Le sous-marin bleu

par Jean Levain
vendredi 26 novembre 2010

Ce qui est intéressant, dans la récente élection à la tête de l’UMP 92, ce n’est pas tellement le scénario de l’éviction programmée de son ex-patron (et futur ex-patron du Conseil Général), Patrick DEVEDJIAN. Les méthodes « externes » du sarkozysme relèvent en effet de plus en plus de l’évidence. Le côté obscur de l’affaire, lié à la personnalité et au curriculum vitae du nouveau titulaire, Jean-Jacques GUILLET, nous paraît mériter davantage l’attention du lectorat.

En effet, on parle avec de plus en plus d’attention du vaste système de rétro-commissions sur les marchés d’armement exploité dans le contexte de la concurrence entre les candidats de la droite à l’élection présidentielle BALLADUR et CHIRAC, assistés entre autres de leurs poulains respectifs SARKOZY et VILLEPIN. Mais Charles PASQUA, dont Jean-Jacques GUILLET ,ex-secrétaire puis vice-président de son éphémère RPF et député-maire de Chaville était l’un des principaux « techniciens », fut précurseur et orfèvre en la matière.
 
On peut en trouver un exemple dans le circuit des rétro-commissions versées dans les années 90 par la SOFREMI, cousine de la désormais célèbre SOFRESA. Placée sous la tutelle du ministre de l’Intérieur (alors Charles PASQUA) au lieu du ministre de la Défense et exportant du « petit » matériel de police au lieu du « lourd » (systèmes de défense), elle fut mise en coupe réglée au profits de bénéficiaires-receleurs dont …Jean-Jacques GUILLET, au travers de son « Quotidien du Maire » déjà en liquidation à l’époque.
 
Tout cela est parfaitement expliqué en un français très clair et en une vingtaine de pages dans l’arrêt* d’avril dernier de la Cour de Justice de la République, disponible sur internet via le lien
 
arrêt de la CJR
ou sur le site internet du Monde.
 
C’est ce chef d’accusation parmi d’autres qui a été privilégié par la Cour laquelle, rappelons-le, est composée de 3 magistrats professionnels et de 12 parlementaires dont 8 appartenant à l’actuelle majorité.
 
Autrement dit, dans les Hauts-de-Seine (base arrière et de repli du clan SARKOZY) l’UMP a, sur pression semble-t-il de l’Elysée (si l’on en croit le président du Conseil Général ) élu à sa tête le receleur principal de rétro-commissions orchestrées par PASQUA, condamné par une juridiction d’exception où les parlementaires de l’UMP sont majoritaires. Il y a aussi des gens intègres à l’UMP…
 
On ne peut qu’y voir les contradictions dans lesquelles le système de gouvernement actuel se débat, s’empêtre de plus en plus et qui se traduit par une impuissance de plus en plus évidente. Porter sur un pavois, fût-il local, un receleur démasqué par leurs propres collègues, revient pour les UMPistes altoséquanais, à la fois à appliquer des consignes absurdes d’un président en perdition et, ce qui est beaucoup plus grave, à se moquer de la Justice car même si Jean-Jacques GUILLET n’ a pas été inquiété il était, au dire même de la Cour, receleur principal.
 
Du sous-marin, type de bâtiment bien à l’ordre du jour, le milieu pasquaïen partage la discrétion. Mais le sous-marin moderne a une centrale inertielle qui lui permet de conserver son cap en plongée autrement dit, en termes politiques, des principes pour le guider. Ce n’est pas le cas de l’UMP 92, base sous-marine du sarkozysme qui de toute évidence n’en a plus et ce depuis longtemps. Dès lors, le submersible bleu devra bientôt faire surface en catastrophe, exposant la vraie nature de son équipage shangaïé au long cours des navigations en eaux troubles et risquant l’arraisonnement par « La Justice », la vraie.
 
La « manœuvre » GUILLET est probablement l’une des dernières tentatives d’étouffement des scandales du 92 mais elle appelle aussi une réflexion. Les pratiques de commissions et rétro-commissions au bénéfice de partis ou de particuliers n’ont pas toujours les mêmes conséquences. Si, au niveau national, elles ont probablement coûté la vie à de loyaux collaborateurs elles ne semblent pour l’instant, dans les Hauts-de-Seine, qu’avoir nui au contribuable. Elles ont toutefois un lien commun dont la victime collatérale, le commandant Patrick DEVEDJIAN remplacé par un commissaire politique, apporte bien malgré lui la preuve : le clan qui les pratique.
 
* L’appel en cassation de Charles PASQUA contre cet arrêt a été rejeté le 27 juillet dernier, dans le silence de l’été

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