3 : Brèves de canal

par C’est Nabum
mercredi 14 novembre 2012

Orléans – Nevers – Orléans

épisode 3

Vidéo à boire : 

Le voyage de "L'Insolite"

Après une nuit de près de douze heures, l'équipage semblait dispos pour aborder la dernière ligne droite du canal. Pour le marinier de Loire, rien n'est plus désespérant qu'une voie d'eau balisée, embastillée et parsemée d'écluses. La liberté de la rivière n'a rien à voir avec cette tristounette répétition sans surprise.

Nous nous trompions lourdement. Rien ne se passa aussi tranquillement. Le départ fut d'abord contrarié par l'inévitable panne moteur. Naturellement, l'outil indispensable est toujours celui qui fait défaut. Arrêtés au milieu de nulle part, il fallut du temps et des palabres pour trouver une clef de 10. On n'imagine pas la difficulté de trouver cet outil pourtant si simple entre un canal et une route départementale …

La réparation nous mis en retard. La panne d'essence menaçant tout autant, il fallut effectuer un arrêt à la première station croisée. Naturellement, la loi des emmerdements maximums joua encore des siennes. Les pompes étaient à sec ! Tout près de Sancerre, voilà bien le seul liquide qui pouvait venir à manquer !

Nouveau départ avec ce qui restait de carburant et arrêt prolongé à l'écluse suivante. Notre retard initial avait découragé l'éclusier qui était allé remplir ou bien vider son office ailleurs. L'attente fut fort longue. Par bonheur elle se fit à la porte d'une vieille connaissance de mon périple Orléans – Le Mont Gerbier.

Marius, né en 1925 a tout connu de ce canal. D'abord berger dès 14 ans sur ses rives, il prit du galon et devint garçon de ferme avant d'obtenir la consécration pour ses 18 ans en devant charretier. Il menait des chevaux pour un halage qui connaissait alors ses dernières années. Marius était particulièrement attaché à Polka, une grande percheronne d'une force colossale !

Il se rappelle avoir croisé des péniches tirées par des ânes et même, le croirez-vous, un qui était tracté par un homme sous la bricole. Normal, c'était un berrichon, un batelier dur au mal et d'une force redoutable. Marius est intarissable sur ce canal auprès duquel, il a passé toute son existence.

Le progrès le contraint à changer de métier. Il n'en garde pas moins une relation intime avec la batellerie. Il rentre dans la fonderie « Bernard » à Saint Sature et durant 35 années, il fabriquera des moteurs de péniche mais pas seulement, des pompes hydrauliques aussi. Marius accepte de s'approcher de notre étrange embarcation, il boit un verre de blanc et mange quelques huïtres. Il a l'œil qui brille notre ancien …

Il se met pourtant en colère quand il apprend qu'à la fin de la semaine, le canal sera mis en chômage. Il va être vidé pour des travaux d'entretien. Pour lui, c'est une période de tristesse, plus de pêche, plus de passages à l'écluse, juste au pas de sa porte. Un mauvais moment à passer par ce grand bavard …

Heureusement, grâce au miracle de la téléphonie sans fil, c'est le moment choisi pour Monsieur Quintin vienne nous livrer la commande de Coteaux du Giennois que nous devions rapatrier jusqu'au restaurant le Girouet. On ne fait pas un voyage à vide, et l'on joint l'utile à l'agréable en reconstituant nos stocks. Et la livraison sera paradoxalement exonérée de frais de port !

L'éclusier arrive enfin. Nous repartons pour d'autres rencontres. À l'écluse suivante, Alain de la Belle Cosnoise, une toue cabanée qui m'a toujours fait le meilleur accueil, vient nous porter le casse-croûte. Nouvel arrêt. Alain nous sauve la mise en nous permettant également d'aller remplir notre bidon d'essence. La route va pouvoir se poursuivre après une matinée bien plus conviviale que navale ! Qu'importe, nous sommes en pleine forme !

Lentement vôtre.


Lire l'article complet, et les commentaires