L’anti-communisme, fil conducteur de la politique française

par politzer
samedi 24 mai 2025

Le bloc bourgeois, l’abandon ouvrier et la mue du PCF

L’anti-communisme structure la politique française depuis le Front populaire de 1936, avec des racines dans la peur suscitée par la Révolution bolchevique de 1917. Ce réflexe, porté par un bloc bourgeois – alliance de la droite, du centre et de la gauche réformiste – transcende les divisions internes pour contrer toute menace de prise de pouvoir par le Parti communiste français (PCF). Si le bloc bourgeois intègre parfois le PCF par tactique électorale, son objectif reste la neutralisation du parti pour protéger les intérêts capitalistes. Cette dynamique, fil conducteur de la politique française, connaît deux exceptions : la trêve gaulliste (1944-1947) et le piège mitterrandien (1981-1983). Un tournant clé survient avec François Mitterrand et Julien Dray, qui mobilisent l’anti-racisme (SOS Racisme, 1984) pour briser la ligne anti-immigration du PCF, favorisant les intérêts patronaux. Cette stratégie, prolongée par la ligne Terra Nova (2011) d’abandon de la classe ouvrière au profit des immigrés et d’un lumpenprolétariat (évoquant Frantz Fanon), accélère la transformation du PCF en P"C"F, une aile gauche social-démocrate, influencée par une ligne bourgeoise interne. La récente rupture de la NUPES (2023), perçue comme un piège mélenchonien, illustre cette mue, tandis que les ouvriers, lâchés par une gauche confondant immigrés, lumpen et classe ouvrière (Bruno Étienne), sont poussés vers le vote FN en protestation.

1936 : l’anti-communisme comme réflexe bourgeois

La Révolution bolchevique (1917) instille une peur du communisme, mais c’est le Front populaire (1936) qui fait de l’anti-communisme un pivot politique. Avec 15 % des voix et 72 députés, le PCF devient une force centrale. Les grèves de masse (2 millions d’ouvriers) et les réformes (congés payés, 40 heures) effraient la bourgeoisie. Le bloc bourgeois réagit :

La droite (ligues comme Croix-de-Feu, Parti social français) dénonce un "péril rouge".

Le patronat (Confédération générale du patronat français) finance des campagnes anti-communistes.

Les radicaux (Daladier) et certains socialistes (SFIO) limitent l’influence du PCF pour calmer les tensions.

Le Pacte germano-soviétique (1939) permet d’interdire le PCF et de réprimer ses militants. Dès 1936, l’anti-communisme unifie droite, centre et gauche modérée contre la menace prolétarienne.

Le bloc bourgeois : une unité tactique face au PCF

Divisé sur l’économie, la laïcité ou l’Europe, le bloc bourgeois (droite, radicaux, SFIO/PS) s’unit face au PCF lorsqu’il menace le pouvoir. Cette unité tactique intègre parfois les communistes pour apaiser les ouvriers, avant de les neutraliser :

1947 : exclusion : Après la trêve gaulliste, le PCF (26 % voix, 153 députés) est expulsé du gouvernement Ramadier (SFIO). Grèves (3 millions d’ouvriers) et Guerre froide (Plan Marshall) unissent SFIO, MRP et radicaux contre le PCF, surveillé et interdit de manifestations.

1956 : Algérie : SFIO (Mollet) et droite votent les pleins pouvoirs pour réprimer l’indépendance, contre le PCF anti-colonial.

1968 : Mai : 10 millions d’ouvriers en grève ébranlent de Gaulle. Droite, SFIO (Mitterrand) et patrons accusent le PCF de "subversion". Accords de Grenelle et élections (1968, UDR gagne) brisent l’élan.

La trêve gaulliste (1944-1947) : une parenthèse pragmatique

La trêve gaulliste (1944-1947) suspend l’anti-communisme. Charles de Gaulle, chef du GPRF, intègre le PCF (26 % voix 1945, 153 députés) dans un gouvernement tripartite (PCF, SFIO, MRP). Ministres communistes (Maurice Thorez, Ambroise Croizat) portent Sécu, retraites, nationalisations. Cette inclusion vise l’unité nationale et domestique le PCF, qui limite les grèves. En 1947, Guerre froide et grèves massives brisent la trêve : Ramadier (SFIO) exclut le PCF, et l’anti-communisme bourgeois reprend.

Le piège mitterrandien (1981-1983) : neutralisation par intégration

L’élection de François Mitterrand (1981, 51,8 %) marque un piège. Le PS domine (37 %, 269 députés), le PCF faiblit (16 %, 44 députés). Mitterrand intègre quatre ministres PCF (Fiterman, Ralite, Le Pors, Rigout). Réformes (nationalisations, 39 heures) apaisent les ouvriers, mais :

Neutralisation : Mitterrand capte l’électorat ouvrier, limitant le PCF à des ministères secondaires.

Rigueur (1983) : Austérité (désindexation salaires, privatisations partielles) trahit le PCF qui, piégé, reste jusqu’en 1984, tombant à 9 % voix (1986).

Bloc bourgeois : PS, droite (RPR/UDF), patrons marginalisent le PCF.

Mitterrand et Dray : l’anti-racisme contre la ligne anti-immigration

Dans les années 1970-1980, le PCF adopte une posture protectionniste, défendant les ouvriers français face à la concurrence immigrée ; une ligne minoritaire mais perçue comme une menace par le patronat, avide de main-d’œuvre bon marché. Mitterrand et Julien Dray contre-attaquent avec SOS Racisme (1984), promouvant anti-racisme et multiculturalisme. Financée par le PS et des milieux bourgeois, l’association cible le FN (11 % 1984) mais aussi le PCF, accusé de "xénophobie" pour ses critiques de l’immigration. Cette stratégie force le PCF à abandonner sa ligne anti-immigration, adoptant un discours pro-immigré. Le patronat gagne : l’immigration non régulée casse salaires et syndicats, affaiblissant le PCF.

La ligne Terra Nova : abandon de la classe ouvrière

La mue du PCF en P"C"F, aile gauche social-démocrate, s’accélère avec la ligne Terra Nova (2011), un rapport du think-tank PS prônant l’abandon de la classe ouvrière, jugée "irrécupérable" (attirée par FN). Terra Nova propose une coalition "progressiste" : jeunes, diplômés, minorités, et immigrés, assimilés à un lumpenprolétariat (évoquant Frantz Fanon, qui voyait les marginaux comme force révolutionnaire). Cette ligne, adoptée par PS et gauche réformiste, confond immigrés, lumpen et classe ouvrière, erreur partagée par la bourgeoisie (Bruno Étienne). Le PCF, sous pression anti-communiste, s’aligne partiellement : son discours intègre inclusion et écologie, diluant la lutte des classes.

La ligne bourgeoise interne au PCF : un facteur de mue

Une ligne bourgeoise interne émerge au PCF, accélérant sa transformation en P"C"F. Dès les années 1980, des cadres (ex. : Robert Hue, 1994-2001) poussent un réformisme "moderne", éloigné de la lutte des classes. Sous Hue, le PCF participe au gouvernement Jospin (1997-2002), acceptant privatisations et rigueur. Marie-George Buffet (2001-2010) tente un retour ouvrier, mais la chute de l’URSS (1991) et la faiblesse électorale (5 % voix 2000s) limitent l’élan. Fabien Roussel (2018-) insiste sur l’ouvriérisme, mais le PCF, influencé par cette ligne bourgeoise interne, oscille vers des alliances réformistes (ex. : NUPES), adoptant un discours inclusif et écologique proche de la social-démocratie.

Le piège mélenchonien et la NUPES : une rupture pour survivre

En 2022, la NUPES (LFI, PCF, PS, EELV) unit la gauche (131 députés, PCF 12). Cette alliance, portée par Jean-Luc Mélenchon (LFI), évoque le piège mitterrandien : intégrer le PCF pour le diluer. Mélenchon impose une ligne radicale (anti-PS, Gaza, Ukraine), mais le PCF (Fabien Roussel) défend son identité ouvriériste et pro-nucléaire. En octobre 2023, le PCF quitte la NUPES, dénonçant l’hégémonie LFI (posts X, @cramceleden74, 20/10/2023). Mélenchon critique une "comédie" (@NupesNews, 30/11/2024). Cette rupture déjoue un piège : le PCF évite la dilution dans une social-démocratie "verte" (LFI-PS-EELV), mais reste faible (4 % voix), flirtant avec la gauche réformiste.

Les ouvriers et le FN : un vote protestataire imposé

La gauche, influencée par Terra Nova, abandonne la classe ouvrière pour les immigrés, confondant lumpen, immigrés et ouvriers. Cette erreur, partagée par la bourgeoisie, pousse les ouvriers vers le Front National (devenu RN). Les ouvriers n’ont pas choisi le FN ; ils y ont été contraints par un vote protestataire, lâchés par une gauche qui privilégie une coalition "progressiste" (immigrés, minorités). Le PCF, en adoptant un discours pro-immigré post-1984, perd une partie de son électorat ouvrier, capté par le FN (ex. : 30 % ouvriers votent FN, 2017). Cette bascule, orchestrée par l’anti-communisme bourgeois, vide le PCF de sa base prolétarienne, consolidant le P"C"F.

Conclusion : un PCF transformé, un combat ouvrier à reprendre

L’anti-communisme, fil conducteur depuis 1936, a transformé le PCF en P"C"F, une aile gauche social-démocrate. La trêve gaulliste (1944-1947) et le piège mitterrandien (1981-1983) sont des exceptions tactiques, intégrant le PCF pour le neutraliser. L’anti-racisme de Mitterrand et Dray (SOS Racisme, 1984) brise la ligne anti-immigration du PCF, au profit du patronat. La ligne Terra Nova (2011), abandonnant les ouvriers pour immigrés et lumpen, et une ligne bourgeoise interne (Hue, réformisme) achèvent la mue. Le piège mélenchonien (NUPES, 2023) montre un PCF déjouant la dilution, mais trop faible pour relancer la lutte des classes. Les ouvriers, poussés au FN par une gauche égarée, incarnent un vote protestataire. L’anti-communisme, recyclé en anti-populisme, reste l’arme bourgeoise pour briser le prolétariat. Le combat ouvrier doit se réinventer.


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