Débordements

par C’est Nabum
mercredi 7 juin 2023

 

La nouvelle vague au creux d'elle-même.

Alors que nos nappes phréatiques et nos rivières sonnent le creux, que les crues historiques semblent être à jamais oubliées, un mot a le vent en poupe et curieusement a besoin du pluriel pour exprimer sa pleine puissance. Les débordements ne cessent d'envahir les bulletins d'informations, ils font la une et se répandent en boucle sur les écrans.

C'est même un raz de marée qui ne se limite pas à la seule chaussée urbaine. Même dans les stades, enceintes forcloses s'il en est, des fuites parviennent à s'écouler sur les pelouses ou sur les parquets. Rien n'arrête le flot des excités. Les stadiers, les grillages, les barrières se montrent impuissants à canaliser les intrusions. Mais pourquoi n'a-t-on jamais essayé les sacs de sable ?

Dans la rue, curieusement, pour interrompre des débordements, les autorités ont parfois recours aux canons à eau. Soigner le mal par le mal, semble être la devise d'autorités qui en la matière sont loin de faire autorité. Une fois encore l'emploi du pluriel est assez singulier dans un registre qui ne serait efficace qu'avec un seul référent.

Peut-on remonter aux sources des débordements pour expliquer le phénomène ? Ce serait faire preuve d'une exigence géographique ou pour le moins scientifique ce qui n'est en rien le cas de nos pompiers de service. La bavure du reste a le point d'orgue qui permet la rupture des remparts, autorise de nouveaux débordements parmi les garants du cours normal des choses.

On a beau se répandre, s'étaler en indignations contenues à ce sujet, les digues finissent par sauter devant tant de scènes qui nous horrifient. La vague des violences submerge le pays, touchant désormais tous les secteurs et surtout tous les acteurs de la vie sociale. Ce flux incessant ne connaîtra plus jamais le reflux tant les vagues successives de mécontentement ne cessent de se succéder.

La maréchaussée ne parvient pas à retrouver le sens originel de sa fonction. Il n'est plus question de dresser un mur protecteur contre les eaux en colère. Les acteurs viennent plonger au cœur des tumultes pour tenter de colmater les brèches. Le plus souvent, ils provoquent de nouveaux mouvements de foule qui font s'écouler ailleurs dans le plus grand tumulte.

Il faudrait remonter en amont des manifestations pour enfin endiguer le flot tumultueux. Ce serait alors reconnaître que rien n'a été fait pour canaliser les sources de mécontentement. Tout au contraire, à force d'attiser les colères, de souffler le chaud et le froid, de provoquer la tempête, rien n'est moins étonnant que les crues de l'heure.

Quand on utilise un vocabulaire de cette nature, le poids des mots finit par influencer le déroulement des événements, l'écoulement des masses en colère suit alors le même processus que celui des rivières qui sortent de leur lit. C'est une évidence que nos lexicographes de la manipulation des masses devraient prendre en compte.

Comment faire barrage à ce phénomène ? Si je peux apporter ma contribution, en cessant de mettre de l'huile sur les flots, en appelant un chat un chat, en nommant les exactions, les incivilités, les violences plutôt que de les enrober dans un terme assez vague qui vous revient en pleine figure. Laissez donc les débordements aux éléments liquides et occupez-vous enfin de prendre en compte les individus pour des humains.

Le nombre ne fait rien à l'affaire. Noyer la masse sous des propos scabreux pousse forcément aux pires excès. Préfets et ministres devraient mettre un peu d'eau dans leur vin tandis que les manifestants feront en sorte de mettre de l'eau dans leur vinaigre pour dresser des digues efficaces.

À contre-emploi.


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