France-Maroc : mince, on a gagné !?

par Sylvain Rakotoarison
jeudi 15 décembre 2022

« Bien entendu, l’arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse, surtout quand il est scié par des mains extrêmes et mal intentionnées. Je reste convaincu, pour l’avoir vu, que l’immense majorité des supporters des deux équipes célébreront cette fête dans la joie et la fraternité, par passion pour le ballon rond. » (Mohamed Laqhila, député MoDem des Bouches-du-Rhône, le 13 décembre 2022 dans l'hémicycle).

Autant le dire tout de suite, la victoire d'un match de football en demi-finale tout comme en finale de la coupe du monde ne changera pas la situation des Français, ni ne répondra à leurs nombreux sujets d'inquiétude (entre autres, le chauffage, l'inflation, l'emploi, le logement, la retraite, la pauvreté, l'école, l'hôpital, etc.). Mais la victoire est mieux que la défaite. Et cette victoire en demi-finale dans un pays si contesté, celle de la France contre le Maroc ce mercredi 14 décembre 2022, a renoué avec une sorte de spirale du succès, un nouvel élan pour le moral des Français. Comme en 2018.

Certes, rien n'est joué et l'adversaire final, l'Argentine semble assez solide pour laisser planer un suspens dramatique insoutenable, mais il y a déjà des faits : l'équipe de France n'avait jamais joué en finale deux fois de suite à une coupe du monde. Rien que cela, c'est historique.

Le sport doit garder sa saveur d'origine, un jeu loyal où la haine et la rancœur sont éliminées au profit de la dignité, de la loyauté et surtout, du respect, et d'abord, du respect de l'adversaire. En ce sens, les liens particuliers qu'a pu tisser le Maroc avec la France ont eu pour conséquence que la confrontation est restée sur le plan sportif et pas de manière nationaliste. L'entraîneur français disait avant la prestation des athlètes : souvenez-vous que le sujet, c'est la demi-finale, ce n'est pas le Maroc.

Alors, maintenant, le dernier tour, le plus sérieux, gagner la finale, face à une équipe redoutable. Je reste toujours aussi étonné, déconcerté, par les conséquences d'une compétition qui, pourtant, ne concerne qu'un ballon rond. C'est peut-être la manière d'exprimer sans danger un nationalisme, voire un véritable amour de la patrie, et pourtant, je doute car dans chaque équipe nationale, il y a une forte multitude de nationalités. C'est peut-être cette transcendance nationale qui manque tant dans d'autres domaines, qui a quitté les églises et les écoles pour aller se nicher dans les stades, qui sait ?

Pourquoi le football est-il un lien social et national aussi fort ? Par l'émotion que le sport entraîne ? Un peu comme l'émotion qui peut se ressentir à l'écoute d'une musique, d'une chanson ? Finalement, les matchs sont des petits moments partagés, des émotions échangées collectivement, et rapidement, une nostalgie qui se range parmi les avant-c'était-mieux, le temps où la convivialité allait de paire avec la volonté de vaincre.

Comme je l'expliquais précédemment, la culture du succès est toujours vécue par la plupart des Français avec beaucoup d'incrédulité, tant nous trouvons irrésistible de dénigrer notre pays, et plus généralement, de pointer les fautes, les erreurs, les échecs, les points rouges, plutôt que d'insister sur les victoires, les talents, les réussites, les points verts, préférant la critique aux compliments, la râlerie aux remerciements.



Le Président de la République Emmanuel Macron a eu raison de se rendre au Qatar pour assister à la demi-finale. Il le refera évidemment pour la finale le dimanche 18 décembre 2022. S'il avait fait le contraire, on lui aurait reproché de ne pas soutenir l'équipe de France en de pareilles circonstances.

Passionné de football et passionné par la France, Emmanuel Macron ne pouvait qu'être ému le soir du 14 décembre 2022 : « Je veux dire un immense merci à notre sélectionneur Didier Deschamps. Il sait être en finale et il les gagne. Jamais deux sans trois. Il est là avec sa baraka et son talent. On rapporte la coupe. On prépare la finale et, vous savez quoi, on la gagne ! (…) Giroud aurait encore pu marquer. Griezmann est d’une générosité inouïe. Et on a cette génération nouvelle qui marque. Théo Hernandez, Kolo Muani… Ils me rendent immensément fier. Hugo Lloris a été au rendez-vous aussi. Kylian a été marqué de près mais il a fait un boulot extraordinaire. (…) Je veux que les Français profitent de ce bonheur simple. Les Marocains peuvent aussi être fiers. Ils n’ont pas à en rougir. Je veux leur dire notre amitié. Que tout le monde profite de ce moment. ».



Et pourtant, le Qatar n'a pas changé, probablement se retrouvant au centre d'un scandale politique qui promet d'être exceptionnel au cœur du Parlement Européen avec sans doute de futures victimes collatérales, rien de ce qu'on a reproché à l'organisation de cette coupe du monde n'a disparu, mais l'indignation est toujours conditionnée à une spirale de l'échec.

En d'autres termes, on veut bien fermer les yeux si ça en vaut le coup ! Le Président de la République n'a pas dit autre chose : « J’ai toujours été clair sur le sujet. Le sport doit rassembler. Il en est des coupes du monde de foot, de rugby, des Jeux olympiques pour que des nations qui ne se parlent pas se parlent. Il faut reconnaître que le Qatar organise très bien cette coupe du monde. Ne mégotons pas sur notre plaisir. Sachons avoir des joies simples et être fiers. Il y a plein de pays où il faut régler les choses. ».

Pour preuve, la séance des questions au gouvernement du mardi 13 décembre 2022, la veille du match France-Maroc. Aucune question sur le Qatar, sur sa conception particulière du droit du travail, sur son indifférence à l'empreinte carbone, ni sur le déplacement d'Emmanuel Macron dans ce pays si particulier. Seulement deux questions sur les conditions de sécurité les soirs de matchs, quand les supporters fêtent leur victoire, ou leur défaite, sur les Champs-Élysées.

À une députée du Rassemblement national qui s'inquiétait du trop faible nombre de policiers pour encadrer les manifestations de joies des supporters, le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a répondu : « Il est vrai que des dizaines de milliers de personnes se sont réjouies, à Paris, de la qualification, d’une part, du Maroc et, de l’autre, de la France. Peut-être auriez-vous pu commencer par féliciter ces deux équipes, et imaginer un instant être heureuse avec les autres. En tout cas, madame la députée, je vous encourage à célébrer les victoires avec notre peuple. (…) Bravo au Maroc, bravo à l’équipe de France, bravo aux policiers, merci au parquet de Paris ! Pour une fois, réjouissez-vous et arrêtez de jouer les grincheux ! ».

Un ambassadeur marocain expliquait à la télévision française, juste avant le match, que la réussite d'un pays sur le plan sportif montrait que le pays jouissait d'une situation flatteuse sur les autres plans. C'était évidemment un peu exagéré, histoire de montrer la grandeur du Maroc, mais pas faux non plus, et les Français devraient ainsi en tirer des leçons, notamment celle-ci : que la France est toujours une grande nation et que ce ne sont pas les nationalistes haineux et nostalgiques d'un ordre qui n'a jamais existé qui la font gagner, mais ici, bel et bien l'équipe de France de football !...


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Sylvain Rakotoarison (14 décembre 2022)
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Pour aller plus loin :
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