Qui sont les « Irish gypsies » ?

par Fergus
lundi 7 juin 2010

On les appelle également les « Tinkers » ou plus simplement les « Travellers ». Comme les gitans continentaux, ils sont nomades et parcourent l’Irlande en roulotte ou en caravane. Zoom sur les « Irish Gypsies » et leurs origines...

Comme leur nom l’indique (Tin signifie étain), les Tinkers sont connus pour avoir été principalement des ferblantiers, des rétameurs qui travaillaient le métal (en général le cuivre ou l’étain) de manière artisanale et vendaient leur production ici et là dans les villes et villages où les conduisait leur nomadisme. Une activité toutefois pas exclusive car les Tinkers ont, au fil du temps, diversifié leurs sources de subsistance en tressant l’osier ou en rempaillant les chaises à l’image des Gitans d’Europe continentale auxquels on les assimile.


Les Irish gypsies, présents également en Grande-Bretagne et même aux États-Unis où ils se sont expatriés, ne seraient pourtant pas des Gitans. Si l’on en croit nombre d’écrits qui leur ont été consacrés, ils n’auraient rien à voir avec le peuple tzigane qui a tellement essaimé dans l’Europe entière que l’on trouve tout naturel de voir dans les Travellers irlandais des cousins de ces « Romanichels » et autres « Bohémiens » qui vivent sur notre sol et que l’on parque trop fréquemment à l’écart des villes, dans des camps de nomades improbables et trop souvent indignes. Un traitement choquant, malheureusement comparable à celui qui est parfois réservé aux Tinkers dans les îles britanniques.


Non gitans, les Tinkers ? Oui et non. Car leur langue, le shelta, un cryptolecte composé de gaélique, de romani et d’anglais n’est pratiqué que par leur seule communauté. Et l’apport romani, tout droit venu du continent, semble indiquer une proximité linguistique évidente avec la langue des Tziganes. Un apport qui ne peut être le fait du hasard et confirme ce que les spécialistes sérieux qui se sont penchés sur les origines des nomades d’Irlande affirment : la présence de Tziganes dans l’ascendance des Irish gypsies.


On peut même en déduire que les Gitans, venus autrefois d’Europe continentale, ont été à l’origine de ce nomadisme dans un pays caractérisé alors par la sédentarité paysanne et les métiers de la pêche. Des Gitans qui, progressivement, auraient été rejoints dans leur mode de vie itinérant – au point de devenir largement minoritaires au fil du temps – par des paysans irlandais jetés sur les routes par la guerre et la misère, en quête d’un « ailleurs » sinon plus souriant, du moins plus nourricier que leurs terres brûlées ou stériles.

1 million de morts !


Le tournant se situe probablement au milieu du 19e siècle lorsque s’est développée la plus effroyable période de l’histoire du pays. Connues sous le nom de « Grande famine  », les années noires 1846 à 1851 ont coûté la vie à… un million d’Irlandais dans un pays qui comptait alors environ 6,5 millions d’habitants ! La faute au mildiou mais surtout à un excessif morcellement des parcelles, exploitées – sur des terres appartenant le plus souvent à des Landlords (propriétaires) protestants – par des fermiers pauvres* obligés pour survivre de s’en remettre à la culture nourricière exclusive de la pomme de terre.


L’arrivée du mildiou (phytophtora infestans) en 1845 a dévasté le pays plus sûrement que les armées de Cromwell au 17e siècle en apportant en Irlande famine et épidémies. Au million de victimes de cette tragédie sans précédent se sont ajoutés les départs massifs d’émigrants vers l’Angleterre, les États-Unis ou la lointaine Océanie. Nombre d’Irlandais n’ont pourtant pas fait ce choix radical d’un exode sans retour, préférant, durant la deuxième moitié du 19e siècle, s’agréger aux Tziganes venus naguère du continent. À tel point que, sur les 20 400 Travellers irlandais recensés en 2006, presque tous portent un patronyme britannique.


Impossible par ailleurs d’évoquer ce peuple nomade sans parler des chevaux auxquels ils ont toujours été très liés. Des chevaux nommés… Tinkers ! Il s’agit là d’une très ancienne race d’animaux (cf. images), amenés par les Gaëls vers le milieu du premier millénaire et utilisés sur les routes d’Irlande par les… Tinkers, auxquels ces sympathiques et robustes chevaux doivent leur nom. Également appelé Irish Cob ou Gipsy Vanner, ce cheval rustique et bon compagnon se rencontre encore ici et là dans les campagnes irlandaises ou attelé aux carrioles touristiques qui, près de Killarney (Kerry), amènent les touristes au spectaculaire Gap of Dunloe. Mais il est devenu rare de voir un Tinker tirer l’une de ces roulottes colorées, caractéristiques de la vie nomade des décennies passées en Irlande. Dans ce pays, comme ailleurs, les Travellers se fixent en effet peu à peu, notamment dans les faubourgs de Dublin, de Cork ou de Galway. Et ceux qui continuent de voyager circulent désormais dans des caravanes ou des utilitaires aménagés en habitation, laissant les vieilles roulottes aux touristes en mal de couleur locale ou enclins à découvrir le Connemara ou le Donegal à la vitesse d’un cheval. Un Tinker de préférence, à la belle robe noire et blanche, et aux longs poils tombant sur les sabots…


* Le Property Act imposé par Cromwell au 17e siècle a également fortement contribué à cette situation en supprimant dans les familles catholiques le droit de transmettre les biens au seul fils aîné, le partage aggravant ipso facto un morcellement voulu par les Anglais pour réduire à néant l’influence foncière des catholiques.
 

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