Vous reprendrez bien encore un peu d’islamo-gauchisme, à moins que vous préfériez l’islamophobie ?

par Paul Jael
jeudi 29 décembre 2022

Deux nouveaux mots se sont imposés dans le vocabulaire politique contemporain : islamo-gauchisme et islamophobie. Est-on bien sûr que leur usage permet de clarifier les enjeux auxquels notre société fait face ?

  1. Les opinions et les personnes

A-t-on le droit de détester une opinion professée par d’autres individus ? Evidemment que oui. Prenons un exemple : l’athéisme. Plus que probablement, beaucoup d’adeptes de la plupart des religions exècrent ce type de pensée, ce qu’on pourrait appeler de l’athéophobie. Bien qu’étant athée je considère que c’est parfaitement leur droit. De même, il semble logique qu’étant un doctrine religieuse, l’islam puisse faire l’objet du même type de détestation. Idem pour le Christianisme, le bouddhisme…

Certes, il y a plusieurs façons de rejeter une opinion. Il y a le rejet épidermique fait de dégoût et d’intolérance, par opposition à l’analyse critique. Ce deuxième mode de rejet n’aboutit pas nécessairement à de la détestation, et il est souhaitable qu’il s’arrêté au seuil de ce sentiment encore que les émotions ne se contrôlent pas toujours.

Les opinions, ça se débat, donc ça se critique. L’échange d’arguments rationnels est à la source du progrès. Mais le débat ne peut être constructif que s’il atteint un minimum de sérénité. Il n’est pas évident que les controverses à propos de l’islam aient toujours été telles, ce dont un camp n’en est pas moins à blâmer que l’autre.

Une distinction me paraît essentielle : si les opinions peuvent être critiquées ou moquées, les êtres humains ont toujours droit au respect. Cette distinguo est malheureusement souvent recouvert d’une épaisse couche de confusion. Ainsi, beaucoup de xénophobes prétendent détester l’islam alors que ce qu’ils détestent, ce sont les musulmans. L’extrêmement stupide terme « islamophobie » tend à les conforter dans leur perception erronée.

Certains individus pourraient se sentir outragées personnellement devant ce qu’ils considèrent comme un manque de respect envers leur opinion. Pourtant, nous ne sommes pas opinions ; elles nous habitent et ne se confondent pas avec nous ; dans une majorité de cas, nous ne les avons d’ailleurs pas choisies et lorsque nous les choisissons, c’est généralement pour des motifs psychologiques qui nous échappent. Supposons un instant que nous fassions un avec nos croyances. Que faudrait-il alors penser des gens qui adhèrent à une doctrine aussi idiote que le platisme ? Quels droits, quelle protection, quel respect pourraient-ils revendiquer ? Mais ce sont des personnes humaines et à ce titre, le respect leur est dû.

  1. Les valeurs à partager

Vivre ensemble harmonieusement n’implique pas nécessairement l’homogénéité des mœurs et coutumes. Par contre, les valeurs sont essentielles. Prenons des valeurs comme la liberté individuelle, la tolérance et l’égalité (notamment entre les genres). Ce sont des valeurs UNIVERSELLES en ce sens qu’aucun être humain n’a intérêt à ce que d’autres les violent. Elles passeraient avec succès le critère de validation kantien. Le fait qu’elles soient universelles n’entraîne pas qu’elles vont de soi… et c’est peu dire. Après plus de quatre mille ans de civilisation, il a fallu « les lumières » pour qu’elles éclosent timidement, la Révolution Française pour leur donner du retentissement et deux siècles de luttes pour que l’occident s’y conforme plus ou moins. Ces valeurs existent indépendamment de toute civilisation : les hommes les découvrent mais ne les produisent pas.

Très fiers (ou prétentieux ?) de vivre sur le premier continent qui les a faites siennes, nombre d’Européens, dont peu ont fait avancer lesdites valeurs, croient devoir les appeler « nos valeurs » ou « les valeurs occidentales », occultant ainsi leur caractère universel. Un tel manque de discernement est une faute à la fois philosophique et psychologique. On admettra que le colonialisme ne cadre pas parfaitement avec ces valeurs. Les traces qu’il a laissées dans les mentalités ne doivent pas être sous-estimées. Si vous voulez faire détester ces valeurs à certains que vous avez colonisés ou qui s’identifient avec ceux-ci, vous les appelez « nos valeurs ». Ce qui laisse à l’interlocuteur deux réactions possibles : ou bien « ces valeurs universelles ne vous appartiennent pas » ou bien « vos valeurs de colonialiste, vous allez voir ce que j’en fais ». Les méandres de l’esprit humain ne conduisent malheureusement pas automatiquement à la première.

 


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