Trump vs Musk, ou l’effarant pugilat
par Fergus
mercredi 11 juin 2025
« Ça suffit ! Tout cela va mal tourner. Arrêtez de vous battre ! » Voilà ce que l’on pourrait dire à deux gamins qui se bagarrent dans une cour d’école. Hélas ! ce ne sont pas deux pré-adolescents, perturbés par leur testostérone, qui nous offrent cet effarant spectacle, mais l’homme le plus puissant de la planète et l’homme le plus riche de la même planète...
Il semble loin le temps où Donald Trump considérait Elon Musk comme son « first buddy » (meilleur pote). Désormais, Trump qualifie Musk de « fou » et laisse sans réagir son entourage lui tirer dessus à boulets rouges. À l’image de son ex-pote du 1er mandat Steve Bannon, lequel a affirmé que ce « Sud-Africain » – Musk est né à Pretoria – n’est en réalité qu’« un étranger en situation irrégulière » qui, en conséquence, « devrait être expulsé immédiatement ». Hors des allées du pouvoir, nombreux sont, dans les rangs de l’électorat trumpiste, ceux qui, à l’unisson de leur chef messianique – « Trump est en mission pour Dieu », a titré sans rire le réseau trumpiste Truth Social le 29 mai – vouent dorénavant Musk aux gémonies.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase – empli de fleurs aux parfums suaves symbolisant cette si touchante bromance entre les deux hommes – a été la réaction de Musk au « budget XXL » que Trump a réussi à faire voter par la Chambre des représentants – par 115 voix contre... 114 – en attendant le vote du Sénat : « Ce projet de loi budgétaire, énorme, scandaleux, et bourré de dépenses inutiles, est une abomination répugnante. Honte à ceux qui ont voté pour ! » Et pan sur le bec du Donald devenu le bad guy de la Maison-Blanche aux yeux du patron de Tesla et SpaceX, aussitôt placé par Trump sous la menace de « graves conséquences » – comprendre pour ses affaires – s’il soutient des sénateurs opposés à son méga-budget.
En l’occurrence, en voulant prolonger les crédits d’impôts qu’il avait fait voter lors de son premier mandat, Trump risque de faire s’envoler le déficit de l’État fédéral qui pourrait être porté à un niveau stratosphérique dans les 10 ans à venir : 4 000 milliards de dollars, affirment les analystes indépendants ! Et ce ne sont pas les 175 milliards de dollars économisés – au prix d’un chaos sans précédent dans l’Administration – par le DOGE (Département de l’Efficacité gouvernementale) en lieu et place des 1 000 milliards annoncés par Musk qui permettront de compenser cette abyssale fuite en avant. Qu’importe : comme toujours, ce sont in fine les classes populaires qui en paieront le prix. Et de cela ni Trump ni Musk n’ont rien à faire !
Après que Musk ait menacé de créer un parti concurrent des Républicains, The America Party, et que Trump ait brandi la menace de suspendre les juteux contrats fédéraux dont bénéficie Musk, les deux hommes ont mis un bémol à leur différend. Musk a même rétropédalé sur l’accusation qu’il avait portée à l’encontre de Trump, prétendument mentionné dans les dossiers secrets du réseau d’exploitation sexuelle mis en place par Jeffrey Epstein. Et pour cause : Musk a trop à perdre au plan industriel, notamment en termes de collaboration avec la NASA, même s’il est en position favorable dans ce domaine ; quant à Trump, il aura besoin de l’aide de Musk pour financer les candidats républicains lors des élections de mi-mandat.
À l’évidence, les deux hommes « se tiennent par les couilles » mutuellement, pour parler trivialement. Amoraux et cyniques l’un comme l’autre, nul doute que Trump et Musk, chacun doté d’une personnalité narcissique directement dépendante d’un ego hypertrophié, nous offriront dans les prochains mois, voire les prochaines semaines, de nouveaux épisodes de leur consternant show de virilité surjouée. Quand l’exercice du pouvoir est à ce point dominé par l’immaturité, pour ne pas dire la puérilité, seuls les caricaturistes y trouvent leur compte, certainement pas les citoyens !
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