Travailleurs frontaliers : un Bingo de chaque coté

par George L. ZETER
vendredi 30 mai 2025

Simple ? Travailler en Suisse = Gains doubles. Perte d’emploi = la France verse les indemnités de chômage… Doubles ! Car, étant donné que les salaires suisses sont bien plus élevés que les salaires français, les allocataires frontaliers ayant travaillé en Suisse sont indemnisés en moyenne 2 670 € par mois en 2023 par l’assurance-chômage française, contre 1 265 € pour l'ensemble des allocataires indemnisés par le même régime français…

Un surcoût d’environ 800 M€ chaque année, c’est ce que coûte à la France le système d’indemnisation des allocataires frontaliers. Pour rappel : un travailleur frontalier est une personne qui exerce son activité dans un État autre que son État de résidence et qui retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine dans son état d’origine. Il y avait en 2020, 445 000 travailleurs frontaliers résidents coté français. En application de la réglementation européenne qui vise les pays de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et de la Suisse, le travailleur frontalier qui perd son emploi dans un de ces États est indemnisé par les institutions compétentes de son État de résidence. Ainsi, un travailleur frontalier résidant en France bénéficie de droits au chômage identiques à ceux qu’il aurait perçus s’il avait exercé son activité en France, bien que les contributions d’assurance-chômage n’aient pas été versées en France, mais dans l’État d’emploi. En 2023, 77 000 allocataires ont été indemnisés par l’assurance-chômage avec un droit dit « frontalier » : 61 % d’entre eux ont perdu un contrat en Suisse (soient 47 000 personnes environ.), 22 % au Luxembourg, 9 % en Belgique, 8 % en Allemagne. Les autres, très peu nombreux, travaillaient essentiellement en Espagne et en Italie. Prenons un exemple : une personne résidant à Annecy, travaillant pour une entreprise en Suisse et rentrant à Annecy tous les soirs est considérée comme un travailleur frontalier ; si cette personne perdait son emploi en Suisse, elle serait indemnisée par l’assurance-chômage française en tant que travailleur frontalier : en s’inscrivant à France Travail, cela ouvrirait ses droits aux indemnités de chômage sous les mêmes conditions qu’un travailleur de l’Hexagone, basé sur les contrats et les salaires perçus en Suisse.

Bilan financier pour l’UNEDIC. La Suisse, c’est 72 % des dépenses d’indemnisation des allocataires frontaliers. En 2023, les dépenses pour les frontaliers suisses représentent 720 M€, soit 72 % de l’enveloppe totale des frontaliers. Ces dépenses ont plus que doublé depuis 2011, 720 M€ en 2023 contre 311 M€ en 2011. Tout cela est un important surcoût cumulé depuis 2011, car à la fin de 2023, en cumul depuis 2011, les dépenses liées aux frontaliers représentent 11,2 Milliards €.

Qui sont ces bienheureux ? Selon l’Insee, si la France métropolitaine partage sa frontière avec huit pays limitrophes, les actifs frontaliers travaillent principalement en Suisse (48 %), au Luxembourg (22 %), et dans une moindre mesure en Allemagne (11 %), en Belgique (10 %) ou à Monaco (7 %). Les frontaliers suisses habitent pour la plupart en Haute-Savoie ainsi que dans le Haut-Rhin. Les frontaliers luxembourgeois habitent en Meurthe-et-Moselle et en Moselle. Ce dernier département accueille aussi des frontaliers allemands présents également dans le Bas-Rhin. Les frontaliers belges résident quant à eux principalement dans le Nord. En 2023, le taux de chômage en France est de 7,3 %. Dans les 4 principaux pays frontaliers, le taux de chômage est beaucoup plus bas : 3,0 % en Allemagne, 4,1 % en Suisse, 5,2 % au Luxembourg et 5,5 % en Belgique.

Une réforme qui fait grincer des dents : depuis le 22 mars 2025, les travailleurs frontaliers au chômage sont soumis à de nouvelles règles. Les Français ayant perdu leur emploi en Suisse devront désormais accepter des offres « raisonnables » alignées sur les standards du marché français, y compris sur les salaires, souvent bien inférieurs à ceux pratiqués outre-frontière. France Travail dispose de deux mois pour les accompagner dans la recherche d’un poste à l’étranger. Passé ce délai, deux refus d’offres jugées conformes suffiront à entraîner une radiation et la suspension des allocations. il faut savoir que cette réforme s’inscrit dans une volonté de réduire le coût de l’assurance-chômage pour les frontaliers. En vertu de l’accord européen de 2004, toujours en vigueur, la Suisse ne rembourse qu’environ 20 % des indemnités versées aux travailleurs transfrontaliers licenciés.[i] Le reste est à la charge de la France, un déséquilibre que l’État entend désormais corriger… Et comme qui dirait-il était temps, 24 ans plus tard !

Lorsqu’on étudie un tant soit peu les accords France/Europe, on se rend compte à chaque fois des déséquilibres aux niveaux des accords : la France est toujours le dindon de la farce, ce qui tend à prouver l’inefficacité de nos négociateurs et de nos représentants politiques qui sont si aisément faciles à rouler dans la farine. Il faudrait se poser la question ? Y a-t-il dans le paysage politique Français, un politicien qui ne soit ni arrogant, ni condescendant, ni méprisant ? Sachant cela, des négociateurs étrangers chevronnés et pragmatiques, savent flatter l’ego du coq, le faire chanter en haut du tas de fumier… Macron étant le pire exemple !

Georges ZETER/mai 2025

Article inspiré par : DOSSIER DE SYNTHÈSE. L'INDEMNISATION DES FRONTALIERS PAR L'ASSURANCE CHÔMAGE - Octobre 2024

https://www.unedic.org/storage/uploads/2024/10/02/Unedic---Dossier-de-synthse-Frontaliers---VDEF-2_uid_66fd7c43a123b.pdf


[i] https://www.capital.fr/economie-politique/chomage-des-frontaliers-suisses-doivent-accepter-des-emplois-raisonnables-moins-bien-payes-1512656


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