L’amazighité dans les médias nord-africains

par Jim Selouane
vendredi 23 novembre 2007

« Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons des connaissances que les autres ont déjà sur nous, nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donné, de nous juger. Quoi que je dise sur moi, toujours le jugement d’autrui entre dedans. Quoi que je sente de moi, le jugement d’autrui entre dedans. »

Jean-Paul Sartre, « L’Enfer c’est les autres »

Assumer la charge de son image

Cadre futuriste, lumières intimistes, cadreurs armés d’appareils sophistiqués, techniciens couronnés de casques, pigistes pressés... l’ambiance classique d’un plateau de télévision. Le personnel se libère d’un ultime briefing et s’apprête à diffuser un programme de divertissement. La présentatrice, jeune et télégénique, vient affronter, fiches en main, la farandole de caméras braquées sur sa frimousse. Elle en fixe une, puis annonce le sommaire de l’émission dont « la symbolique du chiffre 5 dans les sociétés amazighes (berbères) ».

« Lorsque l’animatrice présente le magazine, elle s’adresse, paraît-il, à l’ensemble des téléspectateurs. » C’est l’argument fourre-tout auquel s’accrochent les dirigeants de chaînes et les producteurs, les responsables des sociétés de radiodiffusion et les ministres de tutelle, de manière générale, lorsqu’on les interpelle sur le déficit de représentativité et de visibilité des Amazighs (Berbères) et de l’amazighité (berbérité) dans les mass-médias nord-africains.

Paraît-il en effet car en réalité, si les deux tiers de la population du Maroc, par exemple, sont amazighophones (berbérophones), un tiers seulement est bilingue. Cela signifie que les locuteurs de la langue de Saint-Augustin resteront exclus du paysage audiovisuel tant qu’ils ne maîtriseront pas celle de Mahomet. En d’autres termes, ils s’arabisent et s’assimilent ou ils se désintègrent et disparaissent.

Puisque le sujet a trait à la société amazighe (berbère) en des termes valorisants, le tiers du public en aura une perception positive qu’il renverra naturellement à son tour.

Cependant, un problème persiste. Malgré les bonnes intentions, c’est encore les autres qui débattent à propos et au nom des intéressés. Ces autres décident, de façon unilatérale, de dépeindre ou pas un peuple minorisé, en bien ou en mal, en présence de témoins ou non. Qui plus est, en arabe, idiome a postériori étranger, associé à des symboles idéologiques et historiques, culturels et cultuels lourds de conséquences sur l’identité amazighe. Ces autres-là doivent se dépoussiérer et désormais embrasser l’idée qu’exprime la majorité amazighophone de témoigner elle-même, via les médias nationaux, dans ses langues propres, de ce qui la préoccupe et de ce à quoi elle aspire.

La réhabilitation du rôle et du statut des autochtones derrière et devant le petit écran n’est pas de nature à ébranler la stabilité d’un Etat, comme s’en enorgueillissent les artisans de l’apartheid cathodique. Néanmoins, ces derniers seraient remerciés de leur sollicitude. Les concernés auraient apprécié le geste et souhaitent, toutefois, assumer eux-mêmes la charge de leur image.


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