Gaza, victime avant tout du Hamas ?

par Sylvain Rakotoarison
mardi 7 novembre 2023

« Jamais autant de Juifs n'ont été tués en une seule journée depuis la Shoah. » (Isaac Herzog, Président de l'État d'Israël, 11 octobre 2023).

Cela fait maintenant un mois que l'organisation terroriste du Hamas a perpétré l'horrible massacre en Israël, tuant plus de 1 400 personnes sur un territoire reconnu par les Nations Unies comme appartenant à Israël. En outre, il y a encore 241 otages qui sont détenus par le Hamas ou déjà tués, soit par le Hamas, soit en boucliers humains.

Ce 7 octobre 2023 est une date importante dans les relations internationales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il n'y en a pas beaucoup et elles ont symboliquement révolutionné les rapports de force. On peut en citer, de cette importance, au moins cinq : le 9 novembre 1989 qui correspond à la chute du mur de Berlin et ses conséquences, la chute de l'Union Soviétique ; le 11 septembre 2001 avec les attentats du World Trade Center et ses conséquences en Afghanistan et en Irak ; le 17 décembre 2010 avec l'immolation d'un jeune vendeur de fruits et légumes tunisien Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, qui a amorcé les Printemps arabes, la fuite de Ben Ali, Moubarak, le lynchage de Kadhafi et l'arrivée de Daech en Syrie et en Irak ; le 24 février 2022 avec l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe ; enfin, le 7 octobre 2023 avec le massacre des Juifs par le Hamas dont l'ampleur n'a jamais été aussi grande depuis la Shoah, comme l'a expliqué le 11 octobre 2023 le Président de l'État d'Israël Isaac Herzog.

Ces dates bouleversent les paradigmes antérieurs et s'il y a une chose qu'il convient de faire, c'est de ne plus raisonner comme auparavant. Cela ne dit pas comment analyser, mais les analyses antérieures sont assurément devenues caduques. La chute du mur de Berlin a ainsi clos la guerre froide, réunifié l'Europe continentale. La guerre en Ukraine a définitivement démasqué Vladimir Poutine sur ses intentions (avant, on pouvait toujours avoir des doutes). Enfin, le 7 octobre 2023 a montré que l'État d'Israël ne garantissait pas la sécurité des Juifs dans les conditions actuelles.

L'horreur voulue des terroristes du Hamas, au point de la filmer en direct et la diffuser auprès des proches des suppliciés, a atteint un point de non-retour. Ce qui se passe à Gaza depuis le 7 octobre 2023 est effectivement affreux ; le Hamas a indiqué que plus de 10 000 Palestiniens sont morts des bombardements et de la riposte de l'armée israélienne, dont des milliers d'enfants. C'est une seconde horreur, elle est absolument regrettable et même si on peut douter de la réalité des chiffres fournis par le Hamas, il ne fait pas de doute que la riposte israélienne a déjà fait des milliers de morts parmi la population civile.

Aussi condamnable soit cette réaction du gouvernement israélien, il faut réaliser que les victimes palestiniennes sont d'abord les victimes du Hamas et que c'est l'attaque du 7 octobre 2023 qui en est la seule cause. Sans celle-ci, le gouvernement israélien, qui avait déserté les lieux depuis plus d'une quinzaine d'années, serait indifférent au sort des Palestiniens de Gaza, comme auparavant. Il faut aussi remarquer que la riposte d'Israël, aussi meurtrière soit-elle, est actuellement approuvée par la grande majorité de la classe politique israélienne unie pour l'occasion de manière exceptionnelle alors que cela fait quatre élections législatives (sauf les dernières) que le peuple israélien, très divisé, n'avait amenée aucune majorité parlementaire à la Knesset (le parlement israélien).

Benyamin Netanyahou a répété le 30 octobre 2023 qu'il n'était pas question de cessez-le-feu tant que le Hamas n'était pas mis hors d'état de nuire et les otages n'étaient pas libérés : « Tout comme les États-Unis n'accepteraient pas un cessez-le-feu après Pearl Harbor ou le 11-Septembre, Israël n'acceptera pas une cessation des hostilités après l'horrible attaque du 7 octobre (…). Ceci est le temps de la guerre ! ».

On pourra toujours accuser les uns et les autres des événements antérieurs, mais on ne refait jamais l'histoire et il faut toujours regarder l'avenir. Si des torts ont eu lieu, les gouvernements israéliens, et pas seulement ceux de Benyamin Netanyahou, ont eu effectivement leur part, notamment par une politique de colonisation de la Cisjordanie particulièrement insensée et outrancière.

Mais l'Autorité palestinienne a elle aussi une responsabilité historique grave dans ce qui se passe. Le refus de Yasser Arafat des concession acceptées par Ehud Barak, Premier Ministre israélien, à l'occasion du Sommet de Taba en janvier 2001, a été totalement irresponsable alors que ce dernier avait concédé jusqu'à la capitale palestinienne à Jérusalem Est, une proposition qui n'a jamais été aussi audacieuse et qui ne se renouvellera probablement plus.


De plus, l'abandon du peuple palestinien est un fait qui n'est pas seulement provenant d'Israël : ni les pays arabes ne s'en sont préoccupé, ni la Russie, pas plus que les États-Unis. Benyamin Netanyahou a cru qu'avec les Accords d'Abraham et la normalisation de relations diplomatiques avec de nouveaux pays arabes, il pourrait s'épargner une solution politique au "problème" palestinien. Il a eu tort, mais certainement pas tout seul !

Certains, n'hésitant pas à employer la langue d'Orwell de "1984" (c'est-à-dire désigner par leur contraire les choses, cela pour rappeler que les républiques démocratiques et populaires du camp soviétique n'avaient rien de démocratique et rien de populaire), en désignant la Bande de Gaza comme un énorme camp de concentration, les laudateurs du Hamas en France et en Europe oublient un peu vite de se poser la question : pourquoi la Bande de Gaza, en plus de quinze ans, n'a-t-elle pas construit de centrales électriques ? Pourquoi n'est-elle pas capable d'avoir de l'eau potable ? Alors qu'elle bénéficie de nombreuses aides ? Parce que ces aides sont préemptées pour enrichir l'arsenal militaire du Hamas pour attaquer Israël ?

On peut observer aussi qu'à Paris comme à Washington, face à la Maison-Blanche, des manifestants ont défilé pour soutenir le peuple palestinien, au même titre que des manifestations avaient eu lieu à Tel-Aviv pour s'opposer à la réforme judiciaire de Benyamin Netanyahou. Je n'ai pas vu de manifestation de solidarité avec les victimes du 7 octobre 2023 à Gaza ou à Téhéran, et c'est là la grande différence entre une démocratie, toujours imparfaite, et des théocraties.

Depuis un mois, l'obsession totale du gouvernement israélien d'unité nationale est l'éradication du Hamas, cause d'insécurité permanente d'Israël (rappelons que des roquettes palestiniennes ciblaient régulièrement Israël depuis des dizaines d'années). Cette obsession, qui n'est pas seulement électorale mais aussi fondamentale, puisque c'est l'existence même de l'État d'Israël qui est remise en cause, évacue toutes les autres considérations et en particulier un certain nombre de valeurs humanistes dont l'Europe et les États-Unis notamment se veulent être les porteurs.

En particulier, le Président américain Joe Biden a "sermonné" Benyamin Netanyahou en lui disant qu'il ne faut pas qu'Israël commette la même faute que les États-Unis après le 11 septembre 2001 en faisant la guerre en Irak. Cette position n'a pas été assez rappelée, mais il faut la souligner, elle est la première parole officielle américaine de la faute de l'invasion de l'Irak et la diplomatie française peut être fière d'avoir toujours voulu s'opposer aux États-Unis à cet égard.

Les Américains ont même eu l'audace de donner des conseils techniques à l'armée israélienne pour réduire le nombre de victimes civiles. Car au-delà de l'horreur que vit aujourd'hui la population de Gaza, c'est aussi la popularité du Hamas dans le monde arabe qui est en jeu. Israël considère que l'existence du Hamas l'empêche d'exister puisque ces terroristes veulent l'élimination d'Israël. Mais c'est une organisation parmi les plus prospères, grâce à des fonds probablement iraniens.

L'armée israélienne devra bien un jour arrêter sa riposte. C'est la guerre et comme toute guerre, il y a des horreurs, les morts se comptent par milliers. Il n'y a pas de guerre sans victimes. Pour autant, un seul mort parmi la population civile reste scandaleux et digne d'indignation (et en outre, cela constitue un crime de guerre lorsque c'est délibéré). Paradoxalement, et c'est là le nœud du problème, ce gouvernement israélien ou le suivant devra bien arriver à une étape de négociation pour enfin bâtir une paix durable. Le processus sera difficile, long, mais les massacres du 7 octobre 2023 ont montré que l'État d'Israël ne pourrait pas être en sécurité sans trouver une réponse à la question palestinienne.

Cette paix durable passera nécessairement par deux États, selon les résolutions de l'ONU. Elle passera aussi par des négociations entre l'État d'Israël et des représentants du peuple palestinien, ce qui suppose, paradoxalement, des délégués du Hamas. Rappelons qu'avant les Accords d'Oslo, l'OLP d'Arafat était considérée comme une organisation terroriste. La paix est toujours une construction fragile et courageuse, mais elle promet la prospérité et les innovations technologiques...


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Sylvain Rakotoarison (06 novembre 2023)
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