Les souris du gouvernement de Gabriel Attal

par Sylvain Rakotoarison
vendredi 9 février 2024

« Le Président de la République réunira l’ensemble des membres du gouvernement pour un conseil des ministres qui se tiendra le mercredi 14 février 2024 à 10 heures. » (Communiqué de l'Élysée du 8 février 2024 dans la soirée).

Un premier conseil des ministres à la Saint-Valentin, ça promet ! Comme souvent dans les nominations de nouveaux gouvernements, on a tendance à dire : tout ça pour ça ?! La montagne accouche d'une souris, de plusieurs souris, dont la plus grande, Gabriel Attal était de service spécial sur France 2 dans la soirée de ce jeudi 8 février 2024.

Il a donc fallu quatre longues semaines pour compléter le gouvernement étriqué nommé le 11 janvier 2024. On soupçonne ce temps long par l'attente de quelques décisions judiciaires, concernant Olivier Dussopt (qui était pressenti à l'Outre-mer et qui finalement reste sur le quai) et concernant bien sûr François Bayrou. La lenteur viendrait-elle du président du MoDem ? Peut-être. On le saura plus tard, dans des confidences ultérieures.

Pour l'instant, il n'y a pas beaucoup de nouveauté, il y a beaucoup de continuité avec le gouvernement d'Élisabeth Borne. Par exemple, on a repêché en ministre plein Stanislas Guérini (à la Fonction publique ; les fonctionnaires soufflent). On a repêché aussi Amélie Oudéa-Castéra qui retrouve son ancien Ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, attributions déjà bien lourdes pour assurer un été olympique réussi en France.

Du coup, la grande surprise est donc le retour de l'ancienne Garde des Sceaux, Nicole Belloubet (68 ans), qui a l'avantage d'être une femme et d'origine socialiste, deux caractéristiques assez rares dans ce gouvernement (malgré la parité). Elle a été nommée Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, ce qui est doublement étonnant : pour ce ministère de réformes, il fallait un poids lourd politique (ce qu'aurait été François Bayrou), or, ce n'est pas du tout le CV ni l'ADN de la nouvelle ministre ; par ailleurs, elle ne semble pas considérer les mêmes urgences que Gabriel Attal, ne paraît pas très convaincue par l'uniforme à l'école, par exemple.

Certes, elle connaît la communauté éducative à plusieurs titre. Elle est docteure en droit à la Sorbonne (1990), agrégée de droit public (1992), professeure en droit constitutionnel, elle a été nommée sous la gauche rectrice de l'académie de Limoges (1997-2000) puis rectrice de l'académie de Toulouse (2000-2005). Ce qui lui a permis d'avoir une carrière politique locale non négligeable au sein du PS à Toulouse : première adjointe à Toulouse de 2008 à 2010, vice-présidente du Grand Toulouse de 2008 à 2013, première vice-présidente du conseil régional de Midi-Pyrénées de 2010 à 2013, avant d'être nommée membre du Conseil Constitutionnel de 2013 à 2017, date de son entrée au Ministère de la Justice.

Même s'ils ont parfois un rôle important, je doute que les autres "nominés" soient connus, même des journalistes. Je me réjouis de la reconduite au gouvernement des ministres délégués Roland Lescure (Industrie et Énergie), Olivia Grégoire (Entreprises, Tourisme et Consommation), Sarah El Haïry (Enfance, Jeunesse et Familles), Jean-Noël Barrot (Europe) et Hervé Berville (Secrétaire d'État, chargé de la Mer et de la Biodiversité). Ainsi que Fadila Khattabi, ancienne présidente de la commission des affaires sociales à l'Assemblée Nationale, qui est confirmée aux Personnes âgées et aux Personnes handicapées (nommée le 20 juillet 2023). Précisons que l'Énergie ne dépend plus de la Transition écologique, mais de l'Économie et des Finances (ce qui a déjà suscité quelques protestations de la part d'organisations écologistes).

Je me réjouis également de l'entrée de Frédéric Valletoux, ancien maire de Fontainebleau, député Horizons et surtout, ancien président de la Fédération des hôpitaux de France, qui était très attendu au Ministère de la Santé et de la Prévention. D'ailleurs, s'il fallait résumer cette seconde vague de nominations, on pourrait juste dire : Nicole Belloubet à l'Éducation nationale et à la Jeunesse, et Frédéric Valletoux à la Santé et à la Prévention.

Notons également qu'au gouvernement depuis octobre 2018, Agnès Pannier-Runacher est reconduite dans le gouvernement Attal, sans affectation précise en tant que ministre déléguée auprès de Marc Fesneau. Elle fait partie des rares anciens ministres pleins à avoir été rétrogradés en ministres délégués, comme Aurore Bergé, et, auparavant, Olivier Véran (qui quitte le gouvernement) et Franck Riester (qui y reste).

Pour le reste, il y a quelques mini-changements, comme Patrice Vergriete, ancien maire de Dunkerque, qui passe du Logement aux Transports, l'arrivée du président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée Nationale Guillaume Kasbarian, un proche de Gabriel Attal, au Logement, poste également crucial dans la situation de la France en pleine crise du logement. Marina Ferrari, députée MoDem de Savoie et élue d'Aix-les-Bains, est nommée Secrétaire d'État chargée du Numérique (elle succède à un autre MoDem, Jean-Noël Barrot).





On peut maintenant confirmer le limogeage du gouvernement notamment des ministres délégués et secrétaire d'État suivants : Olivier Véran, Clément Beaune (prévisible), Philippe Vigier, Carole Grandjean, Olivier Becht et Laurence Boone.

En tout, le gouvernement est composé de 35 membres, dont le Premier Ministre, 13 ministres, 16 ministres délégués et 5 secrétaires d'État. Comme prévu, le nombre a plus que doublé avec la nomination des ministres délégués. La parité est respectée avec 17 hommes et 18 femmes, même si peu de femmes occupent des postes essentiels. Sur le plan politique, il compte quatre membres issus du MoDem (François Bayrou en aurait voulu six), deux membres issus de Horizons, un membre issu du parti radical, et il faut ajouter deux ministres issues (et exclues) de LR. Le reste est pour Renaissance.

C'est clair que le changement de gouvernement n'a fait que mettre en avant un seul de ses membres, le Premier Ministre, Gabriel Attal, sur qui repose seul la relance de la politique présidentielle. Pour l'instant, par cette nomination aussi jeune, il a bondi en popularité, mais cela a des risques de ne pas durer. Dès sa nomination, il s'est montré comme un Premier Ministre de gestion de crises (inondations, agriculteurs, polémique sur l'enseignement privé, etc.). Au début, il sera d'une parfaite loyauté vis-à-vis du Président Emmanuel Macron. Changement de style ou changement de politique ? La réponse est déjà connue.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (08 févvrier 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les souris du gouvernement de Gabriel Attal.
Liste complète de tous membres du premier gouvernement de Gabriel Attal au 8 février 2024.
Mais quelle mouche a donc piqué François Bayrou ?!
Le capitaine Gabriel Attal fixe le cap du réarmement de la France.
Discours de politique générale du Premier Ministre Gabriel Attal le 30 janvier 2024 à l'Assemblée Nationale (texte intégral et vidéo).
Les 10 mesures de Gabriel Attal insuffisantes pour éteindre la crise agricole.
Gabriel Attal répond à Patrick Kanner sur les crédits pour l'hôpital.
Pour que la France reste la France !
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
Gabriel Macron.
Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.
Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
Élisabeth Borne remerciée !
Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !


 


Lire l'article complet, et les commentaires