Benallagate : l’Affaire Russe, ou comment noyer l’anguille dans la Moskova (version caviardée sans partie ICIJ et Open Society)

par Laurent Courtois
jeudi 7 février 2019

Alors que jusqu’ici l’Affaire Benalla restait strictement franco-française et savamment entretenue pour couvrir la crise des Gilets Jaunes, voici que le Benallagate passe à la vitesse supérieure grâce à l’irruption de la Russie. Personne n’en dénonce les ficelles et pourtant elles sont grosses, même pour un journaliste de l’AFP.

 

Point besoin de revenir sur le cas Benalla, des centaines d’articles ont été écrits, des dizaines d’heures d’enquêtes parlementaires filmées, des centaines d’heures de télévision ont été consacrées à ce sujet. Les noms des trois principales personnes impliquées nous semblaient connus, Alexandre Benalla, Vincent Crase, Emmanuel Macron. C’était sans compter sur "l’effet Médiapart" toujours prompt à incriminer sans raison la Russie et surtout son Président Vladimir Vladimirovitch Poutine.

Cette fois-ci, c’est Fabrice Arfi qui est à la manœuvre. Nous avons analysé deux de ses interventions télévisuelles du 31 Janvier 2019. La première dans l’émission C’est à vous, face à un Patrick Cohen qui pour une fois n’est pas chagriné d’être face à une personne non diplômée d’une école de journalisme. Ceci étant certainement dû à l’admiration des journalistes passe-plats, dont le rôle se limite à lire des dépêches AFP pour ceux qui font de "l’investigation". Dans ce passage d’une vingtaine de minutes, le nom de Benalla est cité 14 fois, celui de Poutine 6 fois, celui de Macron comme celui de Vincent Crase 4 fois.

A l’écoute de cette séquence le Procureur en charge de l’affaire, accordera un non-lieu à Emmanuel Macron ainsi qu’à Vincent Crase et convoquera aux assises Alexandre Benalla et Vladimir Poutine…


Cette nouvelle hiérarchie des mises en cause a été bien assimilée par le journaliste de BFMTV, Thomas Mirashi qui intitule sa rubrique dans BFMStory : "Benalla, Contrat Russe, Violence du 1er mai". Là encore, Fabrice Arfi lors de son interview, nous récite sa petite recette : 9 doses de Benalla, 5 de Poutine, 2 de Vincent Crase et d’Emmanuel Macron. Heureusement, après le duplex avec le journaliste de Médiapart, l’intervention de Thierry Arnaud co-animateur de l’émission, recentre le débat sur le couple Macron-Benalla et marginalise la piste russe. Ce recentrage est certainement dû si on en croit le Canard-Enchainé, à la guerre qui serait déclarée entre Emmanuel Macron et BFM. Tout ceci, laisse rêveur et montre encore une fois, que chez le journaliste systémique, l’information n’est que prétexte à manipulations partisanes.

Mais qu’est-ce donc que ce "contrat russe ", que Thomas Mirashi évoque en introduction ? Il s’agit d’un contrat commercial entre une personne privée (Iskander Makhmudov) et une entreprise privée (Mars), portant sur un service de protection à la personne. Ce type de service est-il exceptionnel ? Non, Fabrice Arfi le reconnaît lui même "cet homme qui avait une protection rapprochée comme toutes les personnes de cette envergure (à 4’20’’)".
A ce sujet, nous avons interrogé un employé de "Velours Close Protection" qui devait sous-traiter ce « Contrat Russe ». Cet homme "Richard" est un quarantenaire, jeune retraité d’une unité du COS (Commandement des Opérations Spéciales, premier cercle des services secrets français). D’allure sportive, sa carrure de champion de natation et la légère odeur de chlore qui se mêle à son parfum, laisse penser qu’il fréquente régulièrement une piscine et peut-être pas n’importe laquelle, celle de la rue Mortier. A son poignet une montre qui ferait dire à Jacques Séguéla, qu’il a réussi sa vie. Un compliment à ce sujet nous apprendra qu’il l’a eu "pas chère" grâce à son ancien collègue Alexandre B, alors en poste à l’Office Européen des Brevets. Pour lui, dans la société « Mars » Vincent Crase était les jambes et Alexandre Benalla la tête. Ils se sont servis de leurs nouvelles positions sociales pour essayer telles « des petites souris » de grignoter une part de l’énorme gâteau de la protection des personnes à Ultra-Hautes « Valeurs Ajoutées ». La part de gâteau en question pèse plus d’un million d’euros. Dans ce petit monde d’anciens barbouzes et de millions à gogo, Alexandre Benalla et Vincent Crase, simples gendarmes réservistes n’étaient pas assez « pêchus » pour entrer dans la partie « face à des anciens barbouzes » sans y laisser des plumes.

Donc jusque là rien d’extraordinaire dans ce contrat, mise à part une petit guerre commerciale entre intervenants du marché de la sécurité des ultra-riches. Mais voilà selon Fabrice Arfi, qui l’a répété tant sur BFM que sur France 5 : "Selon un homme d’affaires français proche de Makhmudov (JLH ?), c’est "un soldat de Poutine". Autant dire qu’une telle phrase avec une source inconnue, sans preuve a autant de valeur que celle-ci : "Selon un proche de l’Élysée, Emmanuel Macron passe ses nuits travesti au Bois de Boulogne".

Pour redevenir sérieux, nous avons recherché des liens entre Vladimir Poutine et Iskander Makhmudov. Nous n’avons pas réussi à trouver une photo des deux hommes ensemble. La lecture de la presse russe de ces dernières années n’est pas plus concluante. Même dans les médias russes stipendiés par l’Occident et soi-disant martyrisés par le Kremlin, on ne trouve comme lien entre le deux hommes que l’attribution de l’Ordre du Mérite de la Patrie du second degré. En Russie comme en France, les plus hautes décorations étant décernées par le Président, le lien mis en évidence par "the insider" reviendrait à rendre responsable le Président Macron des faits et gestes de toutes les personnes qu’il a décorées.

On peut aussi s’interroger sur les liens entre le pouvoir et les oligarques, et là, encore, Emmanuel Macron et la France seraient bien mal placés pour donner des leçons de morale à la Russie. En effet, le financement de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron est édifiante sur la question. Ainsi un article du JDD, nous apprend que 1,2 % des dons recueillis par LREM ont apporté 48 % des 14 millions recueillis. Cette information explique pourquoi, l’Élysée ne veut pas céder à la revendication des Gilets Jaunes concernant le rétablissement de l’ISF. Il serait mal venu pour Emmanuel Macron de taxer ceux qui ont payé pour l’installer au pouvoir. Toujours le même article révèle que 56 % des dons proviennent de la région parisienne, on ne sera donc pas surpris de croiser autant des foulards rouges vindicatifs à Paris. Pour finir, les dons collectés à la City (bourse de Londres) sont supérieurs à ceux recueillis dans les 9 plus grandes villes de province. "18 dons en provenance du Liban ont pesé davantage que les sommes versées par les Toulousains et les Rennais rassemblés". De telles informations laissent pantois quand on entend Emmanuel Macron s’interroger sur le financement et l’appui d’une puissance étrangère au mouvement des Gilets Jaunes…

Concernant les liens entre Iskander Makhmudov et la mafia russe, les journalistes et le directeur de Médiapart font fi, du moins à l’oral (à l’écrit, ils restent bien prudemment dans le champ légal), de toute présomption d’innocence. Ces accusations mafieuses s’appuient sur le fait qu’ : « en Espagne, il a été mis en examen dans le cadre d’une vaste enquête toujours en cours et il est également cité dans une procédure en Allemagne ». D’un point de vue purement juridique, une personne mise en examen est de facto présumée innocente et le fait d’être citée dans une procédure ne serait suffire à l’incriminer.

Toujours dans l’article de Médiapart, on apprend que « Les péripéties judiciaires d’Iskander Makhmudov, en Espagne et en Allemagne, (ont été) révélées dès 2010 par Radio Svoboda (Anastasia Kirilenko, une des deux auteures de ces lignes, avait alors eu accès à de nombreux documents) ». Malheureusement le lien mis en ligne dans l’article est altéré, pour le lire cliquer ici. Donc la source de Mediapart est Radio Svoboda, qui est la branche russe de Radio Free Europe – Radio Liberty. Cette dernière est une structure propagandiste financée par le Congrès des États-Unis, où sont recyclés de nombreux anciens agents de la CIA, par exemple Roman Kupchinsky  qui fut le directeur de RFE-RL en Ukraine. Autant dire qu’il s’agit d’une source plus que partiale….
 


 

L’irruption soudaine de Vladimir Poutine dan l’affaire Benalla, l’utilisation Radio Svoboda (organe de propagande US et faux-nez de la CIA) comme source interrogent sur les motivations du service d’investigation du "site d'information français d'actualités indépendant et participatif en ligne".

Cette affaire du "contrat russe" s’inscrit dans un plan plus global de diabolisation et "pestiférisation" de la Russie et harcèlement (Shaming) de leurs interlocuteurs. C’est ce qui avait déjà été le cas en 2016 de la part Médiapart par exemple, dans le cadre de l’association d’Alstom et Bouygues avec le groupe russe UGMK de Makhmudov.

Ainsi, toutes personnes, tant hommes d’affaires ou politiques ayant des contacts avec la Russie s’exposent à une campagne de presse négative…

 


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