La victoire des impressionnistes

par Sylvain Rakotoarison
lundi 15 avril 2024

« Impression, j'en étais sûr. Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l'impression là-dedans... Et quelle liberté, quelle aisance dans la facture ! Le papier peint à l'état embryonnaire est encore plus fait que cette marine-là ! » (Louis Leroy, "Le Charivari" du 25 avril 1874).

Il y a 150 ans, le 15 avril 1874, au 35 boulevard des Capucines, dans le neuvième arrondissement de Paris, aux Ateliers du photographe Nadar qui recherchait des revenus supplémentaires, a commencé la première exposition des peintres impressionnistes, principalement soutenue par le marchand d'art Paul Durand-Ruel.

C'étaient d'abord des peintres qui se sont vus interdits d'exposition au Salon de peinture et de sculpture, déjà dans les années 1860. Leurs peintures n'étaient pas considérées comme convenables. La Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs, graveurs, etc. s'est constituée le 27 décembre 1873 pour les représenter et organiser cette première exposition du 15 avril 1874 au 15 mai 1874. Auparavant celle-ci, il y a déjà eu autour d'Édouard Manet un Salon des refusés en avril 1863 avec les encouragements de l'empereur Napoléon III et au grand dam des académiciens.

Trente peintres ont exposé à cette occasion, en particulier Paul Cézanne, Auguste Renoir, Claude Monet, Berthe Morisot, Edgar Degas, Alfred Sisley, Henri Rouart et Camille Pissaro. Ils étaient en quelque sorte les révoltés de l'Académie, des rebelles... ce qui, aujourd'hui, fait un peu sourire puisqu'ils sont maintenant les classiques qu'on trouve principalement au Musée d'Orsay. Cent soixante-cinq tableaux étaient exposés chez Nadar, dont certains sont aujourd'hui considérés comme des chefs-d'œuvre. Étrangement, Édouard Manet n'a pas exposé à cette première exposition alors qu'il était supposé être l'un des meneurs de ce nouveau courant, peut-être pour des raisons d'ego. De ces trente peintres exposants, tous n'étaient pas des impressionnistes et certains venaient de l'art académique et sont tombés dans l'oubli.
 

L'appellation "impressionnisme" ne venait d'ailleurs pas d'eux-mêmes mais de l'un de leurs plus féroces détracteurs, le journaliste et critique d'art (également peintre et graveur) Louis Leroy qui, profitant du titre du (désormais) célèbre tableau de Claude Monet (qu'on peut admirer au Musée Marmottan dans le seizième arrondissement de Paris dans sa collection permanente), "Impression, Soleil Levant" de 1872, a donné le nom à ce courant de peinture, l'impressionnisme, qui était au départ une moquerie, d'autant plus que ces peintres, épris de liberté d'exercer leur art, ne voulaient surtout pas devenir une nouvelle école artistique et s'enfermer dans un nouvel style académique.
 

C'est d'ailleurs assez amusant de voir qu'à quelques années près, on s'est retrouvé aussi à la fin de la physique "classique" et au début de la physique quantique, révolutionnaire, devenue elle aussi une science académique par son acceptation généralisée.

Ces peintres exposés, appelés impressionnistes, ont d'abord été appréciés de l'étranger, en particulier des États-Unis où de riches mécènes et collectionneurs n'hésitaient pas à s'affranchir des codes académiques du moment (ce qui se confirma tout au long du XXe siècle).

Du reste, lors de cette première exposition, il n'y a pas eu que des critiques négatifs. Ainsi, le journaliste Ernest d'Hervilly l'a saluée dans "Le Rappel" du 17 avril 1874 : « On ne saurait trop encourager cette entreprise hardie, depuis longtemps conseillée par tous les critiques et tous les amateurs. ». Le critique Jules-Antoine Castagnary était même enthousiaste dans "Le Siècle" : « C’est vif, c’est preste, c’est léger ! ».
 

D'autres salons allaient suivre les années suivantes, avec parfois des différends entre peintres (entre Degas et Monet notamment), et tout cela reste de l'histoire initiale puisque les impressionnistes ont envahi les galeries d'art et les salles des ventes de tous les pays.



Parmi les impressionnistes, en dehors de ceux déjà cités plus haut, citons en particulier Gustave Caillebotte, plus considéré comme un mécène, en particulier pour avoir financé les expositions à partir de 1877, que comme un peintre qui, pourtant, grâce à sa connaissance de la photographie, a su proposer des compositions très modernes dignes d'une vision cinématographique de la réalité, il y a eu aussi Frédéric Bazille, Mary Cassatt, etc.

Le Musée d'Orsay (Esplanade Valéry Giscard d'Estaing, au septième arrondissement de Paris) a organisé une exposition ouverte du 26 mars au 11 août 2024 à l'occasion de ce cent cinquantième anniversaire qui fait revivre au visiteur cette première exposition par une immersion de l'époque en réalité virtuelle : « Pour permettre cette expérience en réalité virtuelle, le Musée d’Orsay annonce avoir mené de nombreux travaux de recherche afin d’obtenir la reconstitution la plus fidèle possible. Pour cela, il s’est appuyé sur de nombreux documents : cadastres, plans architecturaux, photographies, archives de l’atelier, catalogue de l’exposition, correspondances des artistes, article des journalistes et critiques d’art. » décrit le site Paris Zigzag.


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Sylvain Rakotoarison (13 avril 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
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Le trèsor de Toutankhamon.
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