« La BIBLE est née en ARABIE » par Kamal SALIBI, Historien Libanais

par JPCiron
samedi 29 janvier 2022

K. Salibi nous dit : « Je vais parler sans détour. Je crois avoir fait une découverte remarquable, qui devrait rendre possible une réinterprétation complète de la Bible hébraïque, que la plupart des gens désignent comme l'Ancien Testament. C'est tout simplement que la Bible vient d'Arabie occidentale et non de Palestine, comme l'ont cru des générations d'exégètes. » (…)

« Il est bon de se rappeler que la Bible hébraïque est l'inestimable héritage de la race humaine et le restera, qu'elle ait été écrite à l'origine en Palestine ou en Arabie occidentale. » (…)

 

« En ouvrant de nouveaux horizons, j'ai probablement commis quelques erreurs » et « Je reconnais volontiers que ma découverte doit rester théorique tant que des recherches archéologiques ne l'auront pas confirmée. » [Note JPCiron : le Gouvernement de l'Arabie Saoudite n'a toujours pas permis les recherches archéologiques en Asir.]

 

Page de couverture de l'Ouvrage « La Bible est née en Arabie » par l'Historien Libanais Kamal Salibi – Bernard Grasset/ Paris - 1986

 

Que la Bible ait été écrite ici ou là ne change rien sur le plan de la foi.

Cependant, Sabili souligne que « Correctement étudiée à la lumière de sa vraie géographie, la Bible apparaîtra comme un livre historique, dont l'historicité n'aura plus besoin d'être prouvée par des artifices boiteux. » Certains avancent malicieusement qu'« Il est sûr que la thèse de Salibi rend infiniment plus plausible les relations entre le roi Salomon et sa ''voisine du sud'', la reine de Saba » (4) Reine qui aurait régné sur Yémen-Ethiopie-Erythrée.

 

 

Voici le Plan de l'Article :

> Article du Journal d'investigation Der Spiegel

> L'Auteur, l'Ouvrage, et l'Environnement

> Approche et Méthodologie de Salibi

> Quelques Exemples Troublants tirés du Livre

 

 

>>> ARTICLE de DER SPIEGEL, journal d'investigation

 

Le magazine d'investigation Der Spiegel (3) synthétise : « L'historien libanais Kamal Salibi relocalise les sites des Saintes Écritures. Ainsi, l'histoire du peuple d'Israël des origines jusqu'au retour de la captivité babylonienne ne s'est pas déroulée en Palestine, mais à Asir dans le sud-ouest de l'Arabie. (…) Professeur à l'Université américaine de Beyrouth, Kamal Salibi arrive à cette thèse provocatrice en comparant les noms de lieux bibliques et arabes. » Et il en trouve beaucoup plus en Asir. (10)

 

Le magazine Der Spiegel illustre le fort contraste entre l'hypothèse de Kamal Salibi et ce qui nous semblait être le ''monde réel'', illustré par la déclaration d'indépendance de l’État d'Israël, en 1948 : « [La Terre d'Israël] est le lieu où naquit le peuple juif. C'est là que se forma son caractère spirituel, religieux et national. C'est là qu'il réalisa son indépendance, créa une culture d'une portée à la fois nationale et universelle et fit don de la Bible au monde entier.

Contraint à l'exil, le peuple juif [*] demeura fidèle au pays d'Israël à travers toutes les dispersions, priant sans cesse pour y revenir, toujours avec l'espoir d'y restaurer sa liberté nationale. »

L'établissement de l’État d'Israël se fit donc « en vertu des droits naturels et historiques du peuple juif. » (10)

[*] : Note JPCiron : « Le Mythe de l'Exil » est un Article à paraître.

 

Pourtant, nous savons par différentes sources recoupées et sûres que l'histoire des israélites s'est effectivement déroulée en Palestine, avant la destruction de Jérusalem, en 70 après JC.

 

Comment Salibi reconstitue-t-il ce puzzle ? Der Spiegel poursuit :

Salibi considère qu'une grande partie de la Bible hébraïque raconte l'histoire des israélites en Arabie Occidentale, en Hijaz/Asir. Puis vinrent les prises de contrôle Assyriennes (Sargon II ; 721 av. JC) et Babyloniennes (Nabuchodonosor ; 587 av. JC), avec les déportations correspondantes. Avec la conquête de Babylone par les Perses (Cyrus ; 539 av. JC), vint la promesse de libérer les descendants des déportés. Les livres de Esdras et de Néhémie nous disent que cela advint quelque temps plus tard, sous le règne du roi Perse Artaxerxès (Selon les historiens, il s'agit d' Artaxerxès Ier (465 à 424 av JC), ou d'Artaxerxès II (404 à 358 av JC). En tout cas, voilà qui est fort tardif.

 

La plupart des israélites de Babylonie ont préféré rester en Babylonie. Un grand nombre est retourné en Asir. Mais ils étaient perçus comme des étrangers : la reconstruction d'une communauté a présenté des difficultés énormes à ces descendants. Beaucoup ont alors émigré. Les israélites étaient déjà présents un peu partout au Moyen-Orient. Une grande route caravanière reliait le Yemen à Gaza en passant par le Hijaz/ Asir. Certains migrants israélites se sont alors installés en Palestine et ont nommé leurs implantations du nom de lieux de leur contrée d'origine (=Juda d'Arabie).

 

C'est l'hypothèse qui expliquerait qu'une partie seulement des 800 lieux bibliques recensés en Asir se retrouvent en Juda-Palestine.

 

Carte de la route de l'encens (de Sabwa à Gaza) vers le V s av. JC – (27) Ref. Mission Archéologique au Hadramount (Yemen) dirigée par Jacqueline Pirenne. Source : https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1975_num_119_2_13123

 

 

>> L'AUTEUR, L'OUVRAGE ET L'ENVIRONNEMENT

 

Kamal Suleiman Salibi, est né à Beyrouth dans une famille Chrétienne, et est décédé dans cette même ville du Liban, en 2011, à l'age de 82 ans. Historien renommé, il obtient son doctorat à l’École des Études Orientales et Africaines de Londres, et devient professeur d'Histoire et d'Archéologie de l'Université Américaine de Beyrouth. Il était aussi Directeur de l'Institut Royal Jordanien d’Études Interconfessionnelles à Amman. Il avait d'ailleurs participé à sa création.

Kamal S. Salibi a été considéré comme un des meilleurs spécialistes contemporains de l'Histoire Arabe et de l'Histoire du Liban. Il a publié nombre d'ouvrages pointus dont les références en Anglais, Allemand et Français sont indiqués ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Kamal_Salibi

 

Parmi eux, deux ouvrages ont été à mon sens particulièrement marquants tant par leur contenu d'exceptionnelle qualité de l'analyse que par les brutales réactions de rejet que ses thèses ont déclenché. C'est que les analyses de Kamal Salibi touchaient là des structures fondamentales, individuelles et collectives. Le rejet n'est pas chose anormale, et l'historien Israélien Yuval Noah Harari nous a très bien expliqué que « La plupart de nos opinions sont façonnées par la pensée collective plutôt que par la rationalité individuelle, et notre attachement à ces opinions tient à la loyauté envers le groupe. » (…) « Dès lors que des identités personnelles et des systèmes sociaux entiers sont construits sur un récit, il devient impensable d'en douter, non du fait des preuves qui l'étaieraient, mais parce que son effondrement déclencherait un cataclysme personnel et social ! Dans l'histoire, la toiture a parfois plus d'importance que les fondations.  » (1)

Montaigne nous le disait déjà à sa manière : « ce qui est hors des gonds de la coutume, on le croit hors des gonds de la raison. » (Les Essais – Livre I, Chapitre XXIII)

La remarquable lucidité de l'historien Salibi lui a permis d'aller directement aux fondamentaux. Il était bien conscient de la problématique que son livre nous dévoile. Dans son épilogue (p. 254), il explique : « Alors que ma thèse peut causer une certaine consternation -peut-être encore plus un certain scepticisme-, je demanderai donc seulement que les preuves que j'ai avancées soient soigneusement étudiées à la lumière d'une enquête scientifiquement désintéressée. »

Que je sache, personne ne s'est encore risqué sur cette voie. Cependant, comme le prévoit Harari pour tout ce qui dérangerait nos fondamentaux, les thèses de Salibi ont été repoussées avec force  :

 

> en 1988, Salibi publia en Anglais (''A House of Many Mansions : The History of Lebanon Reconsidered'') plus tard traduit en Français : « Une maison aux nombreuses demeures : l'identité libanaise dans le creuset de l'histoire ».

Dans cet ouvrage, Salibi propose une Analyse Historique d'une grande clarté, qui « met en évidence les soubassements communautaires du Liban contemporain. » Il « montre comment les Libanais ont toujours manqué d’une vision commune de leur passé, et comment ils sont en désaccord fondamentalement sur la légitimité historique de leur patrie, les chrétiens l’affirmant avec force, alors que les musulmans l’insèrent dans une histoire arabe plus large. » Salibi souligne alors que « les deux groupes ont utilisé le nationalisme dans un jeu destructeur impliquant des loyautés archaïques et des rivalités tribales » L'auteur suggère d'oeuvrer sur la voie qui permettrait au Liban de « développer et constituer une communauté politique. » (2) Et cela, à mon sens, afin de survivre... Mais Salibi a été quand même malmené. Cette analyse de Salibi a pourtant une une valeur universelle.

 

> en 1985, Salibi publia en Allemand ''Die Bibel kam aus dem Lande Asir'' traduit en Français en 1986 «  La Bible est née en Arabie  » objet de cet Article.

Cet ouvrage constitue une très intéressante Hypothèse Historique assise sur une approche scientifique originale qui est verrouillée par une méthodologie transparente facilement vérifiable aux spécialistes. Si validé, son travail exigerait de ré-écrire certaines des histoires que nous considérons intouchables, à partir desquelles s'est créé un nationalisme qui a construit/ développé des réalités politiques. (Note JPCiron = pour ce dernier point, le sujet ne serait alors pas de remettre en question l'existence d'États, mais de simplement mieux comprendre leur genèse)

 

Yuval Noah Harari constate néanmoins qu' « il semble bien que nous vivions bel et bien dans une ère terrifiante de post-vérité, quand (…) des histoires et des nations entières pourraient bien être faux. » (1)

 

 

 

>>> APPROCHE & MÉTHODOLOGIE DE SALIBI

« Tout vrai savoir comporte une part d'ignorance. » (5)

 

Alors que les 'savants' « considèrent comme certaine la géographie de la Bible hébraïque, et discutent sa véracité historique » Salibi considère qu'une « approche beaucoup plus fructueuse consiste à prendre pour certaine l'historicité de la Bible hébraïque, et à mettre en question sa géographie. »

 

La disparition du parler de l'hébreu biblique (vers le VI-V s av JC) rend problématique la lecture des Écritures. Car elles sont écrites en alphabet consonantiques : il faut les vocaliser pour les comprendre. Pour ce faire, il faut utiliser les bonnes voyelles, que l'érudit avait alors en mémoire.

 

Le vocabulaire de la langue biblique est limité à ce que l'on lit dans les textes bibliques. On ignore sa vocalisation. « On ne sait rien non plus de son orthographe, de sa grammaire, de sa syntaxe ni de ses idiomes. » (5) En outre, Salibi souligne que « bien des mots courants (verbes, noms, adverbes, adjectifs) ont été traditionnellement lus de façon erronée dans leur contexte biblique en tant que noms de lieux » et qu'inversement « il existe un très grand nombre de noms de lieux bibliques qui ont toujours été pris pour des verbes, des adverbes, des noms ou des adjectifs. » Voilà qui peut changer du tout au tout le sens des phrases. Bonne nouvelle : les spécialistes ont tout le matériel devant leurs yeux pour éventuellement contester chaque verset...

 

Aujourd'hui, pour espérer lire et comprendre la Bible hébraïque consonantique, il faut utiliser l'hébreu rabbinique (qui était une langue d'érudits, pas une langue 'vivante') ou bien utiliser d'autres langues sémitiques voisines encore vivantes aujourd'hui. Salibi a choisi cette dernière voie avec l'Arabe et le Syriaque.

 

Le travail des massorètes (réalisé du VI au X siècle après JC) a permis (par adjonction de voyelles) de pouvoir vocaliser les textes d'une langue qui n'était alors plus parlée depuis plus de 1000 ans. Salibi fait remarquer que les massorètes « prirent le plus grand soin de ne pas falsifier la Bible ». On leur doit d'avoir conservé les textes consonantiques originaux intacts, même quand ils semblaient incompréhensibles : cela a été fort utile, car la préservation des fondamentaux laisse une chance de rectifier les erreurs. Voir exemple illustratif en (6) d'un verset de la Bible qui semble privé de sens, mais qui avait tout son sens dans une autre langue sémitique antérieure dont il provient probablement.

 

« Transmis par la tradition, tout comme les textes sacrés, les noms de lieux ont aussi tendance à rester inchangés, au moins dans leur structure fondamentale. » Salibi exploite cette capacité 'de survie' dans le temps long : elle est à la base de son analyse toponymique. Il va donc consulter nombre de cartes et de catalogues de noms de lieux, et les confronter aux noms de lieux que l'on peut trouver dans la Bible consonantique.

Dès lors que ces lieux bibliques se retrouvent beaucoup plus souvent en Hijaz/Asir (zone en Arabie Saoudite, au nord du Yémen) qu'en Palestine, l'hypothèse que le récit de la Bible raconte des événements historiques intervenus en Hiraz/Asir n'est pas à priori absurde.

 

Pas absurde, mais exigeant des vérifications préalables. Tout d'abord, il faut vérifier si la suite des événements décrits dans la Bible est compatible ou non avec la localisation des noms de lieux identifiés par Salibi. Y compris donc pour les données de distance entre deux lieux que précise souvent la Bible. Et en tenant compte d'autres indications de la Bible : topographie, géologie, minéraux, hydrographie, flore, faune,... Et faire la même chose côté Palestine.

Il conviendra aussi de considérer les récits extérieurs à la Bible, provenant d’Égypte, de Mésopotamie, …, du Coran, … d'historiens de l'antiquité, ...

Enfin, une vérification archéologique in situ est impérative. On sait cependant que les recherches dans toute cette zone sont interdites en d'Arabie Saoudite. Il faudra attendre.

 

Sur ce point, Salibi souligne la différence entre l'Archéologie Scientifique et l'Archéologie Biblique (qui peut aussi utiliser des outils scientifiques ; là n'est pas la différence.) La différence est dans l'approche particulière de l'Archéologie Biblique qui consiste en « la recherche de restes matériels dans des zones déjà déterminées selon des notions préconçues de géographie biblique, pour essayer de fournir des justifications archéologiques à des notions d'histoire biblique également préconçues. »

 

Dans un tout autre état d'esprit, lors de sa visite au roi d'Arabie Saoudite Abdelaziz Ibn Saoud, l'historien et diplomate Gérald de Gaury écrivait : « Dans les vallées d'Asir, du Yemen et du Hedjaz se trouvent des ruines qui peuvent un jour (…) montrer clairement la signification de certains passages des premiers livres de la Bible et des allusions historiques du Coran. Qui sait quels trésors historiques gisent cachés dans les ruines d'Asir ? » (7)

Salibi n'est donc pas un rêveur isolé, comme on aime parfois à le présenter.

 

 

Rappelons-nous que « la Bible demeure la Bible, quel que soit le véritable lieu où on la trouva. » (5)

 

Pour l'instant donc, voyons une petite sélection des récits bibliques que Kamal Salibi a soumis à sa méthodologie, et qu'il expose dans son ouvrage.

 

 

 

>>> QUELQUES EXEMPLES TROUBLANTS TIRÉS DU LIVRE

 

Dans son livre, Kamal Salibi a soumis à sa méthode une quinzaine de sujets-clef ayant lien avec ''l'histoire biblique''. Le résultat fait ressortir des récits fort différents de ce que l'on a appris, qui semblent corrélés à l' Hijaz/Asir bien plus qu'à la Palestine.

Note : afin que le texte de cet article soit compréhensible, la plupart du temps, je mentionne les lieux avec leur nom en 'français' (et non avec les noms consonantique correspondants)

 

> Recherche de la cité philistine de Guérar

Cette cité philistine est mentionnée en (Genèse 19, 20, 26) et (2Chroniques 14). Je ne vais pas aller dans le détail de la démonstration de Salibi (pages 75 à 92) avec cartes à l 'appui (Palestine p. 76, et Asir p. 91). J'en mentionne ici juste une partie, et en mode synthétique :

La localisation de la Guérar biblique au sud de la Palestine est très incertaine. Une proximité de Gaza est supposée, dans la direction de Beersheba. Certaines localités mentionnées dans la Bible sont introuvables en Palestine. Par ailleurs, le récit de la prise de contrôle de Guérar par les Kushites-Éthiopiens est pour le moins 'problématique'.

En Asir, par contre bien plus de localités mentionnées sont identifiées, dont une oasis de ''Kush'', deux ''Guérar'', un ''Beersheba''. Localités par ailleurs citées par le géographe grec Strabon qui racontait, étape par étape, l'expédition en Arabie méridionale du général Romain Aelius Gallus.

 

> La question du Jourdain

Ce fleuve est bien connu pour qui lit la Bible, et on sait le positionner sur la carte. Pourtant, Salibi souligne que, dans la Bible, « tous les exégètes savent qu'il n'est nulle part cité comme tel. » Le Dr Jan Jozef Simons précise : « Le problème de l'origine et de la signification de ''Jourdain'', sur lequel des opinions divergentes ont jusqu'à présent été émises, n'est toujours pas résolu. » (8) Kamal Salibi apporte son analyse :

Le terme h-yrdn de la Bible, qui est traditionnellement considéré être un nom de fleuve en Palestine, est parfois (comme en arabe) un terme topographique signifiant ''escarpement/ arête''. La Bible RSV (Revised Standard Version) mentionne aussi ce terme avec ce sens-là. La rédaction est par exemple du type « tu passeras ce h-yrdn ». Le ''ce'' impliquant que c'est de celui-là dont on parle, et non d'un autre : exemple de ce type de verset dans la Bible Louis Segond en (9).

En contraste avec le reste de l'Arabie, en Hijaz, le nom de plusieurs villages de montagne comportent une même racine ''escarpement''. En Asir seul, on en compte cinq. En fait, en retrait de la zone côtière, un escarpement, long de 600 km, longe la côte : une ligne de partage des eaux. (carte p. 119)

Salibi développe son analyse sur plusieurs exemples de récit biblique. J'en résume un qui semble (lui aussi) bien coller au terrain en Asir, alors qu'il n'a pas pu être reconstitué avec succès en Palestine. Il s'agit du récit de la circoncision en masse du ''peuple d'Israel'' par Josué à Gibeath-haaraloth (RSV). Pour ce faire, ils sont partis de Sittim (Josué 3.1), ils ont passé ''ce'' Jourdain à sec (Josué 4:22), ont été tous circoncis par Josué sur la colline d'Araloth (Josué 5:3), et ont campé à Guilgal.

Salibi retrace les lieux géographiques correspondant à la ''traversée du Jourdain'' par les Israélies : Sittim près de la ligne de partage des eaux, le passage de l'escarpement près de Taif, le village arabe de Dhï Ghulf (littéralement ''celui des prépuces'' !) dans la vallée de l'Oued Adam, le village de Guilgal près de Jericho.

Salibi donne aussi les explications pour les mécanismes de retenue d'eau des torrents qui permet de les passer en sécurité. Il reprend aussi nombre de versets, mot à mot, en consonantique et en français.

 

> La Terre Promise

La promesse biblique couvre un territoire spécifique : tant pour les descendants d'Abram (Genèse 15 : 18-21) que pour les israélites qui suivent Moïse (Nombres 34 : 1-12). Ces promesses ont été relatées dans la Bible alors que les Israélites habitaient déjà leur terre promise. Salibi explicite que « les histoires de ces deux promesses furent une explication ex post facto. »

 

La promesse faite à Abram couvre le territoire habité par dix peuples/tribus (dont Canaan). La promesse faite à Moïse, par contre, est appelée ''Canaan'', et est décrite par une liste de limites et de repères géographiques.

La promesse faite à Moïse [Canaan] semble donc être une fraction de la promesse faite à Abram [territoire de dix peuples/tribus s'étalant du fleuve Égypte au fleuve d'Euphrate]. [Note JPCiron : Dans cette perspective Palestinienne, la promesse faite à Moïse apparaîtrait donc comme une première 'tranche' de la promesse faite à Abram.]

 

Les noms de peuples/tribus correspondant généralement à des noms de lieux, Salibi les a recherché et localisa la promesse faite à Abram [= le territoire de dix peuples/tribus] en Asir : de Jizan au sud (près de l'actuelle frontière du Yemen) jusqu'à la vallée de l'Oued Adam, au nord, dans l'arrière pays de Lith (env. 200 km au sud de La Mecque).

Salibi s'attaqua alors aux limites géographiques de la promesse faite à Moïse (Nombres 34:1-12). Le territoire identifié en Asir est alors à peu près le double de celui promis à Abram par addition d'une longue & large bande de terre au nord du long escarpement de env. 600 km. (carte p. 224)

 

Les grandes différences entre l'approche ''Palestine'' et l'approche ''Asir'' tient essentiellement à des problèmes de traductions. En outre, Salibi souligne qu'il n'est pas étonnant que les savants se heurtent invariablement des difficultés en recherchant les repères géographiques de la Bible pour la ''Terre Promise'' en Palestine, puisqu'ils la cherchent au mauvais endroit...

 

 

> La Judée Arabe

Le sujet est traité en détail et en profondeur sur 35 pages. Là aussi, Kamal Salibi reprend chaque phrase de la Bible consonantique de l'époque Achéménide : Esdras 7 et Néhémie 2 : « En parcourant les deux textes, avec l'aide d'une bonne carte d'Arabie et un dictionnaire de noms de lieux arabes, on peut localiser facilement presque toutes les villes et tous les villages répertoriés par Esdras et Néhémie. » :

Les listes de « Fils de » ''prêtres'', ''lévites'', ''chantres'', ''portiers'', ''serviteurs du Temple'' et ''serviteurs de Salomon'' sont identifiés par Salibi comme six groupes tribaux à rechercher selon leurs lieux d'implantation d'origine. Ce qu'il fit :

En synthèse concentrée, Salibi montre que les cent trente noms de lieux que l'on déchiffre dans les listes de Néhémie et d'Esdras correspondent à des villages d'Asir. Seuls quelques-uns sont déclarés incertains.

Salibi fait remarquer que, sur ces 130, très peu de lieux ont été ''identifiés'' pour la Palestine. Il mentionne le fait que même Jan Jozef Simons (8) n'en a identifié que dix.

La pays de la tribu de Juda était apparemment localisé sur l' oued Adam, dans le sud du Hijaz.

 

 

> L'itinéraire de l'expédition du roi égyptien Sheshonq I

Durant son règne (945 à 924 av. JC) il mena une campagne militaire contre les villes de Juda. Cela est reporté en 1Rois 14 : 25-26 et 2Chroniques 12:2-9 et dans les textes égyptiens originels.

Kamal Salibi souligne que, pour faire tenir cette expédition en Palestine, la version des exégètes traditionnels repose sur l'hypothèse que les scribes égyptiens en charge de la retranscription du récit de l'expédition ne savaient pas bien rendre les noms de lieux rencontrés durant l'expédition. Les exégètes ne sont d'ailleurs pas d'accord entre eux.. (carte Palestine p. 182)

Kamal Salibi part donc de la grande liste topographique numérotées de Sheshonq au temple d'Amon, à Karnak. Une soixantaine de places fortes sont lisibles. Il les identifie et suit le parcours de l'expédition en Asir, qu'il liste avec localisations correspondantes : Une arrivée par mer près de Lith, suivie par un parcours sur la zone côtière jusqu'à Jizan, puis retour par l'intérieur vers Lith et Taïf et avec même une virée aux limites du désert. (carte Asir p. 186)

Kamal Salibi conclut « qu'il faudrait revoir non seulement l'histoire biblique, mais aussi l'histoire ancienne de toute la région du Proche-Orient. »

 

 

Comme indiqué en introduction, l'hypothèse Historique en Asir de Kamal Salibi ne pourrait être validée que par l'archéologie. Il est donc raisonnable d'attendre. Dès lors, pourquoi l'autre Hypothèse Historique, en Palestine, continue-t-elle d'être présentée comme historique alors qu'elle n'est que théologique ? Pourtant, de nos jours, les théologiens, historiens et archéologues modernes savent que les points d'ancrage historiques vérifiables de la Bible se raréfient vite avant le IV ou V s avant JC...

Comme on pourrait justement s'y attendre en Palestine avec l'hypothèse Asir.

 

JPCiron

 

 :: :: :: :: :: :: :: :: : NOTES :: :: :: :: :: :: :: :: ::

 

.. (1) - « 21 leçons pour le XXI e siècle  » par Yuval N. Harari – Albin Michel -2018

 

.. (2) – Journal Libanais en Français https://www.lorientlejour.com/article/720294/Deces_du_grand_historien_Kamal_Salibi.html

 

.. (3) - Articles du Journal Der Spiegel (en Allemand) 1985 Traduit « La Bible n'est-elle pas juste après tout ? »

https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fwww.spiegel.de%2Fspiegel%2Fprint%2Fd-13515696.html

https://www.spiegel.de/politik/hat-die-bibel-doch-nicht-recht-a-3f639b0b-0002-0001-0000-000013515696?context=issue

https://www.spiegel.de/politik/hat-die-bibel-doch-nicht-recht-a-ff905bc2-0002-0001-0000-000013516406?context=issue

https://www.spiegel.de/politik/hat-die-bibel-doch-nicht-recht-a-966d5306-0002-0001-0000-000013517075?context=issue

 

.. (4) – Ouvrage « Moïse » par Jérôme Peignot - Ed. J. Millon - 1988

 

.. (5) - Ouvrage « La Bible est née en Arabie » par l'Historien Libanais Kamal Salibi – Bernard Grasset/ Paris - 1986

 

.. (6) - (Proverbes 26:23) « Comme des scories d'argent appliquées sur un vase de terre, Ainsi sont des lèvres brûlantes et un coeur mauvais. »

(Louis Segond 1910).

Ce verset s'éclaire dans la langue ougaritique (tablettes cunéiformes) : il s'agissait de dire qu'un cœur mauvais qui brille comme de l'argent, n'est qu'un vase de terre enduit de scorie d'argent.

 

.. (7) – Ouvrage « Arabia Phoenix » par Gérald de Gaury – Publ. George G. Harrap & Co Ltd – 1946

 

.. (8) - Ouvrage « The Geographical and Topographical Texts of the Old Testament ; a concise commentary in XXXII chapters. » par Dr Jan Jozef Simons – Leiden, E. J. Brill - 1959

 

.. (9) – Exemple pris dans la Bible Louis Segond 1910 – Arête/Jourdain

(Deut. 3:27) « Monte au sommet du Pisga, porte tes regards à l'occident, au nord, au midi et à l'orient, et contemple de tes yeux ; car tu ne passeras pas ce Jourdain. »

 

.. (10) – Texte de la Déclaration d'Indépendance d'Israël – 14 mai 1948 – Israel Ministery of Foreign Affairs.

 

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