La sobriété ? oui, mais pour qui ?
par olivier cabanel
jeudi 22 septembre 2022
Macron vient de sortir un nouveau lapin de son chapeau... la sobriété pour résoudre le problème de la crise énergétique qui vient !
Mais à qui s'adresse l'injonction de sobriété ?
Ils ont commencé par annoncer « la fin de l’abondance », pour enchaîner sur « la sobriété »…
On se souvient du mantra que l’on entendait dans les années 70 pour se moquer des anti-nucléaires, en leur opposant à l’époque « le retour à la bougie ».
Aujourd’hui, comme un boomerang, la provocation s’est retournée contre ceux qui l’avaient lancée.
Ainsi l’on a pu lire dans la revue de « la France insoumise » un article pour le moins prophétique puisqu’en décembre 2016, le rédacteur écrivait : « La France est désormais menacée de manquer d’électricité cet hiver. Et pas à cause des énergies renouvelables ! Non, si nous connaissons de nouveaux pics de froid, les coupures ne seront pas dues aux caprices des éoliennes ou aux faiblesses des panneaux solaires. Ce sera la faute du nucléaire ! Le retour à la bougie, ce n’est pas si on sort du nucléaire, ce sera si on continue le nucléaire ! Car le nucléaire tourne au fiasco. Le 9 novembre, on a atteint le nombre record de 20 réacteurs nucléaires à l’arrêt en même temps sur les 58 que compte le pays. Rendez-vous compte : un réacteur sur trois ! À ce rythme, le nucléaire va finir par devenir une énergie aussi intermittente que l’éolien » lien
Or aujourd’hui, la situation est pire puisque c’est quasi les 2/3 de nos réacteurs qui sont en panne, suite à un grave problème de corrosion qui touche le circuit de refroidissement du réseau primaire, malgré le fait que la tuyauterie soit en acier inoxydable...ce qui n’a pas empêché le grand patron d’Engie, un certain Jean-Pierre Clamadieu, d’affirmer que tout va bien, et qu’il suffirait de baisser son chauffage d’un degré pour empêcher le pire, et de se montrer rassurant : « l’approvisionnement est sécurisé, les stockages en France sont remplis à plus de 95 % ».
Il est entendu qu’Engie est né de la fusion de GDF (Gaz De France) devenant par la suite GDF-Suez, puis Engie, et qu’Engie et EDF sont deux entreprises différentes, ce qui n’empêche pas Engie d’être aussi un fournisseur d’électricité. lien
Mais tout de même ne jamais évoquer lors de l’interview du 21 septembre dernier, sur les ondes de France Inter, le gigantesque problème que connaîssent nos centrales nucléaires est pour le moins surprenant.lien
Mais revenons à la sobriété et aux solutions proposées par la macronie pour « passer l’hiver ».
Bien sûr, les petits ruisseaux font les grandes rivières, mais ne s’en tenir qu’aux mesurettes proposées est finalement assez incongru.
Certes, éteindre la Tour Eiffel peut provoquer de substantielles économies, mais quid d’un jet privé qui, sur un trajet de 500 km est de 4,5 à 14 fois plus émetteur de CO² qu’un vol en avion de ligne, et 50 fois plus que le même trajet sur une ligne de train européenne ? lien
Pour plus de détails, on peut consulter cet article.
Bien sûr, on peut préférer la douche au bain, mais quid de ces 20 % d’eau potable qui s’échappent dans la nature suite au réseau de distribution vieillissant et fuyant de toute part ?
Sur les 5,1 milliards de mètres cubes d’eau distribués par an dans le pays, un gros milliard s’est perdu en 2017. lien
on ne peut que constater que c’est à la « France d’en bas », ces gens « qui ne sont rien », que sont demandés des efforts, ça n’a pas empêché que les J.O. de Pékin se soient déroulés sur de la neige artificielle (lien), que des compagnies d’aviation effectuent des milliers de vol à vide pour garder ses créneaux (lien), que le mondial de foot qui va se dérouler au Quatar sera climatisé,(lien) que des milliardaires s’offrent des voyages dans l’espace à coup de millions,(lien) (50 millions de dollars), que des milliers de camions continuent d’amener leurs fruits et légumes d’Espagne, provoquant une mévente des produits régionaux (lien), que 3500 porte-conteneurs font le tour du monde consommant chacun 28 000 litres de fuel pour parcourir 1000 Km…lien
Et que fait le gouvernement ?
Les groupes de travail qui ont été nommés ont lancé les premières idées.
Ces groupes, codirigés par différents ministres, et Olivia Grégoire pour le commerce, Olivier Dussopt pour le travail, ou Olivier Klein pour le logement sont ceux qui vont proposer des mesures...dont on commence à deviner les contours...mais l’hiver approche... lien
Ajoutons que les contradictions se font jour au sein même du gouvernement, car alors que Bruno Le Maire a évoqué au mois de juin, la possibilité de délestage, voire de rationnement cet hiver, (lien) la première ministre , tout en menaçant les entreprises qui ne joueraient pas le jeu de la sobriété, a écarté en même temps toute mesure coercitive. lien
Cette logique du « en même temps », chère à la macronie, le chef de l’état l’avait brandie dès le mois de juin, car après avoir affirmé à ce moment qu’il n’y avait aucun risque de coupure d’électricité l’hiver prochain, il a changé d’avis le mois suivant, en lançant son « plan de sobriété », après avoir peut-être découvert l’analyse de l’expert en énergie qu’est Nicolas Goldberg qui a affirmé : « dire qu’il n’y avait aucun risque cet hiver était irresponsable », (lien) et décidé du coup de changer son fusil d’épaule...avec la volonté de réduire de 10 % la consommation des français d’ici 2024. lien
2024 ?...mais quid de l’hiver 2022/2023 ?
Il est vrai qu’avec les pannes en cascade qui touchent le parc nucléaire français (32 réacteurs fermés sur les 56), et le retard considérable des énergies propres dans notre pays, (lien) si on le compare à d’autres pays européens, on ne voit pas très bien comment éviter le pire dans quelques mois, surtout si l’hiver est rude.
La puissance éolienne est à la peine avec juste 1 GW de plus qu’en 2020... alors que l’objectif était d’atteindre 24,1 GW de puissance installée d’ici à fin 2023.
Quant au solaire, la puissance installée ne s’élevait qu’à 13 GW, et devrait atteindre 20,1 GW à la fin de l’année prochaine. lien
Ne parlons pas du bio-méthane, celui qui est fabriqué uniquement en utilisant nos déchets, il est pratiquement au point mort...d’autant que certains exploitants de digesteur veulent utiliser la production agricole (maïs, soja, etc.) pour produire du méthane.
D’après Novethic, le bio méthane pourrait fournir de 7 à 10 % de la consommation française, soit la moitié du gaz importé de Russie...(certains, comme l’AFG (Association Française du Gaz) assurent même que l’on pourrait atteindre les 100 %) mais l’utilisation du maïs, du soja, etc, cultivés soulève de plus en plus d’opposition notamment de la part de Confédération Paysanne qui demande un moratoire sur le sujet. lien
Il faudrait en effet limiter la production de biogaz en n’utilisant que nos déchets, quels qu’ils soient, comme par exemple le petit lait des centaines de fromageries du pays.
Celle du Tamié, qui produit le célèbre fromage du même nom, économise plus de 6000 € par an grâce à l’utilisation de son petit lait. Lien
Quant au concept de voiture électrique pour tous, c’est le contraire même de la bonne idée, puisque cela s’appuie sur un parc nucléaire en bon état…et c’est l’occasion de découvrir l’argumentation éclairée de Jean Luc Porquet, l’un des dignes rédacteurs du « Canard Enchaîné », dont l’article est ici.
Comme dit mon vieil ami africain : « le voyage par la pensée, c’est du fuel économisé ».
La photo illustrant l’article vient de dépositphotos
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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