Dictature DU prolétariat ou SUR le prolétariat en Chine ?

par politzer
samedi 28 juin 2025

 

Une classe d’hilotes en Chine à l’ère naissante de la révolution du Thorium

L’ère du Thorium, qui pointe à l’horizon, promet une révolution énergétique mondiale. Une source d’énergie plus propre, plus sûre et durable, capable de supplanter l’uranium et de redessiner notre avenir. La Chine, fer de lance de cette ambition, investit massivement dans des réacteurs expérimentaux et se positionne en pionnière. Mais derrière ce tableau éclatant se dissimule une réalité bien plus sombre : l’émergence d’une classe d’hilotes modernes, ces travailleurs exploités qui, à l’image des serfs de l’antique Sparte, font tourner la machine au prix de leur dignité.

Les invisibles du miracle chinois

En Chine, environ 290 millions de travailleurs migrants, souvent surnommés le « prolétariat hukou », forment l’ossature de l’économie. Ce sont eux qui assemblent vos smartphones, érigent des gratte-ciel futuristes et posent les rails des trains à grande vitesse. Pourtant, leur rôle essentiel reste dans l’ombre, éclipsé par des conditions de vie indignes. Le système du hukou, un registre administratif hérité de l’ère maoïste, les prive des droits fondamentaux dans les villes où ils travaillent. Sans accès à l’éducation, à la santé ou à un logement décent, ils sont relégués au rang de citoyens de seconde zone. Comme les hilotes de Sparte, ils sont indispensables au système, mais méprisés par lui.

Le Thorium : un rêve technologique, un cauchemar humain

Le Thorium incarne l’espoir d’une énergie nucléaire moins risquée et plus abondante. La Chine, avec ses réacteurs expérimentaux déjà en phase de test, mise gros sur cette technologie pour asseoir sa domination énergétique. Mais cette révolution repose sur une infrastructure humaine fragile. Les mines de Thorium, les chantiers des centrales, les usines de traitement : autant de lieux où ces travailleurs migrants seront déployés. Exposés à des conditions harassantes et à des risques sanitaires, ils n’auront ni les protections sociales ni les salaires des citadins privilégiés. L’ère du Thorium, loin de briser leurs chaînes, risque de les alourdir avec des projets toujours plus titanesques.

Une dictature modernisée, pas humanisée

Le Parti communiste chinois (PCC) orchestre cette dynamique avec une froide efficacité. La petite bourgeoisie urbaine, prospère et fidèle, soutient le régime en échange de son confort. Pendant ce temps, le prolétariat hukou, privé de voix et de droits, reste le carburant d’une économie insatiable. La modernité du PCC ne rime pas avec douceur : elle perfectionne un système où l’exploitation est la règle, pas l’exception. L’essor du Thorium, avec ses besoins colossaux en main-d’œuvre, ne fera qu’amplifier cette mécanique bien huilée.

Un murmure de révolte

Pourtant, des fissures apparaissent. Grèves, manifestations et critiques du système hukou se multiplient, signes d’une frustration croissante. Le PCC, pragmatique, répond par des réformes superficielles – un os à ronger pour calmer les mécontents. Mais tant que la stabilité l’emporte sur la justice, cette classe d’hilotes restera captive. L’ère du Thorium pourrait devenir un paradoxe cruel : une Chine conquérant l’énergie du futur tout en sacrifiant l’âme de son peuple.

Ainsi, derrière les promesses lumineuses du Thorium, la Chine révèle une vérité plus âpre : le progrès technologique n’efface pas les injustices, il les recycle. Une classe d’hilotes moderne émerge, enchaînée à une ambition qui brille pour certains, mais pèse lourdement sur d’autres.

Les réalisations des travailleurs Hukou

Les travailleurs Hukou, souvent jeunes et migrants, sont les artisans invisibles des transformations qui ont propulsé la Chine au rang de puissance économique mondiale. Privés de droits par le système du Hukou, qui lie les avantages sociaux à leur lieu de naissance, ils ont pourtant construit des infrastructures et des biens qui façonnent le paysage chinois et mondial. Voici ce qu’ils ont réalisé :

Infrastructures routières et ferroviaires :

Ils ont bâti des autoroutes comme le réseau G4, reliant Pékin à Hong Kong sur des milliers de kilomètres, facilitant le transport et le commerce. Ils ont également construit des lignes de train à grande vitesse, telles que celle reliant Pékin à Shanghai, réduisant le trajet de 10 à 5 heures, un exploit technique et logistique.

Ponts et tunnels :

Parmi leurs prouesses, on compte le pont de Danyang-Kunshan, le plus long du monde avec ses 164 km, intégré à la ligne à grande vitesse Pékin-Shanghai. Ils ont aussi percé des tunnels comme le tunnel de Dahuofang, traversant des montagnes escarpées pour acheminer eau et ressources.

Immeubles et gratte-ciel :

Dans les métropoles, ils ont érigé des symboles de modernité comme la Shanghai Tower (632 mètres), deuxième plus haut bâtiment au monde, ainsi que des complexes résidentiels massifs pour répondre à l’explosion démographique urbaine.

 

Électronique et textiles :

Dans les usines de Shenzhen, ils assemblent des smartphones et ordinateurs pour des géants comme Apple ou Samsung, tandis qu’à Zhili, ils produisent des vêtements pour l’exportation, soutenant une industrie textile qui alimente 13 % du commerce mondial.

Ces réalisations, impressionnantes, témoignent d’un labeur acharné, mais elles sont accomplies dans des conditions d’exploitation extrême, rappelant les Hilotes de l’Antiquité, une classe laborieuse sacrifiée pour le bien d’une élite.

La lutte des classes larvée

Derrière ces chantiers titanesques, une lutte des classes sourde se dessine, masquée par la rhétorique officielle du « socialisme à caractéristiques chinoises ». Le système du Hukou, en excluant les travailleurs migrants des droits urbains (éducation, santé, logement), crée une fracture sociale profonde. Voici les acteurs et les tensions en jeu :

Les travailleurs migrants :

Ils exigent des salaires décents, des conditions de travail sûres et un accès aux services des villes où ils travaillent. Leur frustration s’exprime parfois par des grèves, comme celle de l’usine Foxconn en 2010, où les ouvriers ont dénoncé les bas salaires et les cadences inhumaines.

Les classes moyennes urbaines :

Profitant des avantages du système, elles soutiennent souvent le statu quo pour préserver leur confort et leurs privilèges, créant un fossé avec les migrants qu’elles côtoient sans les voir.

 

Le Parti communiste chinois (PCC) et ses alliés :

Le PCC, appuyé par la police et l’armée, réprime toute tentative d’organisation ouvrière indépendante. Les grèves, bien que sporadiques, sont étouffées pour maintenir la stabilité et la croissance économique.

Cette lutte, bien que larvée, révèle une contradiction : les travailleurs Hukou, piliers de l’économie, sont maintenus dans une précarité systémique par une alliance entre le pouvoir et les classes favorisées ( capitalistes classes moyennes police armée). Loin de l’idéal marxiste d’une dictature du prolétariat, la Chine impose une dictature sur le prolétariat, où le progrès repose sur l’exploitation d’une classe oubliée.

L’illustration par les films documentaires de Wang Bing

Le cinéaste Wang Bing donne un visage à cette réalité dans sa trilogie Jeunesse (Les Tourments), tournée dans les ateliers textiles de Zhili. Avec une approche documentaire brute, il plonge dans la vie des travailleurs Hukou, capturant leur quotidien dans des conditions extrêmes. Ses films illustrent trois dimensions clés :

Le labeur incessant :

Les plans longs montrent des jeunes cousant des vêtements pour l’exportation, enchaînant des journées de 14 heures dans des ateliers exigus et mal ventilés, payés à la pièce, sans répit ni sécurité.

La précarité :

Bing filme leurs dortoirs surpeuplés, où ils dorment entassés, loin de leurs familles, sans perspective dans les villes qu’ils construisent ou approvisionnent.

La résilience :

Malgré l’épuisement, ces travailleurs rient, discutent, rêvent. Cette humanité fragile, captée par la caméra, est une forme de résistance passive face à leur condition.

Wang Bing ne se limite pas aux textiles : ses images résonnent avec la vie des ouvriers des chantiers et des usines d’électronique. Ses œuvres, sans discours explicite, sont un cri silencieux contre l’exploitation, un miroir tendu à une société qui glorifie ses ponts et gratte-ciel tout en écrasant ceux qui les bâtissent.
Un bémol toutefois qui interroge : Einar Tangen, fin connaisseur de la Chine où il vit depuis vingt ans , raconte ceci " j ai plaint un huku qui m a répondu que dans son village sa condition était beaucoup plus dure avant, quand il ne mangeait de la viande qu'une fois l'an ( comme mon arrière-grand-mère) et n avait jamais un sou. Il ajouta que désormais il en mange trois fois par semaine et qu il peut économiser pour acheter un tracteur...."

En somme

Les travailleurs Hukou ont construit les routes, ponts, tours et produits qui font la grandeur de la Chine moderne, mais ce progrès repose sur leur exploitation. La lutte des classes, bien que réprimée, couve sous la surface, portée par une frustration croissante. Wang Bing, à travers ses films, immortalise cette injustice, montrant une Chine où les Hilotes modernes sont à la fois les fondations et les victimes d’un système qui les sacrifie. Cette réalité, aussi impressionnante que troublante, interroge le coût humain du miracle chinois. Lénine écrivait, dans une formule dont lui-seul avait le secret : « le socialisme, c’est l’électricité plus les soviets » . L’électricité est là, et même le thorium ! Mais où sont passés les soviets ??????????

 


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