La fille verticale de Félicia Viti : quand l’amour cogne plus fort que la raison
par Léa Renoir
mercredi 19 mars 2025
Publié chez Gallimard, La Fille verticale de Félicia Viti est un premier roman qui explose à la gueule du lecteur comme une détonation.
Ce soir à la radio résonne la bande son du film India Song... Et je repose le dernier mot de ce premier roman.. Que se passe-t-il ? Faut-il être saisie d'amour ou bien de tristesse ? Faut-il se livrer à la passion, se brûler, se désirer ? Que faisons-nous ? Félicia Viti écrit ou tourne des scènes. Et l'on plonge avec elle, on respire, on ne respire plus, on pique du fric à son père en Corse...
Ça sent la baise, pardon, l’amour – ou du moins quelque chose qui y ressemble : une passion dévorante, une dépendance chimique, une obsession qui ravage. Les phrases de Viti cognent, elles sentent le foutre, elles transpirent le manque et la fièvre, comme si l’écriture elle-même se débattait dans une spirale d’ivresse et de douleur.
La narratrice est prise au piège d’une relation toxique, de celles où l’autre devient une drogue, une pulsation incontrôlable qui bousille le corps et l’âme. L., « la fille verticale », est insaisissable. Elle échappe, elle fuit, elle détruit. Et la narratrice court après elle, toujours plus bas, toujours plus loin, dans ce Paris nocturne où l’amour se vit à la dérobée, entre une étreinte et un abandon.
Ce qui frappe dans ce roman, ce n’est pas tant la description du désir que son implacable brutalité. On ne sait plus si c’est le rythme d’un cœur ou celui d’une gifle. L’amour comme choc. Comme soumission. Comme un combat dont on ressort pantelant, déchiré, affamé encore. La question qui émerge alors est celle que posait Chloé Thibaud dans Ceci est mon corps : pourquoi les femmes désirent-elles la violence ? Pourquoi fantasment-elles encore sur des rapports où elles souffrent, où elles quémandent, où elles acceptent d’être rejetées, abîmées, humiliées ?
Félicia Viti ne répond pas. Elle balance son texte comme une lame. Cru, charnel, épuisant. Certains y verront une catharsis, d’autres une répétition de schémas oppressifs, un énième miroir du patriarcat qui a appris aux femmes à aimer leur propre destruction.
Et si ce livre dérange, tant mieux. Parce qu’il met en lumière une mécanique intime et collective : celle de l’aliénation amoureuse. Il fait entendre ce cri que trop de femmes taisent encore. Il laisse voir l’impasse où peut mener le désir quand il devient poison.
Un premier roman incendiaire. Un livre qui ne se contente pas de brûler : il consume.