La marche numérique vers le néant

par C’est Nabum
lundi 19 juin 2023

 

L'insignifiance artificielle

 

Le temps est venu de se passer de ce peu de cerveau qu'il nous reste. Tout avait débuté insidieusement quand des machines se mirent en tête de remplacer la nôtre. Malicieusement tout d'abord, sans que nous nous mettions la puce à l'oreille, de curieuses machines se chargèrent de remplacer notre mémoire.

Progressivement, inexorablement, elles prirent la main pour toutes nos activités. Avec application, méthode, elles remplacèrent notre libre arbitre pour nous mener par le bout du nez, là où nous voulions aller, nous faisant tous passer par le même endroit, pour nous habituer à être des moutons de Panurge.

Elles firent tant et si bien qu'elles choisirent pour nous restaurants et salles de spectacles, se payant le luxe de régler l'addition à notre place ou de réserver ce qu'elles avaient décidé de nous faire découvrir. Nous n'étions plus que des pions dans les filets de ces étranges ordinateurs de poche, connectés les uns avec les autres pour mieux nous suivre à la trace et nous tenir en bride.

La première étape de leur plan diabolique fut un succès sans pareil. Malheur à qui se passait de la maudite machine. Il se coupait de ce que ses semblables appelaient encore : le lien social, sans qu'ils se rendent compte que ce n'était qu'une chaîne cadenassée par une intelligence supérieure. Il est vrai qu'en matière de réflexion, les adeptes de la chose perdaient progressivement pied avec l'usage de leur matière grise.

Ils en avaient sans doute fait don aux apprentis sorciers qui entendaient mettre en algorithmes les chemins complexes de nos circonlocutions neuronales. Le but ultime de ces chercheurs diaboliques étant de confier la responsabilité de la pensée à des machines plutôt qu'à des individus, toujours capables de sortir du cadre.

Bientôt, le plan vit le jour. L'intelligence ne poussait plus dans les livres, les écoles ou les lieux de culture, elle imposa sa présence exclusive dans ces petites boîtes noires de la manipulation globale. Tout ce qui émanait jadis de la réflexion, de la pensée, de la confrontation des essais et des erreurs, des hypothèses et des théories passait désormais par ces boîtiers sans conscience.

L'intelligence artificielle prenait les commandes avec l'approbation naïve de nos dirigeants pensant qu'ils allaient tirer les ficelles, incapables de comprendre qu'ils seraient eux-aussi placés sous contrôle de la machine. On se gargarisait en haut lieu de ce progrès décisif qui transformait le peuple souverain en masse servile. Il est vrai que pour eux, ce n'était que la concrétisation de leur longue destruction des potentiels humains.

Ils furent à leur tour bouter du pouvoir par la pieuvre mondiale, le vaste réseau de connexions qui engluait tous les humains dans sa toile d’araignée. Les humains, quels que fut leur condition, leur niveau social, leur richesse, étaient pilotés, manipulés, instrumentalisés par ce cerveau mondial évanescent et incontrôlé.

Ils devinrent des esclaves au service d'une volonté supérieure qui échappait totalement à ses créateurs. Hélas, il n'y avait plus de cerveaux en état de marche pour trouver une parade à cette terrifiante prise de pouvoir. Le mal était fait, il avait été soigneusement préparé et pensé par des décideurs qui se pensaient à l'abri de la grande catastrophe.

Ce fut la fin de l'humanité. Bien vite, l'intelligence artificielle se rendit compte qu'il était préférable de porter son intérêt vers d'autres espèces, bien plus capables d'obéir et d'agir dans une discipline parfaite. Fourmis, rats, cloportes et autres êtres jusqu'alors si discrets, devinrent les agents exécuteurs de cette conscience artificielle mondiale.

À contre-pensée.


Lire l'article complet, et les commentaires