Gabriel Macron

par Sylvain Rakotoarison
samedi 13 janvier 2024

« Cela a été dit, ces dernières heures, j'ai pu le lire ou l'entendre : "le plus jeune Président de la République de l'histoire nomme le plus jeune Premier Ministre de l'histoire". Je ne veux y voir qu'un seul symbole : celui de l'audace et du mouvement. Le symbole aussi, et peut-être surtout de la confiance, celle accordée à la jeunesse, cette génération qui mérite que l'on se batte pour elle sans relâche. (…) Avec le Président de la République, j'aurai donc un objectif : garder le contrôle de notre destin et libérer notre potentiel français. » (Gabriel Attal, le 9 janvier 2024 à Matignon).



En prenant ce titre court, synthétique, sobre, épuré, je voulais évoquer le nouveau couple au sommet de l'État, qui sort de l'ordinaire assurément. Et puis, j'ai eu un peu d'inquiétude, quelques scrupules, et, oui, j'avoue, j'ai googlisé et j'ai découvert plusieurs Gabriel Macron, un né en 1974, apparemment, dont je ne dirai rien car c'est sa vie et elle ne me regarde pas, et un autre, né en 2005, dont j'évoque juste un élément important (quand même), c'est le demi-frère du Président de la République. Alors, bien entendu, il ne s'agit pas d'eux, pas d'autres qui m'auraient échappé (je n'ai pas googlisé très longtemps), mais du tandem Gabriel Attal-Emmanuel Macron, bien sûr.

En 2017, on avait parlé, à tort finalement, du personnage Édouard Macron, parce que la nomination du député-maire LR du Havre, Édouard Philippe, proche de l'ancien Premier Ministre Alain Juppé et encore peu connu des Français, avait surpris le petit monde politique avec un début un peu maladroit : Emmanuel Macron avait prononcé un discours devant le Congrès de Versailles quelques heures avant le discours de la politique générale d'Édouard Philippe, de quoi rabaisser le Premier Ministre au rang de sous-collaborateur (j'avais évoqué Édouard Macron le 18 mai 2017 et même Édouard Macron II le 22 juin 2017).

On a bien compris par la suite qu'Édouard Philippe avait une existence politique "propre", indépendante d'Emmanuel Macron, au point que ce dernier l'a remercié alors qu'il prenait un peu trop de place dans le paysage politico-médiatico-sondagier. Un Premier Ministre est un fusible, pas un point de lumière.



Aujourd'hui, on parle de "bébé Macron" pour évoquer Gabriel Attal, mais c'est une erreur, ou alors, un leurre : si, dans la Macronie, depuis 2017, il y a une personnalité qui est un politique, un vrai politique, c'est bien Gabriel Attal et il n'a pas attendu Emmanuel Macron pour faire de la politique (au sein du PS). Certains commentateurs le "rangent" comme un héritier de Nicolas Sarkozy. Oui, pourquoi pas ? Je dirais aussi de Manuel Valls ou de Jean-François Copé : des hommes volontaires, dynamiques, jeunes, ambitieux... et pressés. Mais un conseil des Grecs anciens, c'est : hâte-toi lentement !

Gabriel Attal est un talent, il est très doué pour la communication politique, et pour l'instant, il a fait un parcours sans faute : ses rares mois de Ministre de l'Éducation nationale l'ont rendu très populaire alors qu'il n'a prononcé que quelques mots, mais les bons : abaya, autorité, redoublement, uniforme, etc. Quand j'écris "les bons", les bons pour se rendre populaire car être populaire, ce n'est jamais que faire du populisme raisonnable.

Mais sa quasi-perfection dans la communication politique ne s'adresse pas qu'à des électeurs potentiels, elle s'adresse aussi au Président de la République (il est resté pour l'instant toujours très loyal et respectueux, et le jeu consiste aujourd'hui à compter le nombre de fois qu'il l'a cité dans chacune de ses déclarations) ainsi qu'aux membres de la majorité présidentielle à l'Assemblée Nationale, ménageant toujours la chèvre (aile droite) et le chou (aile gauche).



Aujourd'hui, Gabriel Attal devra bien sûr faire ses preuves comme chef du gouvernement. Premier Ministre, il l'est sur le papier mais son autorité va devoir être respectée, notamment par les deux grands barons de la Macronie que sont Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, qui, tous les deux, auraient rêvé de Matignon, et paradoxalement, ce respect s'imposera à eux dès lors que Gabriel Attal s'écartera lui-même des chemins proposés par Emmanuel Macron en esquissant le sien propre. Car de vision, il en manque encore, il jette quelques mots (autorité, lutte contre la pauvreté, défense des classes moyennes, etc.) mais cela n'en fait pas une vision pour la Nation.



La vision, pour l'instant, est définie à l'Élysée. On distingue ainsi Gabriel Attal, capable de parler aux gens du peuple, avec des mots simples, d'Emmanuel Macron qui s'exprime avec une pensée beaucoup plus complexe, voire trop complexe, avec des mots difficiles dont les concepts sont rarement définis. Alors, Gabriel Attal, traducteur du Président ? Après tout, il a déjà été porte-parole. Ce qui semble se dessiner pour la semaine prochaine, en début de semaine, c'est une intervention du chef de l'État suivie du discours de politique générale du Premier Ministre, le même schéma qu'au début du mois de juillet 2017 avec Édouard Philippe.

Pour l'heure, j'écrivais, la vision est définie à l'Élysée. Emmanuel Macron avait justement écrit une tribune intéressante dans "Le Monde" du 29 décembre 2023 pour exprimer ses priorités nationales et internationales. Elle est passée quasi-inaperçue, mais la forme un peu ardue d'un texte assez long, qui plus est entre Noël et le Nouvel An avec en plus ses propres vœux adressés à la Nation deux jours plus tard, était faite pour que ce texte passât inaperçu.

Cette tribune, qui reprend le fameux "en même temps, commençait ainsi : « La poursuite de la guerre en Ukraine et la situation au Proche-Orient après l’attaque terroriste du Hamas et les bombardements à Gaza ne doivent pas nous faire dévier des priorités qui sont les nôtres : réduire nos émissions de dioxyde de carbone (CO2), viser la neutralité carbone en 2050, sauver notre biodiversité et lutter contre la pauvreté et les inégalités. C’est cette doctrine que nous déclinons à l’international, à travers le Pacte de Paris pour les peuples et la planète et les sommets One Planet. La clé de voûte de cette stratégie, c’est que nous devons accélérer en même temps sur le plan de la transition écologique et sur celui de la lutte contre la pauvreté, car aucun pays n’acceptera de placer sa population dans l’impasse sociale et économique pour protéger la planète. ».

Ainsi, il proposait sept lignes d'horizon pour atteindre cet objectif ambitieux à la fois écologique et social, dont la principale pour les pays riches serait la sortie définitive du charbon en 2030, du pétrole en 2045 et du gaz en 2050. Sera-t-il à la hauteur de tels défis ? C'est toute la question qui se pose pour Gabriel Attal dont la mission serait avant tout de faire exploser en plein vol la fusée RN d'ici à 2027...


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 janvier 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gabriel Macron.
Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.
Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
Élisabeth Borne remerciée !
Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !


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