Le nez à la fenêtre

par C’est Nabum
vendredi 9 février 2024

 

Mieux qu'un écran plat.

 

Une fenêtre, à la condition qu'elle se fut libérée d'un volet qui l'obstruait est une lucarne ouverte sur le monde, un écran plat d'une redoutable efficacité sans le moindre recours au moindre satellite. En cela, elle pourrait constituer une bonne source d'économie d'énergie dans une société où le premier quidam venu prend son portable pour quérir des informations au bout de son nez.

Je devine votre incompréhension alors que vous fixez désespérément la vitre couverte de buée qui se trouve derrière ce petit rectangle bleu qui vous a envoûté. Que peut-on découvrir de ce côté-là de la vie ? Existe-t-il d'ailleurs une existence en dehors de la boîte à malice que vous avez dans les mains ? Je ne sais pas quel bout commencer pour vous expliquer l'usage de la chose alors qu'il n'existe aucun tutoriel pour le faire.

Prenons tout par le début. La buée sur votre vitre indique qu'il existe un phénomène dont, je vous l'accorde, on peut trouver l'explication sur la toile. Sachant votre attachement à ce vecteur, je vais ici me contenter d'un copier-coller afin de ne pas perturber pour l'instant, vos repères habituels : « L'air chaud peut généralement absorber plus d'humidité que l'air froid. Si l'air chaud et chauffé de l'intérieur touche les surfaces froides des fenêtres ou des portes, l'air se refroidit sur ces espaces. Étant donné que l'air froid ne peut pas transporter l'humidité aussi bien que l'air chaud, l'humidité se condense. »

 

Autre élément que cette merveilleuse prouesse technologique peut vous offrir par le truchement d'une transparence éloquente, gratuitement et sans le moindre satellite, elle vous permet de constater de visu – c'est à dire pour vous même, de vos propres yeux - si une précipitation quelconque vient perturber l'air du temps. J'entends par précipitation, pluie, neige, grêle, grésil, éléments du langage pour désigner les éléments du ciel. Le lexique reste à quelques subtilités vernaculaires près dès qu'il s'agit de l'eau du ciel, aquadiaux, secouée, arnapée, drache auxquels il convient d'ajouter averse, crachin, bruine… entre autres.

Vous voilà informés sur l'essentiel bien qu'il vous manquera sans nul doute, le détail dont dépendra votre accoutrement vestimentaire. Là encore, tout ceci n'est qu'une question de ressentiment. C'est donc à vous d'observer ceux qui affrontent avant vous cet extérieur, lieu de toutes les variations possibles. À leur tenue, vous aurez déjà une bonne indication sur la température, à leur démarche vous saurez s'ils se trouvent en difficulté. Vous pouvez aussi observer leur visage avec des indices qui échappent à votre écran de poche : la vapeur qui sort de leur bouche, la goutte qui pend sous le nez, la nature du pas pour les rares piétons, la vêture des cyclistes et bien d'autres détails encore.

Vous pouvez pousser l'investigation plus loin encore et sans doute un peu plus haut en regardant les nuages, la couleur du ciel et surtout le sens du vent. Je sais vous désorienter en vous proposant de comprendre d'où vient le vent. Sans GPS, comment identifier les points cardinaux, ces indices aujourd'hui obsolètes. Pourtant ils vous en diront bien plus sur le temps qu'il fait dehors si vous aviez une girouette sous les yeux et un peu de végétation peut mesurer la force d'un vent que vous prendriez alors plaisir à nommer.

Je devine votre perplexité. Votre vitre serait-elle en plexiglas à moins que le double vitrage vous isole désormais de tout ce qui passe dehors. Retournez précipitamment à votre petit écran si ça peut vous rassurer. Le monde réel est si effrayant que je peux admettre votre frilosité à l'affronter. Tachez de ne pas mettre le nez dehors tout en ayant tout appris du bulletin météorologique. Vous serez ainsi conforme à la pratique commune. Vous pourriez tout aussi bien remplacer ces maudites fenêtres par des écrans plats sur lesquels vous choisiriez le décor et le climat de votre choix. Patience, ça viendra bientôt.

Illustrations

Caspar David Friedrich.

Samuel Van Hoogstraten

Paul Delvaux

André Kertész

 

 


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