Après la Sorbonne, l’astrologie entre au CNRS ?

par bright nantes
jeudi 10 novembre 2005

1666 COLBERT bannit l’astrologie de l’Académie royale des sciences

2001 Elizabeth TEISSIER (Germaine HANSELMANN) « constate et défend brillamment » la pérennité de l’astrologie es qualité de science devant la Sorbonne aux moyens d’une « thèse de sociologie » controversée.

2005 Son directeur de thèse, le Professeur Michel MAFFESOLI, est nommé par le gouvernement au conseil d’administration du Comité national de la recherche scientifique

Le 24 février 2004, répondant aux dizaines de milliers de chercheurs qui, avec leurs syndicats et le collectif « Sauvons la recherche », se mobilisaient «  contre une destruction programmée de l’appareil de recherche français », Patrick Devedjian gratifiait la communauté scientifique d’une réponse tonitruante : « Chez nous, les intellectuels ont l’habitude de signer des pétitions, aux États-Unis, ils ont des prix Nobel. ».

Avec une telle détermination et de telles ambitions affichées, c’est donc un message fort qui pouvait être légitimement attendu de l’actuel gouvernement des amis de Patrick Devedjian avec les choix de personnalités nommées dans le cadre du renouvellement du conseil d’administration du centre national de la recherche scientifique (CNRS).

C’est donc avec un étonnement d’autant plus grand que les citoyens et les citoyennes de notre pays, et parmi eux la communauté scientifique, ont pu découvrir dans la liste des personnalités nommées par le décret du 5 octobre 2005* le Professeur Michel MAFFESOLI, sociologue de la «  postmodernité », choisi « en raison de [sa] compétence scientifique et technologique ».

Il ne nous appartient pas d’émettre une interrogation, ni a fortiori un jugement sur les compétences montrées par le Professeur Michel MAFFESOLI es qualité de sociologue. Mais nous sommes fondés à nous interroger, comme chaque citoyen et chaque citoyenne de notre pays, tout comme la communauté scientifique nationale et internationale, sur l’interprétation qu’il convient de donner au choix gouvernemental de nommer comme administrateur du CNRS celui dont une célébrité fort peu scientifique s’est construite es qualité de directeur de thèse de la « thèse de sociologie » présentée en 2001 par Madame Elizabeth TEISSIER (Germaine HANSELMANN selon l’état civil) sous le titre « La situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination/rejet dans les sociétés postmodernes ».

Ce qui avait fait légitimement scandale à l’époque, ce n’était pas, bien sûr, que l’astrologue de Télé 7 Jours soutienne une thèse à l’Université, mais que ce qui a été présenté comme un travail de sociologie par le Professeur Michel MAFFESOLI se révèle, à la lecture, n’être qu’un « plaidoyer vibrant pour l’astrologie ». En effet, bien loin des sciences sociales, la « thèse de sociologie » met en avant les « preuves irréfutables en faveur de l’influence planétaire  » et, comme l’indique la présentation de sa publication pour le grand public (L’homme d’aujourd’hui et les astres, Éditions Plon, 2001) « constate, puis démontre brillamment » la pérennité de l’astrologie es qualité de science ...

Cette « non-thèse de sociologie » était alors analysée en détails par un collectif pluridisciplinaire** alors que de leur côté les chercheurs en sciences sociales et l’association des sociologues enseignants du supérieur, dénonçant l’imposture et le dévoiement de leur discipline, soulignaient que « la soutenance de thèse de Mme Teissier, ses dérives médiatiques et surtout l’usage qu’elle en fait, en remettant en cause les principes scientifiques, le sérieux et l’utilité sociale de notre discipline, portent un préjudice grave à l’université, à la sociologie française et à l’ensemble de notre profession ».

Cependant, comme le soulignait à l’époque le Professeur Bernard LAHIRE (sociologue, École normale supérieure), «  Que les choses soient claires : Elizabeth TEISSIER ne peut être tenue pour responsable de ce qui s’est passé à la Sorbonne, et elle n’aurait pas même eu l’idée de frapper à la porte de notre discipline pour trouver un lieu de légitimation de ses propres intérêts d’astrologue si celle-ci n’était pas le refuge d’enseignants-chercheurs dépourvus de rigueur et parfois très explicitement antirationalistes. ». Et c’est ce qui donne tout le relief à cette nomination gouvernementale : est-ce donc cette « compétence »-là que le ministre a voulu récompenser en nommant le directeur de thèse de la conseillère astrale du Président MITTERAND au conseil d’administration du CNRS ?

Comme le disaient le collectif « Sauvons la Recherche » et les syndicats des personnels de la recherche scientifique en 2004, « il n’y a pas de recherche digne de ce nom sans des organismes de recherche et des universités puissantes, capables de réagir à la conjoncture scientifique internationale  ». Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), service public essentiel de la recherche dans notre pays, tient une place centrale dans ce dispositif. La nomination au conseil d’administration du CNRS, par le gouvernement, de celui par qui, sous couvert de « postmodernité  », l’astrologie a repris pied à la Sorbonne, alors que Colbert l’en avait sortie en 1666... ne peut qu’affaiblir cette institution essentielle pour la renommée et la qualité de la recherche dans notre pays.

L’Association française pour l’information scientifique (AFIS) fait sienne la protestation des chercheurs et enseignants en sciences sociales, soucieux de la crédibilité scientifique de leur discipline, et, avec eux, nous affirmons que « ce qui peut passer pour une provocation contre l’ensemble de la communauté scientifique peut être encore rectifié. C’est pourquoi nous demandons au Ministre d’abroger le décret renouvelant la composition du Conseil d’administration du CNRS et de proposer une autre composition qui soit à la fois respectueuse de l’exigence de parité et de la nécessité de la crédibilité scientifique du Conseil d’administration ». ***

le conseil d’administration de l’Association française pour l’information scientifique,

le 7 novembre 2005,

par son vice-président, Michel NAUD


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