Quand l’Etat perd, c’est Dieu qui gagne

par Sébastien
mardi 23 août 2005

La prophétie prêtée à Malraux, selon laquelle le XXIème siècle serait religieux ou ne serait pas, prophétie, qui selon l’enquête de Claude Tannery, n’a jamais été prononcée par Malraux, semble avérée : le religieux, en ce début de siècle, progresse partout.

Entre d’un côté l’Islam et les évangélistes qui semblent engagés dans un prosélytisme de tout instant, et de l’autre, les classes aisées d’Occident qui s’amourachent des philosophies orientales, l’attrait du religieux semble universel.

Comment expliquer cette progression ?

Il y a naturellement la "quête de sens" que poursuit tout un chacun :

- aussi bien les pauvres, pour qui l’espoir placé en l’existence d’un autre monde est devenu une condition de survie ;

- que les riches, pour qui l’accumulation de biens ne saurait constituer une philosophie de l’existence.

Au-delà de cette quête de sens, qui n’est pas nouvelle, il existe aussi, je crois, une autre cause à la progression du religieux : la faiblesse des Etats, qui, encouragée par la mondialisation, est une caractéristique de ce début de siècle.

En effet, là où l’Etat se désengage, le religieux s’investit :

- en Amérique latine, les évangélistes remplissent souvent des tâches, en matière d’éducation ou de santé, normalement dévolues à l’Etat ;

- au Proche-Orient, les organisations islamiques s’investissent également dans le champ social délaissé par les structures gouvernementales. Le Hamas ou le Hezbollah sont d’abord populaires parce qu’ils ont mis en place un réseau d’entraide structuré et efficace ;

- c’est aux Etats-Unis, pays d’Occident où l’Etat est le moins présent dans le champ social, que les communautés religieuses sont le plus investies ;

- il est intéressant de noter, enfin, que c’est le leader français du courant libéral de droite, Nicolas Sarkozy, qui prend soin ces dernières années de rappeler l’importance des religions, le même qui prône moins d’Etat.

Ainsi, avec la mondialisation, le religieux tend à devenir la "béquille sociale" de l’Etat.

Cela n’est pas sans risque : là où l’Etat soignait ou éduquait, sans préjugés et sans volonté de dicter des règles spécifiques de comportement, le religieux impose, quant à lui, ses propres critères d’action.

Ce sont les évangélistes qui prônent l’abstinence ou le créationnisme. Ce sont les islamistes qui imposent leur vision du monde dans les écoles coraniques.

L’Etat est neutre quand les religions, sous couvert de bonnes actions, sont d’abord soucieuses d’imposer leurs croyances.

Réhabiliter le rôle de l’Etat dans le champ social, ce n’est alors pas instaurer un frein au développement. C’est, au contraire, assurer une forme de sécurité sans laquelle aucun développement n’est durablement possible.

Ce que même un ancien néo-conservateur comme Francis Fukuyama reconnaît, avec un certain art du contre-pied, dans son dernier ouvrage "State Building".


Lire l'article complet, et les commentaires