Libertaires aux USA

par sta
lundi 19 décembre 2005

Le mot libertaire est utilisé différemment aux États-Unis et en France (ou en Europe en général). En Europe, quand on est libertaire, on est de gauche ; aux États-Unis, on est de droite.

Pour le résumer le plus simplement du monde, le libertarisme est une doctrine qui considère l’État, le pouvoir, comme l’ennemi de la liberté, surtout individuelle.

Il faut d’abord dire que le concept même du libertarisme ne fait pas partie du discours commun de la vie politique en France. C’est surtout un associé à la gauche anarchiste. Au XIXe siècle, le terme était beaucoup plus utilisé. À l’époque, l’État était typiquement l’allié, voire la marionnette, de la noblesse et de l’aristocratie. Les forces de la gauche, de ceux qui défendaient le peuple, se trouvaient presque toujours harcelées par l’État et les agents de l’État. Que ce soit à travers la police ou par les lois, l’État protégeait les riches.

Il est bien entendu que c’est encore le cas : l’État - surtout aux États-Unis - est la marionnette des riches. Mais la révolution démocratique et les progrès socialistes du XIXe siècle ont aussi créé la possibilité de l’État providence. Avec les caisses de retraites, la sécurité sociale et tant d’autres mesures « révolutionnaires » comme l’éducation publique gratuite et obligatoire, l’État, au XXe siècle, a joué un rôle nouveau et inédit.

L’extrême-gauche - surtout les anarchistes - restent méfiants à l’égard de tout pouvoir étatique ; les socialistes et même les communistes - contrairement à ce que Marx pensait - se sont mis du côté de l’État. Marx considérait l’État comme une des puissances de la vieille Europe, menaçant les travailleurs.

Aux États-Unis, le royaume capitaliste, le mouvement du libertarisme est fascinant. Au XIXe siècle, et même au début du XXe siècle, un bon nombre de gens d’extrême-gauche et des syndicalistes sont encore présents sur la scène politique. Mais avec Franklin Roosevelt, le New Deal - en un mot, la socialisation des forces du marché et de la main d’œuvre - une partie de la droite américaine est devenue libertaire. Elle considère - encore aujourd’hui - l’État comme l’ennemi du progrès et du capital.

Ce sont presque tous des républicains, et haineusement, ils ont accusé les démocrates, surtout Clinton, d’avoir « agrandi » l’État. Ils préfèrent un État minimaliste, petit, inefficace - l’État idéal serait l’État à l’heure de Katrina - s’occupant de sécuriser les bien privés - la vision de John Locke, le grand philosophe que les Américains auraient aimé avoir.

Les libertaires américains détestent tout aide publique aux pauvres ; ils méprisent le secteur public ; ils considèrent l’impôt comme du vol. Ils veulent qu’on les laisse en paix. George Bush était libertaire. C’est une vision très texane, très cowboy. Seul, dans le désert, l’homme qui lutte, sans l’aide de personne.

Bush avait promis de réduire la taille et la puissance de l’État. Une fois au pouvoir, tout a changé.

On dit que c’est le onze septembre ; il ne faut pas être dupe. Les libertaires américains mettent en avant ce concept gauchiste nébuleux, et l’utilisent pour appauvrir le peuple, rendre toute distribution sociale ou économique impossible, mais quand il s’agit d’une optimisation de leurs biens, ils sont tous en faveur de l’État.

Ceux qui prétendaient détester un État puissant et grand sont les mêmes qui supportent Bush, qui a créé Homeland Security - une agence incompétente orwellienne. On vient d’apprendre que Homeland Security interroge des élèves de la fac qui - par intérêt et pour la recherche - lisent des textes « dangereux » comme Le petit livre rouge de Mao.

L’hypocrisie des républicains continue à ce sujet :

Ce dernier point est vraiment fascinant ; encore plus fascinante est la réaction des républicains. Au lieu de rester fidèles - pour une fois - à des principes, ils défendent Bush ! (Alors que le pays est en général sous le choc, dégoûté par ces pratiques, Bill Kristol, une marionnette de la droite, nous a dit aujourd’hui, à la télé, chez Fox News, que non seulement Bush a raison, mais que si Clinton avait fait de même - violer des lois et les libertés civiques - on aurait pu empêcher le onze septembre.

Oui. C’est cela.


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