La pénitence de la brique rouge
par C’est Nabum
mardi 10 juin 2025
Mais qu'a-t-elle fait au juste ?
Durant une période récente, les médias n'ont eu de cesse de nous rebattre les oreilles d'une surface de jeu qui avait subi une peine de substitution en sus d'être emprisonnée au milieu de gradins sur lesquels des gardiens attentifs ne la perdaient pas de vue. Faite de briques pelées en surface, sur une épaisseur de 2 millimètres, elle sert de couverture à quatre autres comparses, d'où sans doute la raison de sa pénitence.
Sous elle se trouve en effet une couche bien plus épaisse puisque allant de 7 à 10 cm de calcaire qu'on nomme craon. C'est une matière première minérale d’origine naturelle, essentiellement constituée de calcaire tendre. Ce matériau se distingue par sa couleur blanche à crème, ainsi que par sa texture fine et friable. On mesure là que la brique vient protéger à son corps défendant cette si friable matière.
Ajoutons de 10 à 15 centimètres de mâchefer dont les origines sont troubles et certainement peu ragoutantes. C'est un résidu solide dur, partiellement vitrifié provenant de divers matériaux chauffés à haute température ou soumis à une forte combustion ce qui explique que nombre de joueurs s'y brûlent les ailes. Ajoutons pour noircir le tableau que des déchets d'ordures ménagères viennent s'ajouter à sa composition.
Des petits graviers sur une épaisseur de 2 millimètres viennent s'adjoindre à ce mille feuille indigeste avant qu'une couche de gros cailloux sur une profondeur de 40 à 60 centimètres complète une structure qui cache beaucoup plus qu'elle ne montre. C'est sans doute là la clef de cette énigme que se pose les observateurs neutres : « Pourquoi la terre est-elle battue ? »
On peut trouver quelques hypothèses dont la première qui vient spontanément à l'esprit des lettrés puisqu'on prétend qu'il faut battre le mâchefer tant qu'il est chaud ! Est-ce pour le tancer de dissimuler ainsi les reliefs de notre société de consommation qui trouve en ce tournoi de tennis une de ses plus belle expression ?
Il est permis d'envisager une révolte des petits cailloux qui n'ont qu'un fantasme : « Venir se lover dans une chaussure des têtes de séries afin d'apporter un peu de perturbation chez ceux qui écrasent la compétition en jouant les rouleaux compresseurs. Battre la terre serait une manière de laisser chaque matière à sa place.
Des esprits plus au fait de l'histoire avancent une autre hypothèse, plus audacieuse celle-ci. La terre est battue afin que ne remonte pas des profondeurs la terrible chanson du Craon. Faire taire ce souvenir terrifiant est une nécessité pour que puisse se poursuivre ce tournoi qui propose parfois de véritables guerres de tranchées quand des joueurs se défendent bec et ongles en fond de court.
Le filet serait dans ce cas, une ligne de partage, une forme métaphorique de la ligne de front tandis que certains audacieux montent à l'assaut pour le plus souvent sur une telle surface, se faire transpercer par un coup droit meurtrier, un revers assassin ou un tir lobé de l'artillerie adverse. Nous devons toucher au but avec cette explication.
Toujours est-il que cette tentative de clarifier cette question fondamentale n'explique pas pourquoi ce sport qui ne casse portant pas des briques se complaît à distribuer par brouettes entières des briques à ses vainqueurs d'un jour ou du tournoi final. C'est là un paradoxe de plus que je ne m'avancerai pas à éclairer d'autant que les lignes sont blanches et qu'il me serait possible de m'y casser le nez tandis que beaucoup d'autres parmi les spectateurs des loges, ont tendance à les humer avec délectation.
Je prends justement la balle au bond pour monter au créneau et m'indigner devant ce spectacle désolant de la vacuité de notre société car ici, ce n'est pas du pain et des jeux mais plus sûrement de la brioche et des sets.
Tableaux de Lucie LLONG