Rénover... vraiment !

par Gaëtan Gorce
jeudi 10 juin 2010

Voici le texte alternatif que j’ai présenté le 7 juin au soir en Commission des résolutions et l’amendement que j’ai défendu le lendemain en Conseil national.

Gaëtan Gorce, député de la Nièvre 

Secrétaire national à l’exclusion, membre du Conseil national 

 

Rénovons... vraiment ! 

La rénovation n’est pas un gadget qui se limiterait a l’organisation de Primaires (dont nul n’est sûr à ce jour qu’elles pourront se tenir). Elle est la condition de la reconquête, le moyen indispensable par lequel notre parti doit répondre aux nouvelles exigences de la vie démocratique : demande de participation des citoyens et donc des militants à la décision, transparence accrue du fonctionnement interne, prise en compte des incidences du quinquennat sur l’équilibre de nos Institutions. Bref, elle est le gage et la condition de la modernisation et de la démocratisation du Parti socialiste. 

 

1) Pour une stratégie de la rénovation ! 

La rénovation du Parti socialiste n’a ainsi de sens que si elle est mise au service d’une stratégie. Il est frappant de voir comment notre parti, outil créé, affûté par François Mitterrand pour la conquête du pouvoir, s’est progressivement transformé en machine à perdre les élections nationales. Ce retournement s’explique par l’extrême médiatisation, l’excessive personnalisation de notre système politique qui a contribué à dévaloriser toutes les autres fonctions. 

Mais, reconnaissons-le, le mal est plus profond encore. Ce qui rend nos affrontements internes si infructueux, c’est qu’ils reposent toujours sur le même schéma, celui fixé, défini, en 1971 à Epinay et que, contre toute évidence, l’on s’efforce de reproduire ou plus laborieusement d’imiter, « figeant » paradoxalement pour l’éternité la recette d’un génie de l’adaptation. 

Il nous faut aujourd’hui bâtir un autre parti répondant aux conditions de la reconquête. Dans la France actuelle, l’objectif ne peut pas être dès lors de changer nos procédures simplement parce qu’il faudrait les changer. Il faut les changer parce qu’elles ne sont plus adaptées au contexte social et politique ni à la stratégie que nous devons suivre. Sur quelles bases le parti d’Épinay a-t-il bâti son succès, sinon sur une analyse minutieuse et un instinct non moins sûr, de la situation du pays au début des années 70 ? 

L’union de la Gauche constituait sa caractéristique première par opposition à ceux, qui nostalgiques de la quatrième République, continuaient à rêver d’une petite fédération réunissant la Gauche socialiste et le Centre. À la différence de ces derniers, François Mitterrand tirant les leçons du scrutin majoritaire et de la présidentialisation du régime, s’était convaincu que la Gauche ne pourrait l’emporter que rassemblée. L’union de la Gauche s’imposait à ce titre, le pari consistant à rééquilibrer puis inverser un rapport de force à l’origine tout à l’avantage du Parti communiste français. Le cap, fixé très tôt et maintenu contre vents et marées, fut la clé de la victoire. 

Cette stratégie allait s’avérer d’autant plus efficace qu’elle était portée par le flot montant des classes moyennes qui ne pouvaient manquer de se reconnaître dans l’aspiration assumée du PS à « changer la vie ». L’alternance de 1981 apparaît, avec le recul, comme l’aboutissement politique d’une suite de transformations économiques, sociales et culturelles (dont Mai 1968 fut le symbole). 

Le carcan dans lequel la société française restait pour partie enfermée devait exploser sous la pression d’une demande d’initiative, d’autonomie et de liberté. 

La Gauche sut alors mieux répondre aux attentes des catégories salariées qui avaient vu dans les années 70 leur nombre exploser, favorisant une mobilité, une promotion sociale inédite à travers l’accession à un meilleur niveau de vie et de responsabilité de générations entières d’enfants d’ouvriers, d’employés. 

Enfin, la troisième dimension du cycle d’Épinay résidait dans l’organisation méthodique d’un parti tout entier tourné vers la conquête du pouvoir et mis au service d’un chef dont le leadership pouvait parfois être contesté, mais pas l’envergure présidentielle. 

L’énumération de ces ingrédients qui furent à la base du succès montre combien les temps ont changé aujourd’hui et que proclamer la fin du cycle d’Épinay ne constitue pas une provocation mais un simple constat dont il est urgent en revanche de tirer les leçons. 

L’environnement économique et social s’est d’abord radicalement modifié. Les fissures qui commençaient à lézarder le modèle des années 70 se sont encore creusées, la France connaissant une double révolution en l’espace d’une quarantaine d’années. 

À peine achevé, le passage d’une économie rurale à une économie industrielle qui avait mis plus de 30 ans à se concrétiser, a débouché sur une nouvelle transformation : la tertiarisation de l’emploi qui s’accompagne du déclin voire de la disparition de pans entiers de grands secteurs industriels. Le freinage de l’expansion des catégories moyennes est d’autant plus sensible qu’il s’est accompagné d’une fragmentation des statuts, d’une stagnation du pouvoir d’achat et d’un blocage de la mobilité sociale et professionnelle. La poussée des médias et des nouvelles technologiesl’évolution des modes de vie a encouragé une individualisation accrue des comportements sociaux et politiques. Enfin, la précarisation de l’emploi débouche sur une crise des modèles traditionnels de solidarité poussant à mettre en cause le poids des prélèvements et la légitimité de la redistribution. En clair, la France d’aujourd’hui ne ressemble plus en rien à celle de 1971 ni même à celle de 1981. 

Le contexte politique est ensuite bien différent : la Gauche dans ses frontières traditionnelles est structurellement minoritaire. Et ses alliés potentiellement affaiblis. 

L’extrême Gauche antilibérale est dans l’impasse : elle se nourrit certes de l’inquiétude d’une frange de l’opinion confrontée à la mondialisation ; mais elle est bien incapable de fédérer (la présidentielle l’a montré, les régionales confirmé) et par conséquent de peser. Et comment imaginer l’avenir bâti autour d’une vision si incurablement négative de la modernité ? Le refus, la protestation, la résistance ne font pas une politique. Certainement pas une majorité. Même pas une alliance. 

La solution peut-elle venir « d’ailleurs », pour reprendre l’expression charmante de Michel Jobert dans les années 70, c’est-à-dire du centre ? Si le Centre du point de vue électoral peut être décisif, une alliance avec François Bayrou serait au contraire aventureuse puisqu’elle reviendrait à lui déléguer le soin d’incarner la modernité économique et sociale. Laissons donc de côté cette chimère ! 

C’est d’abord sur ses propres forces que le parti socialiste doit compter. Il y sera aidé par la logique des institutions que favorise la présidentielle. On est passé en 20 ans du fameux quadrille bipolaire, chaque camp étant composé de 2 cercles concurrents, à un bipartisme imparfait, l’UMP à droite, le PS à Gauche, s’étant assurés une position dominante. 

La question de l’alliance doit passer après celle du projet. C’est celui-ci plus que celle là qui créera une véritable dynamique. Parce que les Français veulent des solutions ! 

Et c’est la vocation de notre parti de les construire pour autant qu’il sache s’ouvrir sur de nouvelles références sociales, culturelles, écologiques. 

Cela ne doit pas nous conduire à négliger nos partenaires. Nous devons au contraire les traiter avec respect. Mais, forts de notre volonté, de nos idées, pas pour leur sous-traiter ce que nous aurons été incapables d’imaginer !Ce qui doit nous conduire à privilégier une stratégie qui n’ait pas les alliances comme but, mais pour conséquence. L’enjeu est de créer une dynamique qui permette de 

rassembler tant de forces éparses. Le premier acte d’une rénovation réussie devrait être ainsi de lancement d’Assises de l’Alternance visant à fédérer toutes celles et tous ceux Socialistes, ex communistes, écologistes, simples citoyens. 

Enfin, aucun véritable leadership n’a réussi à s’affirmer, chaque responsable se trouvant obligé de composer avec des groupes aux intérêts et aux vues contradictoires. Le dernier congrès de Reims en a fourni une épouvantable illustration. Nous ne pourrons sortir de cette situation que le jour où le 

Premier secrétaire sera élu avant le congrès, sur la base la plus large. 

 

2)  Transformer le PS en une force moderne et démocratique 

Au fond, le Parti socialiste se trouve aujourd’hui un peu dans la situation du parti communiste dans les années 60 : on ne peut rien faire avec lui mais on ne peut rien faire non plus sans lui. 

Son appareil est demeuré rétif à la réforme, incapable de se remettre en question, figé dans ses archaïsmes et ses querelles. Mais il n’existe pas d’alternative. 

Certes le chantier est immense. Et la tâche à conduire exactement à rebours de celle accomplie entre 1971 et aujourd’hui. Le PS n’a pas de leader incontestable : il lui faut donc s’en donner un ! Il est privé d’alliés sûrs, il lui faudra donc d’abord agir par lui-même ! Il n’est plus porté par le mouvement de la société, sa foi dans le changement et le progrès : il devra donc se redonner un projet mobilisateur qui tienne compte des réalités de la société d’aujourd’hui. On peut défaillir devant l’ampleur du travail à accomplir. On peut aussi y trouver matière à enthousiasme. Plutôt que simplement placer ses pas dans ceux des grands anciens, c’est un nouveau chemin qu’il faut ouvrir, un nouveau chapitre qu’il faut écrire. 

À ce stade, la question de l’outil est évidemment essentielle. Dans quel état se trouve le parti socialiste ? Ai-je besoin d’y revenir, tant on l’a laissé rouiller comme un vieux et grand navire, oublié au bord d’un quai ? Tournons-nous plutôt vers les solutions ! 

 

1) D’abord, supprimons les courants, ou, à tout le moins, remettons-les à leur place ! 

Disons-le tout net, sans langue de bois : le pouvoir au Parti Socialiste est devenu une sorte de rente à laquelle les bénéficiaires n’ont pas envie de renoncer. Cette rente, ce sont les courants, les sensibilités, héritiers de vrais débats aujourd’hui dépassés et paravents d’ambitions personnelles toujours renouvelées. Derrière chaque courant, il y a des places, des avantages à distribuer. La logique « proportionnelle » sur laquelle ils sont fondés garantit à chacun sa juste part de mandats locaux, nationaux et européens. Il suffit pour y prétendre, de réunir à un congrès, plus de 5% des suffrages et la porte s’ouvre sur le grand partage. 

Avec de tels appâts, il n’est pas difficile de se faire une clientèle. La constituer, l’entretenir, protéger ses intérêts demande cependant, face aux appétits des concurrents, une dépense d’énergie, un effort d’attention, qui ne sont plus disponibles pour les tâches jugées plus ingrates : comprendre les mutations de notre société, en débattre, faire vivre les idées. Celles-ci ne sont plus que prétextes à des conflits instrumentalisés selon des rites bien connus, ravivés à chaque congrès. Dans un tel système, le changement ne peut venir de nulle part. L’on peut sans risque aucun se démarquer le temps de se constituer un petit capital, sans perdre pour autant sa place dans les instances de pouvoir. Le vent de la défaite électorale peut bien souffler, comme en 1993 et 1995, et même redoubler de force et d’intensité comme en 2002 et en 2007, il ne parvient pas à ébranler ces casemates calfeutrées qui ne laissent pas passer le moindre air frais. La bataille des présidentiables peut même apparaître sans véritables conséquences dans la mesure où elle n’entraîne pas la perte de ses véritables joyaux de la couronne socialiste que sont les mandats locaux. On l’aura compris, le Parti Socialiste, qui rêve d’une sixième République, a succombé depuis longtemps aux délices de la quatrième. 

La solution passe par la suppression ou à tout le moins l’affaiblissement des « courants ». Pourquoi faudrait-il lier indissolublement la discussion de fond et les enjeux de pouvoir, au point, comme par le passé, de laisser les seconds cannibaliser la première ? Leur rôle ne doit plus en aucune manière porter sur à la sélection des candidats, à la direction du parti ou aux fonctions électives qui devront répondre au contraire à des critères politiques partagés : la promotion des femmes1, la diversité de manière générale, le renouvellement indispensable à vitalité d’une grande organisation. Ces choix devront être le fait des militants au scrutin direct, uninominal et majoritaire : un militant, une voix, un choix ! Et les courants, si l’on veut les conserver, devront être ramenés à leur vocation première : le débat d’idées. D’où la proposition de les doter d’un véritable statut, de mesurer leur influence aux parrainages (nombre de militants, de parlementaires) qu’ils pourront recueillir pour se déclarer et être ainsi représentés dans des commissions nationales qui devraient devenir des forums permanents, contribuant à nourrir la réflexion du parti et de ses instances. 

 

2) Rendons le pouvoir aux adhérents 

Cette modernisation devra s’accompagner, comme un pendant naturel, d’une démocratisation, c’est- à-dire la mise en place de mécanismes de vote individuel, garantissant la primauté des choix des membres sur l’autorité des dirigeants. À la méthode surannée des motions, supposée couvrir tous les sujets, devra succéder un vote par thème, garant de la clarté des orientations politiques et de l’adhésion des membres. Le PS se veut le représentant d’une nouvelle démocratie et ses modes de fonctionnement empruntent aux pratiques les plus archaïques de la démocratie représentative. 

D’où l’idée de transformer le « Saint-Tropez socialiste » que constitue désormais l’Université de La Rochelle, en conférence nationale annuelle, lieu de travail et de débat, où le poids des adhérents serait garanti par un principe simple : un représentant élu par section constituerait cette assemblée appelée à se prononcer sur la position que prendra le parti sur l’ensemble des dossiers d’actualité. Dans l’intervalle, des conventions thématiques permettront un vote des militants sur les orientations constitutives de notre projet politique. Élaborés pas la Direction à partir des travaux des commissions nationales revivifiées, chaque texte et les éventuels amendements déposés, seront soumis au suffrage universel des militants

Cette démocratie directe sera la meilleure manière de garantir la participation de tous, tout en dépassant l’influence et la captation de pouvoir par les anciens courants et leurs dirigeants. Elle garantira la continuité de l’axe décisionnel entre un Président du parti issu du choix des militants et les orientations soumises au vote. 

 

3) Pour un vrai « chef de l’opposition » légitimé par les primaires 

Outre les progrès qu’elle ferait connaître à notre démocratie interne, cette formule permettrait enfin à la Gauche de se doter d’un parti dont l’organisation serait en parfaite adéquation avec ses objectifs à savoir la conquête de la présidence de la République puis d’une majorité parlementaire. 

Le quinquennat a rendu cette mutation plus nécessaire et plus urgente. Devenu un super Premier ministre, le Président sortant doit trouver en face de lui, pendant la durée de son mandat, comme lors du scrutin présidentiel, un véritable chef de l’opposition, sûr de son autorité politique, tendant toutes ses forces vers l’objectif, choisi par un parti dont la base aura été élargie, capable de faire valoir ses orientations en en appelant aux militants. Appuyé sur un appareil rénové, il partira à la bataille dans les meilleures conditions, en tout cas bien différentes de celles que connut en 2007 Ségolène Royal. 

Le plus surprenant est qu’une telle évolution ne fasse pas l’unanimité. Certains plaident même pour dissocier la désignation du leader du parti de la désignation de celui qui les représentera à la présidentielle. Dans le temps, et peut-être même dans les personnes ! J’invite tous ceux qui veulent travailler à une véritable rénovation, à se défier de cet argumentaire. Qui ne voit tout d’abord qu’il n’a pour objet que de gagner du temps en faisant d’une opportunité un principe. Là encore, les présidentiables veulent donner le change. Parce qu’ils ne se sentent pas prêts pour 2010, ils plaident pour reporter à 2011 un choix auquel ils veulent participer. 

Mais, n’avons-nous pas été suffisamment instruits par le précédent de 2006 des effets dilatoires d’un tel report ? Pouvons-nous imaginer et supporter une nouvelle querelle des chefs, larvée, diluée dans le temps, qui concentrera l’attention au détriment du travail d’opposition et de la reconstruction. Et quelle sera l’autorité d’un premier secrétaire privé de la possibilité de se présenter à la présidentielle ou s’il ne l’est pas, soupçonné de n’agir que dans ce but ? Et quelle sera sa légitimité s’il devait, au bout du compte, se voir préférer un autre candidat ? Toutes ces expériences, nous les avons faites. Nous avons vécu ces épreuves, traversé ces crises. 

Ne pouvons-nous pas, une fois pour toutes en tirer les leçons ? Tout, l’histoire récente, l’évolution des institutions, les attentes de l’opinion plaident pour une unité de direction et le choix rapide de celui ou celle qui devra l’assumer avec pour contrepartie naturellement, d’en rendre compte en cas d’échec, en abandonnant automatiquement sa « couronne ». 

D’où la question des primaires qui doivent être le moyen de la transformation souhaitée du parti socialiste, alors c’est naturellement dans ce sens qu’il faut aller. Celles-ci devront être le plus large possible si l’on ne veut pas limiter le choix aux seuls personnalités acceptées par leurs pairs, la candidature doit être ouverte à toute personne soutenue par au moins un parlementaire ou un membre du conseil national. Et l’élection se déroulera sur un seul tour : qui peut croire qu’un candidat incapable de créer un élan majoritaire dès le premier tour des Primaires socialistes, qui ne soit capable de s’imposer qu’après négociations et arrangements, puisse rassembler les Français ? Il faut faire le pari d’une dynamique ou alors en rester à nos tristes pratiques actuelles ! 

Enfin, il faut que ces Primaires aient lieu le plus tôt possible, c’est à dire avant la fin de l’année, pour que celui ou celle qui sera désigné puisse à la fois incarner l’opposition et piloter la rédaction du projet dans lequel nous serons engagés. 

Une telle formule supposerait naturellement qu’à côté de ce Président élu travaille un secrétaire général qui se consacre exclusivement au Parti et qu’à un conseil national moribond (actuellement élu sur la base des motions2) soit substitué un forum national élu au scrutin de liste uninominal, à l’échelle départementale. Ainsi les délégués des militants seraient bien les délégués des militants ! 

Notre parti est encore solide : un réseau militant qui couvre tout le territoire et que l’espoir peut remobiliser comme l’a montré le succès des nouveaux adhérents ; un nombre considérable d’élus locaux dotés d’une légitimité incontestable auprès de nos concitoyens, doués d’une vraie compétence et d’une expérience du pouvoir, trop peu sollicités et dont la capacité d’initiative et d’invention peut s’user sous l’effet du cumul des mandats ; une position électorale enfin, stratégique, centrale, forte, décisive et que la succession d’échecs n’a pas entamé mais, au contraire si l’on en juge par la réaction de 2010, renforcé. 

Il existe donc un potentiel ! Encore faut-il le valoriser, le renforcer, l’élargir, voire même le dilater. 

La cible est claire. Elle est constituée par ses milliers de militants, ses centaines de milliers d’électeurs en provenance du reste de la Gauche et pour partie du centre, et aujourd’hui en déshérence. C’est à eux et non aux appareils, qu’il faut d’abord s’adresser. 

C’est d’eux que viendra la régénération du parti socialiste. La Gauche en arrive à une nouvelle étape de son histoire. D’abord républicaine, tout au long du dix-neuvième siècle, puis radicale et enfin socialiste, elle entre désormais dans une nouvelle ère, qui suppose, comme à chaque étape, le dépassement de son identité précédente. La nouveauté de la période qui s’ouvre tient peut-être au fait que jusqu’alors la mue s’était faite au bénéfice de son aile la plus à Gauche, à travers un processus de radicalisation qui s’est interrompu avec le communisme, marquant mieux encore l’originalité de la période qui s’annonce. Il ne s’agit plus de céder à la pente naturelle d’un sinistrisme accentué qui a marqué tout notre vingtième siècle, mais de réussir la synthèse d’un courant issu de l’économie industrielle, le socialisme, avec ceux issus de sa crise. L’écologie naturellement mais aussi les mouvements de société comme le féminisme ou ceux pour la diversité culturelle ou sexuelle ou la lutte des consommateurs... 

Il n’y aurait qu’avantage dans ces conditions à faire désigner notre leader en amont d’Assises de l’Altenative. 

5) Inventer un nouveau militantisme 

Sur ces bases, l’organisation à construire devra donc être avant et par-dessus tout attractive, c’est-à dire le contraire d’un appareil coopté malthusien. La formule des adhérents à 20 euros avait en quelque sorte ouvert la voie. 

Elle doit être renouvelée et même institutionnalisée. L’adhésion doit changer. Elle peut et doit prendre plusieurs formes comme la citoyenneté moderne qui en est le fondement. À motivation différente, réponse adaptée. 

Pourquoi faudrait-il être choqué que le militantisme traditionnel coexiste avec d’autres formes d’engagement qui se traduiraient par des contributions ponctuelles mais informées ? Pourquoi le premier ne devrait-il pas, à défaut d’être professionnalisé, ce qui en changerait la nature, être organisé et modernisé à l’instar de ce qu’ont fait nos amis du Parti Socialiste ouvrier espagnol par exemple ? Ceux-ci se sont dotés d’une force militante percutante, facilement mobilisable et utilisant des méthodes ouvertes de communication : porte à porte systématique, mailing ciblé connecté à des campagnes d’informations nationales permettant de garantir l’impact et la cohérence du message. 

Que la direction du PS ne dispose d’un fichier central de ses adhérents que depuis quelques mois et toujours pas d’un fichier centralisé des sympathisants, établi pourtant par ses sections et ses élus, apporte la preuve d’un amateurisme qui n’est plus guère acceptable aujourd’hui. Non pas qu’il s’agisse de confondre l’organisation d’un grand parti avec celle d’une entreprise, mais simplement au nom d’un principe simple, qui veut que si l’on croit à ses idées, l’on se donne les moyens de les faire triompher. Et que dans une société où la communication tient une si grande place, notre devoir est d’utiliser des techniques modernes à partir desquelles la diffusion de notre message peut être assurée. 

Une telle évolution devra ouvrir sur la création de sections thématiques, en plus des sections territoriales, pour permettre à celles et ceux qui le souhaitent, d’apporter leurs compétences, leur expérience et leur contribution à l’approfondissement de la réflexion collective. Une telle démarche supposera aussi une véritable formation de nos cadres dont un réseau devra pouvoir organiser, animer les réunions. Se dessinera alors un parti moderne, citoyen, bouillonnant à la base, offrant à ses membres une vraie capacité de mobilisation et d’expression. 

On l’aura compris : la solution que je préconise suppose une rupture. Rupture avec les habitudes certes d’un parti ankylosé par ses courants, divisé par ses chapelles, en contradiction avec l’objectif même qu’il s’assigne pourtant ouvertement ; rupture par conséquent avec une règle, la proportionnelle qui ne sert plus que de prétexte à des ambitions concurrentes. 

Ce nouveau militantisme ne serait pas complet s’il ne s’accompagnait d’un renouvellement que faciliterait l’instauration du mandat unique. Les élus qui se trouveront en situation de cumul à l’issue des prochaines élections politiques devront choisir entre leurs différents mandats au plus tard en 2014, lors du prochain renouvellement général. Cette rupture, nous devons l’assumer sans hésitation, elle concrétise le passage d’une époque à une autre. Doté d’un leader choisi par tous les électeurs de la Gauche, dans le cadre de Primaires organisées avant la fin de l’année, conforté par des Assises de l’Alternative qui concrétiseront le rassemblement opéré lors des Primaires, appuyé par une Direction élue par le Congrès au scrutin majoritaire, enrichi par des « sensibilités » uniquement orientées vers la préparation de conventions thématiques, bases de notre futur projet, cet autre parti socialiste sera prêt à assumer la relève politique et électorale que nous appelons tous de nos voeux pour 2012. D’une certaine façon, il est réconfortant de penser que ce changement dépend de nous autant que du candidat dont nous nous doterons : c’est le prix, et la vertu, de la démocratie ! 

 

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