Pas de paix au Moyen-Orient sans courage politique

par Michel Santi
mardi 4 décembre 2007

Cela a été dit et répété : en dépit de la reprise des premiers pourparlers de paix pour le Moyen-Orient gelés depuis le 11-Septembre, la guerre en Irak et la guerre du Liban, la conférence d’Annapolis qui vient de se terminer entre Américains, Israéliens et Palestiniens a laissé un goût d’exercice imposé. Il est en effet foncièrement suspect qu’un homme tel que le président Bush se décide, à quatorze mois de la fin de ses deux mandats de huit ans, de s’intéresser enfin à ce nœud gordien moyen-oriental qu’est la cause palestinienne. Par ailleurs, quelle crédibilité accorder au Premier ministre israélien lorsque par exemple sa ministre des Affaires étrangères prévient les Arabes d’Israël qu’ils devront un jour se déplacer vers la Cisjordanie ? Peut-on en effet décemment déloger des familles habitant depuis des siècles à Nazareth, en Galilée, à Haïfa... ? Quelle crédibilité peut-on enfin accorder à M. Abbas qui semblait lors de cette conférence ne représenter qu’une intelligentsia palestinienne de plus en plus déconnectée des préoccupations d’un peuple réduit à la misère ? Bref, cette conférence d’Annapolis semblait a priori peu crédible et peu prometteuse eu égard à la faiblesse politique des trois participants.

Pourtant, l’élément fondamental de cette conférence d’Annapolis est certainement la présence de certains pays arabes comme la Syrie, mais également l’Arabie saoudite, présence qui dénote peut-être une volonté plus grande de parvenir à terme à un règlement. De fait, la réunion de ces pays avec Israël autour d’une même table de négociations marque une avancée au moins symbolique tant il est de notoriété publique que la Syrie et l’Arabie saoudite n’ont jamais formellement reconnu l’existence de l’Etat d’Israël. Le monde arabe serait-il en train de changer et si tel est le cas pour l’Arabie saoudite
- chantre du sunnisme wahhabite -, n’est-ce pas beaucoup par crainte de l’épouvantail et de la menace du puissant voisin chiite iranien ?

Cela dit, Itzhak Rabin qui, lui, ne manquait pas de courage politique, n’avait pas eu besoin de l’aval et de la présence des pays arabes pour commencer le processus de paix avec les Palestiniens. Il était parfaitement conscient de l’intérêt vital d’Israël de se retirer d’une grande partie des territoires occupés. A cet égard, il était, selon sa phrase emblématique, déterminé à « combattre le terrorisme comme s’il n’y avait pas de processus de paix et à poursuivre le processus de paix comme s’il n’y avait pas de terrorisme ».

C’est à l’occupant israélien qu’il incombe d’initier le premier pas consistant à évacuer les territoires occupés car le concept des deux Etats est à présent accepté par l’ensemble des intervenants. Pour mémoire, c’est la France par la voix du président Mitterrand qui avait été la première à le demander en 1982. Mais le responsable israélien qui en aura le courage politique existe-t-il seulement même si voilà plus de cinq ans que la quasi-totalité des sondages en Israël démontre une nette majorité de la population en faveur de cette idée de ce retrait ? N’oublions pas que Rabin a été assassiné pour cela... Les dirigeants israéliens devront constamment être stimulés en ce sens par les autorités américaines et nommément par le (futur ?) président américain qui tiendra un rôle crucial. N’oublions pas que c’est lors des discussions de Tabba de 2001 organisées par le président Clinton que l’on était passé le plus proche d’un accord, accord qui aurait abouti si Clinton avait pu disposer d’un an ou de deux ans de plus...Voilà pourquoi l’impulsion américaine, si elle est positive et dans le bon sens, est tout à fait fondamentale. Il ne faut donc pas que les Israéliens comptent indéfiniment sur le protecteur américain pour les dispenser d’une solution courageuse car la paix n’aura de réelles chances d’aboutir que dès lors qu’Israël se retrouvera face à un président américain un peu moins coopératif. C’est donc aux Américains et aux Israéliens de trouver dans un premier temps le courage politique de faire progresser le dossier même si trouver un dirigeant palestinien charismatique et représentatif qui acceptera de s’engager dans la signature de l’acte de fondation de cet Etat palestinien relèvera par la suite du défi. Il y aura manifestement un problème palestinien de mise en œuvre le jour où un Palestinien devra signer la création d’un Etat palestinien viable car la frange extrémiste de son peuple refusera un tel accord qui réduirait ce futur Etat au quart de la Palestine historique. Précisément, le rôle des Arabes, s’il est moins décisif pour l’enclenchement du processus, sera déterminant pour la suite car ils devront alors jouer un rôle de modérateurs et de banquiers vis-à-vis du peuple palestinien. Du reste, l’appui des Arabes avait beaucoup manqué à Arafat lorsque Clinton avait tenté de résoudre ce processus.

Quoi qu’il en soit, l’Etat d’Israël doit cesser de se considérer comme une enclave occidentale au sein du Moyen-Orient. Israël doit absolument se résigner à l’intégration dans sa région et cesser de regarder continuellement vers l’Occident tout en jetant un regard condescendant vers l’Orient. La terre d’Israël, l’histoire du peuple d’Israël sont foncièrement et fondamentalement d’Orient, le peuple d’Israël doit donc une fois pour toutes cesser de se conduire comme un corps étranger dans sa région ! Certes, un effort considérable doit être demandé aux Israéliens, mais cet effort devra fatalement aboutir car, si les Israéliens ne s’identifient pas à cette terre d’Orient, s’ils n’admettent pas enfin leur appartenance à cette identité orientale - avec toutes ses qualités et toutes ses contradictions - alors les Israéliens, et avec eux le peuple juif, se condamneront à l’errance éternelle.


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