Zidane clôture le festival

par LM
mercredi 26 avril 2006

Cette fois-ci, aucune voix n’y pourra rien : Zinédine Zidane raccroche pour de bon, usé, trop usé. Le temps de gagner une seconde Coupe du monde, et il ira pêcher, tranquille, dans les calanques.

Les Compagnons de la chanson étaient raillés pour leurs adieux répétés, et donc leurs retours après adieux répétés. Zidane lui, revenu déjà une fois d’entre les morts pour le foot, a décidé cette fois-ci de vraiment stopper sa phénoménale carrière. « Après la Coupe du monde, j’arrête », a dit celui qui sera au prochain Festival de Cannes, pour assister à la projection d’un long métrage qui lui est consacré, Zidane, un portrait du XXIe siècle. Le film, ajouté à l’annonce de la retraite du champion, tout se combine bien pour les organisateurs du Festival, fâchés de ne pouvoir proposer les dernières productions de Lynch et de Woody Allen. Au moins auront-ils le nouveau retraité du ballon rond rien que pour eux, et gageons que ça leur vaudra du monde, lors de la montée des marches, et même avant.

Donc zizou s’en va, « enfin » diront ceux qui ont assisté aux derniers matchs du Real Madrid, équipe entièrement ou presque composée de joueurs sur le départ, plus proche du quai que du marche-pied, zizou s’en va fatigué, usé, plus en mesure aujourd’hui de pratiquer un football qui réponde aux exigences du haut niveau. Il n’a pas fait la saison de trop, mais pas loin. Il est finalement, progressivement tombé au niveau de ses ex-galactiques de confrères, tous jusqu’à la corde cuits et recuits, et qui devraient, chacun, d’un seul élan, annoncer leur retraite, pour le bien du Real, qui a besoin de jeunesse, d’allant, d’élan. Bon, mais Zidane, bien sûr, n’a pas toujours été ce trentenaire poussif et courbé, c’est aussi ce joueur qui, lors du premier match de l’Euro 2004, par exemple, nous sauva la mise contre l’Angleterre, à l’aide d’un coup franc monumental et d’un penalty savamment exécuté.

Zidane, c’est aussi évidemment deux têtes en juillet, quelques arabesques sous les maillots bordelais et cannois, des titres partout où il est passé, même sans convaincre vraiment comme à la Juventus, une allure de grand fauve qui cherche l’endroit idéal où mettre le ballon, un art du contrôle consommé sans modération, enfin quelques touches de génie qui lui allaient comme un gant. Ce fut aussi un joueur incapable d’endosser l’habit du patron, pas un meneur, pas un aboyeur, pas un leader. On essaie depuis son retour de voix, d’août dernier, de faire de lui un chef de bande chez les bleus, mais rien n’y fait, et sur le terrain il a l’intelligence de laisser souvent la baguette, si ce n’est le fouet, à Thuram, bien plus autoritaire et dirigiste.

Et Zidane, c’est aussi l’art de ne pas savoir s’exprimer, trop timide sans doute, peu à l’aise devant un micro, même quand c’est lui qui convoque la presse. Autant l’homme devient aigle sur la pelouse, autant il se montre albatros quand il faut conjuguer. En cela, et en bien d’autres choses, il n’était pas et ne sera jamais l’égal d’un Platini, roublard meneur de jeu d’une autre époque, certes, mais d’une autre dimension aussi. L’ancien meneur de jeu du Real, qui ne mène plus grand-chose désormais à Bernabeu, maison blanche comme la saison, et un peu désertée par les techniciens du ballon, a donc choisi de partir après la Coupe en l’annonçant avant. Comme Aimé Jacquet l’avait fait. Superstition ? On ne sait pas, mais déjà nombreux sont ceux qui le voient partir le 9 juillet au soir, avec un petit objet dans les mains, objet doré et sympathique... Doit-on y croire ? Mouais... dirons nous... mouais, si on fait un petit effort, on peut y croire, mais si on est réaliste, il faudrait quand même, comme en 1998, pas mal de concours de circonstances pour qu’on y arrive. Et pour que Zidane fasse étalage de tout son talent pendant le tournoi. Parce qu’enfin, il sort quand même d’une saison très moyenne au niveau du jeu, avec quelques hauts, mais très peu, et beaucoup de bas. Rarement décisif. On pourrait même écrire jamais.

Les non résultats du Real découlent d’ailleurs de cette mauvaise saison de Zidane, d’abord blessé, puis convalescent, puis un peu convaincant, mais sans plus, puis un peu blessé... Dimanche soir il est entré en seconde mi-temps, la cheville douteuse, mais quand même entré, très applaudi. C’est lui qui transformera quelques minutes après le penalty du Real, avant de s’éteindre, progressivement, de s’éteindre et de boitiller, d’ailleurs. Mais de s’éteindre surtout. A quelques déviations près, pas grand-chose, l’image d’un joueur au bout de quelques rouleaux... Ce même joueur qui, au mois d’août dernier, était venu apporter un soutien psychologique à l’équipe de France, emmenant certains cadres avec lui, ramenant quelques piliers pour consolider l’édifice bleu, qui, du coup, sans vraiment convaincre pourtant, parvint à arracher son billet pour cette fameuse Coupe du monde, donc, qui sera la der des der, juré, pour zizou.

Que lui souhaiter ? Une bonne retraite, une bonne Coupe du monde, de bons contrats publicitaires, les Jeux olympiques pour Marseille en 2020 ? Une bonne montée des marches ? Commencée à Cannes, sa carrière s’y terminera presque, grande transversale de Zidane-joueur à Zidane-presque « acteur », de la réalité à une réalité devenue fiction. D’un festival l’autre, la boucle est bouclée.

Lilian Massoulier


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