Le Parisien et la désinformation

par Imhotep
jeudi 28 février 2008

Tout d’abord je vous demanderai de bien regarder cette image, à la loupe s’il le faut. Elle aura un fort intérêt pour la suite. En effet, le réflexe conditionnel de notre lider Massimo habitué qu’il est à utiliser le mot « con » et ses dérivés, a choqué. Cela a entraîné une levée de boucliers comme jamais dans l’entourage du chef de l’Etat. Cette levée de boucliers a usé de trois d’arguments qu’il faut regarder de près. Ce qui fera la première partie de ce billet. La seconde sera consacrée à la désinformation dont Le Parisien est complice à l’insu de lui-même en donnant une explication bafouillée peu acceptable.

Trois arguments

1- Celui du lent ravi, l’ancien Premier ministre, Raffarin (encore une raffarinade) : il s’agit de l’aspect privé. D’autres ont parlé de réaction volée par les téléphones portables, par les mini-caméras, par les vautours d’internet. Evidemment cet argument est risible au possible. Comment oser défendre au milieu de la foule, lors d’un événement officiel, avec des caméras partout et des journalistes en troupeau, des serrages de pinces tous azimuts qu’il s’agit d’une scène privée ? Raffarin, sur le coup, est ridiculissime. Par ailleurs cela n’est que le premier étage de la fusée. Car cet argument des réactions privées déconnectées des réactions publiques n’a pas de sens. Si un homme est violent, il est dangereux tant en public qu’en privé et donc tant en privé qu’en public.

2- Le second tient de la sphère de l’émotif. Pécresse parle de la sensibilité d’homme. Il est un homme comme tout le monde. Sauf que tout le monde ne s’énerve pas, sauf que d’autres chefs d’Etat ont eu d’autres réactions (le "vaste programme" de de Gaulle, le "moi c’est Chirac, Jacques", de lui-même), sauf que le chef de l’Etat n’est pas tout le monde.

3- Le troisième justifie la réaction par l’action qui en est, elle, responsable : on ne doit pas mépriser un chef d’Etat et se comporter avec lui comme avec un autre péquin moyen. Respect. Argument à l’opposé de celui du petit 2, mais l’UMP n’en est pas à une contradiction près. A ces arguments, s’ajoute une autre approche : la décrédibilisation (ou tentative), genre 11/09, le complot, c’est un coup monté. Il y a deux variantes : a- les images sont fausses et b- cet homme n’était pas là par hasard. Il est venu provoquer, au choix : pour avoir son heure de gloire, ou parce qu’il a été télécommandé. Cela m’amène à la seconde partie du billet : la désinformation.

La désinformation

Elle se situe à deux niveaux qui sont imbriqués. Avant de parler de celle du Parisien, il y a celle de la théorie de l’homme posté sur le passage de Sarkozy. Cette théorie est en train de devenir la théorie officielle. Le pouvoir utilise cette technique habituelle des autocraties : déformer les faits, une partie des faits quand l’impact est très négatif et qu’il est absolument impossible d’en nier un volet, en l’occurrence : "pauv’ con". C’est la raison pour laquelle je vous ai demandé de regarder avec attention la double photo. Vous pouvez aussi reprendre le film autour de ce passage. On voit très clairement, je veux dire sans aucun doute possible, que ce monsieur devenu en un jour une gloire internautique et galactique - Britney Spears peut l’envier - fait tranquillement la queue et ne demande rien à personne. On voit deux personnes devant lui qui sont dans la queue. Le plus proche, cheveux courts, a un sac à dos, le second baisse la tête. Ils sont alignés comme des oignons et regardent dans la même direction, comme du reste le "con" qui les suit et ne tourne que sa tête et un tout petit peu le haut du corps pour parler. Il ne s’avance pas vers Sarkozy. En revanche, c’est Sarkozy qui s’avance pour serrer des mains et touche au passage le brave homme. La désinformation première est là : tenter de faire croire que c’est l’homme qui va à Sarkozy bien que ce n’est absolument pas vrai. Faire croire à une provocation alors que c’est Sarkozy qui prend le premier le contact. On remarquera aussi que l’expression "casse-toi" est symptomatique du caractère du Guide. C’est lui qui vient, c’est lui qui touche le corps du quidam, mais c’est lui aussi qui demande à l’autre de partir. Intéressant comme attitude. Cette désinformation stratégique et vérité officielle, il la reprendra dans le dialogue du Parisien. Il ajoutera qu’il aurait dû faire comme d’habitude, c’est-à-dire le traiter par le mépris, par un "pfff" contredisant en cela ces autres paroles qui disent : "si on me cherche on me trouve", langage de voyou de quartier ou de marin en goguette. Ce "pfff" ne trompe personne, car il ne faut pas oublier, dans le désordre, "le salopard finira sur un crochet de boucher" (Villepin), "connard" (Azouz Begag), "l’imbécile" Martinon, "je vais être au milieu de dix connards", les Bretons, propos rapportés par Yasmina Reza, "viens, viens, etc." à Guilvinec et enfin le worlwilde "pauv’ con". A qui veut-il faire croire qu’il aurait réagi différemment ? A qui veut-il faire croire que son habitude est de réagir différemment ? Ce sera le discours officiel : un homme a provoqué volontairement le chef de l’Etat. Celui-ci ajoute du reste, en contradiction avec tout ce qui s’est dit, pensé lors de cet échange avec les lecteurs du Parisien, que même si ce lascar ne l’aimait pas à titre personnel, il aurait dû lui serrer la main en respect à la fonction présidentielle, bien que cet honneur à la position soit incompatible avec une réaction d’homme ordinaire, et du "si on me cherche on me trouve". Mais là où la désinformation devient de la propagande d’Etat, c’est quand le Parisien fait un titre dans le journal du mercredi 27 février avec une phrase de Sarkozy "J’aurais mieux fait de ne pas lui répondre". Vous avez noté que ces excuses, qui n’en sont pas, ne collent pas non plus avec la réaction d’homme. Il y a là deux réactions officielles complètement schizophréniques. Or il y a un double hic. Le premier c’est qu’il n’a jamais prononcé cette phrase lors de ces débats, il n’a même jamais présenté le moindre regret. C’est donc un arrangement après coup, sans doute un sondage de plus a-t-il dû démontrer qu’il fallait quand même y aller du violon. Le second hic c’est que Le Parisien non seulement passe le rectificatif élyséen et tardif de dernière heure, rectificatif trafiqué et faux, mais en plus le journal fait de cette parole réintroduite le titre. Quand on tire à 500 000 exemplaires ce n’est pas anodin. Cela devient de la désinformation d’Etat avec journal complice (volontaire ou non). Monsieur de Montvalon explique de façon alambiquée qu’il y a un contrat moral pour chacun des débats avec l’intervenant lui permettant de rectifier pour préciser les choses sans en changer le sens ni sans en ajouter. Certes mais, même si le journal fait une rectification parlant du texte corrigé et mettant le texte sans correction, prévue pour le jeudi, il a mis un titre à partir d’une phrase qui n’était pas prononcée, et il n’a pas ajouté d’additif au texte indiquant que cette version était la version élyséenne et non la version réelle. Le fait qu’elle soit "très percutante et très intéressante" serait selon Montvalon un argument en sa faveur. Si c’est faux et connu comme tel, cela n’aurait-il donc pas d’importance ? Très étrange conception de l’éthique et du journalisme. On se demande même si cette rectification ne vient pas de la bronca des lecteurs, comme on se demande si ce débat n’a pas été programmé pour amadouer le cheftain à cause de la responsabilité du Parisien dans la diffusion de la vidéo. Cet accroc déontologique est particulièrement grave dans l’histoire du journalisme. Quant à la désinformation élyséenne elle est constante et multiple.

A vous de juger.

Ici Schneidermann

Le nouvelobservateur.com

Le Figaro


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