La nuit d’Émile Soleil

par Sylvain Rakotoarison
mercredi 3 avril 2024

« La cause de son décès reste inexpliquée (…). Aucune hypothèse ne peut être privilégiée. » (Jean-Luc Blachon, le procureur d'Aix-en-Provence, le 2 avril 2024).

Triste journée de Pâques qui aurait dû être la fête de la Résurrection et qui n'est que la confirmation de la mort. Depuis le 8 juillet 2023, le petit Émile Soleil était porté disparu. Un garçon de 2 ans et demi, plein de vie, déjà tout d'un petit homme potentiel. Aucune trace, aucun indice, et même si le temps, surtout pour un enfant de cet âge, ne pouvait que faire grandir le pessimisme, il y avait toujours l'espoir qu'il fût enlevé et qu'il soit toujours vivant. Hélas, ce dimanche 31 mars 2024, les analyses ADN ont parlé et ont confirmé la mort du petit garçon, après que des ossements avaient été retrouvés par une randonneuse la veille. Le crâne et les dents appartiennent bien à l'enfant.

Ces restes ont été retrouvés dans un lieu boisé très escarpé, difficile d'accès, à seulement 1,7 kilomètre du petit village (hameau) où il séjournait avec ses grands-parents, le Haut Vernet, dans les Alpes-de-Haute-Provence, soit à 25 minutes de marche à pied d'adulte. Quelques-uns de ses vêtements ont été retrouvés par la suite, à 150 mètres du lieu où se trouvaient les ossements. La gendarmerie continue à fouiller les lieux pour tenter d'établir ce qui s'est réellement passé.

Dans sa conférence de presse du 2 avril 2024, le procureur de la République d'Aix-en-Provence, Jean-Luc Blachon, a admis que tout reste possible sur la cause de la mort d'Émile. Ce qui aurait pu passer pour une nouvelle affaire Grégory pourrait n'être qu'un très malheureux accident.

Pour le procureur, les trois hypothèses sont encore en études, celle de la mort accidentelle par l'enfant lui-même, celle de l'homicide involontaire (un accident de circulation, voire de moissonneuse), et celle du meurtre. Mais la possibilité d'un meurtre devient de plus en plus faible car le crâne n'aurait reçu aucun coup, il aurait été à cet endroit depuis longtemps (ces restes n'ont pas été amenés pour Pâques, juste après une reconstitution, ou plutôt, "mise en situation", rassemblant dix-sept personnes, famille et voisinage, le 28 mars 2024), et présente des traces de morsures qui semblerait être provoquées par des animaux sauvages. Tout laisse entendre que le malheureux Émile ait chuté et que des animaux ou l'eau l'aient transporté plus loin, disséminant restes et affaires. Certes, dans d'autres disparitions, le meurtrier a déjà laissé un corps sans vie, sans l'enterrer, et c'est pour cela qu'il faut garder cette prudence qui n'est pas que verbale. Ainsi, la porte-parole de la gendarmerie Marie-Laure Pezant a déclaré le 31 mars 2024 sur BFMTV : « Il y a la possibilité que ces ossements aient été amenés par une personne, par un animal ou par des conditions météo qui ont pu modifier la zone. ».



Ce n'est pas, hélas, impossible qu'après une chute, dans un relief particulièrement difficile, une personne disparaisse pendant un temps long, voire n'est jamais retrouvée (auquel cas on ne pourrait pas dire s'il s'agissait d'une chute). C'était le cas de la jeune actrice Pauline Lafont, qui avait, à 25 ans, tout son avenir devant elle, promis d'être radieux, et qui a disparu le 11 août 1985 en faisant (seule) une randonnée dans les Cévennes. Comme elle était attendue en Suisse, elle fut recherchée, sur alerte de sa mère, Bernadette Lafont, dès la fin d'après-midi, mais les recherches n'ont pas abouti. Elle a été finalement découverte le 21 novembre 1988, à moitié décomposée, par un berger. Elle avait fait une chute de dix mètres qui l'a tuée sur le coup, et était restée au fond du ravin plus de trois mois, tandis que son frère avait déposé une plainte contre X pour arrestation arbitraire et séquestration et que l'emballement médiatique a fait éclore toutes sortes de thèses parmi les plus fantaisistes.
 

Depuis quelques jours, des détails particulièrement morbides sont développés ad nauseam par certaines chaînes d'information continue sans délicatesse et sans particulièrement de raison sinon de faire de l'audience. Comme lors d'autres tragédies, catastrophes, attentats, etc., il faut toujours penser à la famille, aux proches des victimes. Bien sûr, il faut déterminer la cause du décès, pour savoir si une main humaine en est la cause, volontaire ou involontaire, c'est le rôle de la société, des autorités, de la police (et gendarmerie) et de la justice.

Je pense avant tout aux parents d'Émile, à ses grands-parents, dont la peine infinie les traumatisera de manière irréversible. C'est ce que dit aussi Jérôme Triomphe, l'avocat des parents d'Émile, lors de l'annonce du 31 mars 2024 : « Si cette nouvelle déchirante était redoutée, l’heure est au deuil, au recueillement et à la prière (…). Les enquêteurs continuent leur travail dans le nécessaire secret de l’instruction pour que puissent être découvertes les causes de la disparition et de la mort d’Émile. ». La route du village a été coupée à la circulation pour permettre de continuer les recherches dans les meilleures conditions. Adieu, p'tit bout d'chou souriant !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 avril 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La nuit d'Émile Soleil.
Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?

 


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