Nicolas Sarkozy dans les pas de G. W. Bush

par Henry Moreigne
mardi 1er avril 2008

Seul. Nicolas Sarkozy a décidé seul de l’envoi d’un contingent de 1000 hommes supplémentaires en Afghanistan. Sur la forme, comme sur le fond, ça ne passe pas. Ce n’est pas le débat sans vote devant l’Assemblée qui va lever toutes les critiques d’autant que sur le fond, militairement, beaucoup craignent un enlisement d’un niveau semblable au Viêtnam, ou plus proche de nous, à l’Irak.

Quand le président de la République réserve la primeur de sa décision de renforcer le contingent français en Afghanistan, aux Américains et à Gordon Brown, lors de sa visite d’Etat à Londres, le 26 mars, ça grince du côté du Parlement français mis devant le fait accompli. Aucune disposition de la Constitution n’oblige cependant le président de la République à consulter le Parlement sur l’envoi de troupes à l’étranger. Seule la déclaration de guerre doit être autorisée par le Parlement.

Officiellement, notre pays n’est pas en guerre mais l’expression “forces de sécurisation” ne trompe personne. Déjà 1600 soldats français, jusque-là oubliés, risquent leur vie sur ces terres lointaines. Ce n’est pas un hasard si un avant-projet de réforme des institutions, en cours d’examen au Conseil d’Etat, renforce le contrôle du Parlement sur les opérations extérieures en prévoyant que si la durée d’une intervention extérieure des forces armées excède six mois, “sa prolongation est autorisée par le Parlement”, sous forme “d’une motion votée par les deux Assemblées”. Vice-président du comité qui a préparé cette réforme, Jack Lang a demandé à Nicolas Sarkozy d’anticiper cette révision constitutionnelle en sollicitant un vote du Parlement sur l’Afghanistan.

Constitution oblige, le chef de l’Etat concentre tous les pouvoirs. La politique étrangère est son domaine réservé, tout comme les forces armées dont il est le chef suprême. Tant que c’était pour tenter de faire vivre une troisième voie alternative à la bipolarisation de l’époque, la classe politique s’y résignait. Elle l’applaudissait même quand Jacques Chirac défiait la superpuissance américaine sur le dossier irakien. Elle s’étouffe aujourd’hui quand Nicolas Sarkozy, reprenant les recettes de G. W. Bush d’une lutte contre l’axe du mal, engage la France sur la voie de la guerre en s’alignant sur les positions américaines, même si les premiers hommes envoyés en Afghanistan l’ont été sous Jacques Chirac.

La décision de Nicolas Sarkozy a été saluée comme “très positive” par la Maison Blanche inquiète de la mauvaise tournure de la situation afghane. La coalition internationale est déjà conséquente avec 47 000 hommes issus de 39 nationalités. Pourtant, l’issue du conflit demeure plus qu’incertaine. L’ennemi, le Taliban, omniprésent, y est invisible. Les intérêts confus. L’Afghanistan n’est pas la seule zone de non-droit dans le monde, ni la seule dans laquelle la culture massive de la drogue est pratiquée. On pense bien sûr à l’Amérique du Sud et plus près de nous au Maroc, plaque tournante pour l’Europe. L’éradication de l’extrémisme, du terrorisme, mise en avant par les autorités françaises et américaines se réussit d’abord en luttant contre les racines du mal, la pauvreté. Or de ce côté l’aide économique apportée au gouvernement afghan est un total fiasco, captée pour l’essentiel par des intermédiaires et des potentats corrompus.

Ce bellicisme est suspecté d’opportunisme au profit de lobbies militaro-industriels très puissants aux USA mais aussi en France. Sans connaître les détails d’un dossier qu’on a pris soin de leur cacher, les Français dans les premiers sondages répondent NON aux deux tiers à la question “Faut-il mourir pour Kaboul ?”. Un non qui vise aussi en deuxième rideau un alignement sur l’OTAN et l’abandon d’une indépendance française à laquelle notre pays tente de croire depuis un demi-siècle.

© Henry Moreigne pour isubway

 


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