Dits et non-dits à propos des retraites

par Corinne Lepage
jeudi 17 juin 2010

Bien qu’il ne le dise pas ouvertement, le débat sur les retraites en ouvre en réalité un autre, celui sur la répartition des revenus et la répartition du travail.

La focalisation sur l’âge du départ à la retraite à objectif 15 ou 20 ans est certes symbolique, dans la mesure où il s’agit de s’attaquer à une conquête sociale, mais il est surtout virtuel. Quelle est notre prétention à vouloir décider à horizon de 20 ans ce que sera alors l’âge de la retraite. La vérité est que le gouvernement veut avant tout donner des gages aux marchés financiers pour tenter de prouver que la France est bel et bien entrée dans une politique de rigueur sans le dire, mais cet engagement reste bien entendu totalement virtuel.

Ce qui ne l’est pas en revanche, c’est le fait que, compte tenu des difficultés du travail des seniors et de l’entrée de plus en plus tardive dans la vie active, la possibilité pour chacun d’entre nous de se constituer une retraite à taux plein devient très aléatoire et, surtout, incompatible avec l’âge de 60 ans. C’est donc bien la question de la répartition du travail qui est posée, dans un monde où le travail devient un bien rare, tout au moins sous sa forme rémunérée, alors même que les besoins en termes sociétaux ne cessent de s’accroître.

Pour cette raison, la question des retraites est indissociable de celle de la répartition du travail, et de celle de la répartition des revenus. Dans ce contexte, aucune réforme ne pourra être acceptée si elle n’est pas juste, c’est-à-dire si elle ne rétablit pas, au moins pour partie, l’équilibre détruit au cours des 20 dernières années, d’une part, entre revenus du capital et revenus du travail, et, d’autre part, entre les différents niveaux de revenus.

Dès lors, les questions, certes symboliques, du cumul des rémunérations des ministres, du refus de ces ministres -pour un mauvais prétexte- de réduire leur niveau de rémunération, du train de vie excessif de l’Elysée, traduisent ce deux poids deux mesures qui est désormais une constante de la politique gouvernementale. Elles démontrent un refus de l’exemplarité, refus qui conduit à renforcer le sentiment d’injustice.

Tant que ces sujets politiques de fond ne seront pas abordés et que l’on continuera à faire peser sur les salariés du privé l’essentiel de l’effort, il est évident qu’aucune réforme ne pourra aboutir et, surtout, être admise par nos concitoyens.

La réforme doit être juste : équilibre entre les contributions du capital et du travail, et proportionnelle aux revenus sans aucun bouclier fiscal.

La réforme doit être réaliste : prendre en considération la pénibilité, prendre en compte la réalité de la capacité à atteindre les annuités nécessaires au taux plein de la retraite.

La réforme doit être pérenne : viser ce qui peut l’être à court et moyen termes, ne pas utiliser la réforme des retraites pour satisfaire seulement les agences de notation.

La réforme doit être honnête : viser les vrais sujets, et non les faux semblants.


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