Quand l’interdiction devient une réponse automatique aux maux de la société

par Frédéric B
mercredi 23 janvier 2008

Une réflexion sur le retour fracassant des interdits.

Le tandem interdiction/punition prend des propensions inquiétantes en France. Ce « jeu » aux règles suscitées par le gouvernement semble la réponse favorite et idéale à toutes régulations sociales. Ainsi, le visage socioculturel de notre pays, pour les années à venir, se fondera non plus sur l’apprentissage et la transmission de valeurs, mais sur un terreau aux fragrances d’interdits et de sanctions. Depuis déjà quelques années, des orientations politiques illustrent ce chemin qui nous dirige vers un eldorado aux libertés de plus en plus restreintes et surtout à la responsabilisation de nos actes la plus insignifiante. Le plus pervers est que, pour justifier ces nouvelles règles, le législateur stimule ce sentiment tapi en chacun de nous et qui nous rend vulnérable : la peur. Peur de la maladie et de la souffrance, peur de l’accident, peur de l’agression, peur de l’autre, peur de manquer et, en conclusion, peur de mourir. Par conséquent, qui peut oser protester contre un humanisme dévot, voire un paternalisme clérical (instauré à nouveau par Nicolas Sarkozy), au risque d’être étiqueté comme un dangereux défenseur de tous les crimes et vices.

Voici donc une liste non exhaustive de problèmes réels pour lesquels seul le duo interdiction/punition a été privilégié :

Trop de morts sur les routes : mises en place d’une véritable armée de radars grâce auxquels une pluie torrentielle et continue de contraventions tombent sur tout un chacun ;

Trop de cancer : interdiction de fumer dans tous les lieux publics : mise à disposition d’agents de l’Etat pour punir le patron et le client récalcitrant à coup d’amendes et d’éventuelles fermetures ;

Trop d’étrangers sans papier, fuyant non par plaisir leur pays, mais par nécessité : création d’un cadre législatif permettant des reconduites à la frontière avec pour seule motivation finale des quotas et ôtant toute humanité dans la façon de traiter l’étranger ;

Trop de prostituées sur le trottoir : mise en branle d’une loi stigmatisant les professionnelles du sexe et leurs clients ayant pour dramatiques conséquences de repousser dans des coins les plus reculés des jeunes femmes devenues de plus en plus vulnérables et de refuser qu’il existe une misère affective et sexuelle ;

Trop d’agressions et de potentiels dangers venus de l’extérieur : développement massif de la caméra dans tous les lieux publics mettant en grand danger l’intégrité des citoyens ;

Trop de pollution automobile : création d’une taxe pour le propriétaire pollueur et qui, il est important de le rappeler, ne concerne pas que les fiers conducteurs de rutilants 4x4 ou puissantes berlines, mais concerne également l’heureux possesseur d’une vieille voiture qu’il n’a pas les moyens pécuniaires de remplacer ;

Et bientôt, trop de jeunes de 16 à 18 ans qui consomment de l’alcool, parce que deux jeunes ont été victime d’un coma éthylique après qu’un irresponsable propriétaire de bar leur avait servi 20 verres d’alcool fort, événement fortement relaté par les médias : projet de loi qui va interdire la vente d’alcool aux jeunes de 16 à 18 ans aux abords des établissements scolaires... ;

Une cohorte de « trop » existe. La conséquence des réponses strictement répressives est la culpabilité. Un désagréable retour en arrière s’opère. Les religions, dans leurs multiples interdits moralistes, ont fabriqué des générations entières de personnes investies par un fort taux de culpabilité. En dehors de ce constat, je ne remets en aucun cas en cause la nécessité expresse qu’une vie en collectivité passe avant tout par un panel de droits et de devoirs, toutefois la responsabilité est un des maillons de cet équilibre fragile. Déresponsabiliser l’individu en ne lui permettant pas de prendre conscience de la portée de ses actes et de ses conséquences sur autrui est dangereux et préoccupant. Il me semble que l’éducation des enfants ne passe pas que par des interdictions et des punitions et afin qu’ils aient les moyens de comprendre le monde et de se construire en tant qu’individu, les adultes optent avant tout pour le dialogue et la prévention et non pas le spectre menaçant de la sanction automatique.

L’adulte aurait-il à ce point régresser pour que le politique se soit ainsi transformé en Père Fouettard, prétextant tour à tour la protection et la menace ? Aurions-nous oublié, dans notre absence de rébellion que l’être humain est imparfait et inachevé et que, par conséquent, une société intolérante et obsédée par le « pur » et l’« impur » est une société qui se dirige, peu à peu, vers un totalitarisme ?

Frédéric B.


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