Pollution en Chine : l’Europe complice

par Corinne Lepage
vendredi 10 août 2007

La question de la pollution en Chine est une question extrêmement intéressante à plus d’un titre. D’une part, du fait de la proximité des jeux Olympiques, le sujet est récurrent et il a très récemment mis l’accent sur les tripatouillages auxquels la Banque mondiale avait apparemment accepté de procéder, à la demande de la Chine, pour cacher le caractère dramatique de la pollution alors même que le Comité olympique avait décidé de placer sous le signe de la durabilité les prochains Jeux.

La fiabilité des rapports des grands organismes internationaux en matière d’environnement et plus généralement de santé publique est ainsi interpellée et, l’interrogation devrait s’étendre à d’autres organisations comme l’OMS dont les rapports avec l’AIEA dans le domaine de la pollution nucléaire sont plus que douteux.


Mais, la gravité de la situation chinoise jette également une lumière particulièrement crue sur les conséquences environnementales et sanitaires d’une croissance démesurée. Non seulement, la Chine est probablement le premier Etat du monde dans lequel des révoltes d’ordre écologique sont régulières, mais encore le nombre de morts prématurées liées à la pollution atmosphérique atteint le chiffre astronomique de 750 000 par an. Ce chiffre ne tient évidemment pas compte de la mortalité et de la morbidité liée à la pollution chimique qui dans certaines régions et, en particulier, au voisinage des fleuves qui sont transformés en véritables égouts chimiques, atteint des proportions catastrophiques.

Or, nous avons aussi notre part de responsabilité en tant que consommateurs européens de cette situation, puisque nous achetons des produits chinois fabriqués avec des produits toxiques, interdits en Europe, parce qu’il sont bon marché sans en nous préoccuper, peut-être du fait d’une certaine ignorance, ou de leurs conséquences tant sur notre santé que sur celles des Chinois qui les fabriquent. Un récent scandale a conduit à la mise à mort d’un responsable chinois, convaincu de corruption, accusé d’avoir couvert des productions toxiques. Le sujet n’est pas conjoncturel, il est structurel. Il serait plus que temps que l’Union européenne applique aux produits importés les mêmes règles que celles qu’elle impose aux produits de fabrication européenne. La santé des Européens y gagnerait comme celle des Chinois ainsi que leurs ressources naturelles.

Ce sujet pose également la question des modalités de calcul de la croissance.
Le sujet des indicateurs est un sujet qui m’est cher et j’étais honorée de retrouver sous la plume d’Al Gore les mêmes préoccupations quant aux modalités de mesures du progrès économique. En termes de PIB, le coût de destruction des ressources chinoises est évalué entre 5 et 8 %, selon les études. Ainsi, la réalité de la croissance chinoise doit-elle s’apprécier en fonction d’une soustraction entre le taux de croissance de l’ordre de 10 à 12 % et le taux de destruction des ressources de l’ordre de 5 à 8 %. Lorsque l’humanité aura acquis une maturité suffisante pour changer son mode de calcul, alors peut-être peut-on espérer que les choix publics et privés seront moins déraisonnables.

Enfin, cette question fait apparaître les conflits lourds entre des intérêts publics divergents. D’un côté, les jeux Olympiques, l’image de la Chine, la nécessité de plus en plus intégrée par les autorités de s’insérer dans un développement compatible avec les matières premières, l’énergie et accessoirement la capacité de vie des Chinois. D’un autre côté, une volonté de croissance accélérée pour faire accéder la Chine au rang de deuxième, voire de première puissance économique mondiale. Le poids financier de la Chine actuelle, qui est devenue le banquier du monde et en particulier des États-Unis, la capacité de rachat des entreprises occidentales, renforcent bien évidemment le choix en faveur d’une priorité donnée à la deuxième branche de l’alternative. La question posée est celle de savoir jusqu’où, en termes physique comme en termes politique et social, un tel choix pourra s’exercer.

Corinne Lepage


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