La chenille et le papillon

par C’est Nabum
mercredi 7 février 2024

 

Et le sillon impur.

 

Depuis que Rouget de l'Isle a mis le sillon au cœur des préoccupations nationales, chaque soubresaut du monde paysan prend des proportions qui dépassent largement le cadre agricole. Chacun à sa manière entend remplir ces sillons. Pour les uns, ce seront des subventions, pour les autres des produits phytosanitaires, pour certains de la corne de vache et pour d'autres les prêts du Crédit Agricole.

La grande distribution et le client pécunier s'attachent à vider ce sillon de ressources financières tandis que les agriculteurs travaillent à perte. De la perte aux fracas, il n'y a qu'un pas que n'hésite pas à franchir notre bon gouvernement où bien rares sont les ministres à être nés dans une ferme. Face à l'ire paysan, la chenille est de sortie, l'habitude étant prise désormais d'opposer la force brutale du bras séculier aux récriminations du peuple.

Loin de moi l'idée de penser que le pouvoir penche systématiquement pour un autoritarisme martial et brutal. Notre cher Président, virtuose dans l'usage du symbole, a certainement un message à faire passer en agissant de la sorte. Examinons les possibles de ce procédé qui curieusement contredit les déclarations précédentes, couvant d'un regard énamouré, les agitations paysannes.

Le char d'assaut est sans nul doute, le dernier engin tout terrain fabriqué en France. Le message est clair : « Cessez de déséquilibrer la balance commerciale en achetant des tracteurs étrangers. Passez à l'utilisation de nos blindés qui du reste, ne sont plus en mesure de répondre aux défis du théâtre des opérations, vu l'état de notre arsenal ! » Le propos est astucieux d'autant qu'en faisant étalage de la gamme du côté de la Porte de Versailles, il est possible de déclencher un réflexe conditionné.

La chenille est peut-être l'élément clef d'un message donnant alors dans le cliché. L'agriculture est bien trop motorisée avec des carburants fossiles. Passez résolument à une démarche écologique. Pour enfoncer ce message dans l'esprit des assiégeants de Paris, la chenille précédera le papillon, la fameuse répression par l'argent qui a la préférence d'un pouvoir bourgeois.

Les lances à eau ne seront peut-être pas de sortie. Il y a un risque de confusion et une critique potentielle sur les immenses arroseurs des champs de maïs. Dans la controverse des bassines, elles risquent également de semer le trouble alors qu'en laissant retomber le soufflet, il est prévu de reprendre cette hérésie.

Les matraques quant à elles ont le manche bien court pour être recyclées dans le monde agricole. L'outil manuel, s'il n'a plus guère la côte, suppose cependant d'avoir le bras long. C'est hélas ce qui manque cruellement au ministre de l'agriculture, qui en la circonstance, pour éviter qu'il ait la langue qui fourche, a été mis au rencart.

Reste alors le recours si fréquent dans la corporation policière aux gaz de toute nature. Le Premier ministre a estimé que ce serait envoyer un message pour favoriser le retour aux épandages de nature chimique. Si le feu vert sera donné au cours de négociations avec la seule FNSEA, organisation largement favorable aux marchands de mort, il n'est pas question d'éveiller le soupçon des citoyens.

On mesure ici la complexité de la répression qu'il convient de mener avec des gants de velours contre cette catégorie professionnelle si précieuse pour remporter des élections. Il convient de se montrer ferme, pléonasme de circonstance sans éborgner ni surtout démembrer nos paysans tout en laissant croire aux gilets jaunes qu'il n'y a pas deux poids deux mesures dans cette nation. Cependant, il y a bien là une distinction entre le bon grain et l'ivraie qu'entendent démontrer toute en nuance, les forces de l'ordre. Le mot d'ordre de la hiérarchie est clair, avec les paysans, changez de disque et de microsillon, faites simplement semblant de frapper.


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