Effectivement

par C’est Nabum
jeudi 11 avril 2024

 

En effet, trop c'est trop.

 

Le terme “EFFECTIVEMENT” est outrancièrement mis à toutes les sauces dans les médias que ce soit par les personnes interrogées ou par les journalistes eux-mêmes. La redondance de ce terme en devient insupportable d'autant plus quand cet adverbe surgit 2 ou 3 fois dans la même phrase, devenant une forme de ponctuation faute de conviction. C'est à croire que loin de le proscrire au nom des usages abusifs de ce mot dans les officines de communication, les gourous des éléments de langage l'imposent pour suppléer le vide sidéral des propos de leurs protégés.

Effectivement, quand un individu à qui l'on tend un microphone se trouve en difficulté de conviction, il convient pour lui d'enfoncer le clou en assénant un terme qui lui donnera cette crédibilité que ses actes sont incapables de lui conférer. Alors, comme des experts le lui ont recommandé, il use jusqu'à la nausée d'adverbes qui souvent manquent cruellement de bonnes manières.

Parmi ces mots outils avant qu'ils fassent éventuellement leur valise, celui-ci tient le pompon grâce à un avantage considérable qui le distingue de nombre de ses camarades. Il permet de débuter la phrase, de le déployer telle une oriflamme qui revendique l’honnêteté et la sincérité de son locuteur. C'est hélas aller bien vite en besogne et lui demander l'impossible tout en oubliant que l'usage exige de recourir à un adverbe de son espace pour enrichir, modifier ou préciser le sens d'un verbe ou parfois d'un adjectif qualificatif.

Lorsque ce malheureux adverbe ne peut compléter un verbe car justement, il n'y a aucune action réelle et avérée à enrichir, il devient un colifichet qu'agite le discoureur pour avoir l'air sans n'avoir rien à dire. C'est aussi pathétique qu'insupportable tout en affirmant haut et fort que la politique n'est que l'art de vendre du vent en agitant le miroir aux alouettes.

Dans d'autres cas, quand ce sont des sportifs, des artistes ou de simples quidams qui sont interrogés, il est alors fort commode puisqu'il permet de répondre à une question posée de telle manière qu'elle implique la réponse. C'est une manière de mâcher le travail, de tendre le micro à des gens qui en la circonstance, ne sont pas en état de répondre posément. Le questionneur n'attendant rien de plus qu'une longue litanie des « Effectivement » qui pleuvent en cascade.

Sorti des fonds baptismaux du langage au xve siècle, cet adverbe vient du nom commun : « Effectif » non pas pour désigner l'immense cohorte de ceux qui parlent pour ne rien dire mais plus précisément pour évoquer ceux qui produisent, qui agissent, qui ont un effet sur le cours des choses, un rôle effectif dans l'agir.

Nous assistons donc au dévoiement de son sens puisque l'action est repoussée dans le flot d'une parole qui se contente d'enrober l'inaction par la répétition comme une rengaine ou une pensée magique de l'adverbe qui laisse supposer que le mouvement est en marche.

Au terme de cet exposé rébarbatif, je vous suggère effectivement et désormais de faire le compte de cet adverbe lors d'un discours d'un palabreur de tribune (il n'est guère permis de les prétendre tribuns) et de lui faire part de son score. Vous pouvez en profiter pour fonder votre prochain vote sur ce critère qui en vaut un autre dans le concert d'une campagne qui se fera fort de jouer de la langue de bois pour présenter des projets qui sont en définitive, au-delà de minuscules nuances, parfaitement identiques en matière européenne.

Effectivement, le débat tombe misérablement dans une redondance de propos qui aliènent durablement l'avenir à une institution qui se passe de l'opinion d'un peuple nonobstant un parlement qui n'est qu'une illusion de pouvoir démocratique.

 


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