Pérégrinations autour de la Turquie

par GHEDIA Aziz
vendredi 14 juillet 2023

En 2015, nous avions passé, ma femme et moi, une semaine de vacances à Istanbul. L’agence de tourisme avec laquelle nous avions effectué ce voyage nous réserva une chambre dans un magnifique hôtel, Dosso Dossi, situé à quelques centaines de mètres de l’ex basilique Sainte Sophie et de la grande mosquée bleue.

Dans le cadre de notre programme de visites, nous avions bénéficié d’une journée dans la fameuse « ile des princes ». Celle-ci se trouve dans la mer de Marmara, à quelques miles d’Istanbul, coté asiatique. Pour s’y rendre, évidemment, il fallait prendre l’un de ces Ferry qui font des allers-retours toute la journée. La traversée ne dura qu’un peu plus d’une heure. Ce qui donna assez de temps aux touristes de prendre des selfies ou des photos de la ville d’Istanbul vue de la mer. La ville est magnifique. Elle est partagée en deux par ce bras de mer qu’est le Bosphore qui relie la mer de Marmara à la mer noire, plus an Nord. Sur le côté asiatique, loin du brouhaha de la ville, habitent certainement les riches commerçant et les familles aisées de la nomenklatura. Cela se devine par les belles villas avec piscines privées qui bordent le Bosphore. La plupart des séries télévisées turques, très prisées par les femmes probablement de tout le monde arabe, sont généralement tournées sur ces lieux de rêve. Côté européen, la ville offre une belle vue aussi. Ses innombrables mosquées, de style byzantin bien évidemment, ne laissent personne indifférent. Même si on est agnostique, athée, ne se reconnaissant dans aucune religion, on ne reste pas insensible au charme architectural de ces lieux de culte. Leur construction remonte à bien longtemps, du temps de la splendeur de l’empire Ottoman. Et que dire alors lorsque, à l’heure de la prière, s’élèvent, du haut de chaque minaret, l’appel du Muezzin ? Rien à dire, on est convié alors à assister à une belle mélodie d’ensemble. Les fidèles, toute activité cessante, accourent de tous les coins de la ville pour rejoindre ces lieux de culte et s’acquitter de leur devoir cultuel.

Bref, Istanbul est une ville cosmopolite où il fait certainement bon vivre.

En fait, avant de partir à Istanbul, j’avais une vision complètement erronée de la Turquie. Une vision tronquée. Je pensais que ce pays, même s’il est en partie européen par la géographie, ne pouvait pas être totalement différent, ne serait-ce que par la culture, des autres pays de ce qu’il est habituellement appelé « la sphère arabo-musulmane ». Force est d’admette, aujourd’hui, que je m’étais complètement gourré. Mon appréciation s’était révélée fausse. Dès l’arrivée de l’aéroport d’ailleurs, l’on commence à réviser ses préjugés. L’aéroport est immense et bien entretenu. Et sur le tarmac, les avions bien alignés de Turquish Air Lignes, donnent une idée, bien réelle celle-là, sur l’importance de cette flotte aérienne qui relie les cinq continents. Cette compagnie était d’ailleurs classée comme deuxième compagnie aérienne après celle des Emirats. On dit que l’aéroport est la vitrine du pays visité. Le moins que je puisse dire, aujourd’hui, c’est que cette vitrine était bien alléchante. Mon séjour d’une semaine dans cette ville ne m’avait pas déçu. Loin s’en faut. Je me sentais vraiment à l’aise. D’autant plus qu’entre nous, Algériens et les Turcs, il y a une période historique commune. En tout cas moins dramatique et moins sanglante que celle que nous avions eu avec la France. Selon les historiens, à l’époque les Turcs écumaient la Méditerranée et s’adonnaient à des opérations de piraterie ce qui veut dire qu’ils disposaient d’une importante flotte navale. On parlait alors de l’empire Ottoman. Cet empire dominait l’Afrique du Nord : Egypte, Syrie, Palestine… La venue des Turcs en Algérie, en 1529 faisait suite à un appel des Algériens qui étaient assaillis par les Espagnols. Voilà pour le petit rappel historique.

Sur le Ferry qui nous amenait à l’île des princes, j’ai eu une petite discussion avec un Turc. Originaire d’Istanbul, il enseignait la langue française dans un collège. Entre nous, le courant est vite bien passé et nous discutions presque à bâtons rompus, le Ferry étant pratiquement à mi-distance du port d’arrivée. La discussion portait essentiellement sur le pourquoi de l’insistance de la Turquie à adhérer à l’Union Européenne. Pour moi, il était tout à fait clair que la Turquie ne sera jamais admise dans « ce club chrétien ». En effet, même si une partie de son territoire se trouve en Europe, la Turquie est musulmane. Elle appartient à la civilisation musulmane. Elle ne partage pas les mêmes valeurs que le reste de l’Europe. Il y a bien une incompatibilité civilisationnelle pour celui qui veut bien voir et admettre la réalité des choses. La Turquie n’a pas vocation à intégrer l’Union Européenne. Elle ne sera jamais acceptée au sein de cette union même en se pliant en quatre pour appliquer toutes les conditions que celle-ci exige d’elle. Il ne suffit pas de réformer l’économie, d’encourager les investisseurs étrangers, de répondre positivement à certains critères des « Droits de l’homme », de ne pas faire obstruction aux trucs genre LGBT, culture « woke » et je ne sais quoi encore pour être admis à bras ouvert dans « Le club ». Non, le problème est beaucoup plus sérieux que ça. On ne veut pas de la Turquie parce que son peuple est musulman et pratique les cinq piliers de l’Islam. C’est aussi simple que ça. Il ne faut pas avoir honte ni prendre des pincettes pour appeler un chat un chat. Pourtant, le président turc, Recep Tayep Erdogan, islamiste qu’il est, continue à insister sur ce fait, l’adhésion de son pays à l’UE, allant jusqu’à faire des concessions qui risqueraient de nuire gravement à la stabilité politique de la Turquie. 

C’était mon raisonnement, à l’époque. Je pensais même que la Turquie n’avait pas, à véritablement parler, besoin de l’Europe, c’est plutôt l’Europe qui pourrait avoir besoin de la Turquie du fait de son importante population jeune et dynamique. Une population de plus de 80 millions ; ce qui veut dire un important marché économique dont l’Europe pourrait tirer profit par des échanges commerciaux et autres dans les deux sens. 

Qu’en est-il aujourd’hui ? Apparemment, rien n’a changé ; on en est toujours au même point. La Turquie attend avec impatience qu’on veuille bien lui ouvrir la porte de l’Union.


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