques et acteurs comprendront que la seule approche valable désormais est le pragmatisme. Autrement dit, peu importe qu’une idée soit de droite ou de gauche. Ce qui compte, c’est qu’elle "marche".

A voir le triste spectacle qu’ils nous offrent, on se dit qu’il y a encore du pain sur la planche avant que chacun ne délaisse au vestiaire ses préjugés, ses a priori, ses certitudes, fruits d’une vision idéologique et non pragmatique de notre société et, en général, du monde. Une vision qui conduit à une approche simpliste, manichéenne des faits,. D’un côté les bons qui ont, de toutes façons, raison. De l’autre, les mauvais, qui ont, de toutes façons, tort. Donc, inutile de les écouter. Or, plus que jamais, le monde, le nouveau, qui se dessine doucement mais sûrement sous nos yeux avec l’émergence de ces nations conquérantes, n’a jamais été aussi complexe. Il exige, pour en comprendre les enjeux et, ainsi, parvenir efficacement à résoudre les défis qu’il induit, une ouverture d’esprit incompatible avec cette vision idéologique de la réalité.


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