Bush et les bons sentiments

par Chem ASSAYAG
mercredi 7 septembre 2005

En politique les bons sentiments ne suffisent pas à résoudre les crises.

Lorsqu’on regarde les dernières déclarations de George Bush au sujet de la tragédie à La Nouvelle-Orléans on ne peut qu’être frappé par le retour incessant du même mot : « compassion » (« sentiment qui incline à partager les maux et les souffrances d’autrui » selon le Trésor de la Langue Française Informatisé), avec par exemple cette phrase étrange prononcée dans un abri recevant des réfugiés, mentionnant les « armées de la compassion » : « ...for rallying the armies of compassion to help somebody like the Mayor ». Déjà lors de son premier mandat Bush avait mis en avant sa vision d’une société de compassion et se définissait comme un «  compassionate conservative » qu’on pourrait traduire par « conservateur compatissant ».

Dans cette vision quasi-religieuse de la société, ce qui est important c’est d’éprouver de la sympathie pour les malheurs d’autrui, de partager leur peine. Mais bien que noble, la compassion reste un sentiment, elle n’est pas un gage d’action, elle reste une vision éthérée du monde. Les centaines de milliers de réfugiés, les centaines ou les milliers de familles qui ont et auront des victimes, n’ont que faire de compassion, ils auraient préféré un peu d’action : le renforcement des digues, un vrai plan d’évacuation avant le cyclone, des secours efficaces et immédiats, non pas des « armées de compassion » mais des armées tout court. La compassion arrive malheureusement une fois que le mal est fait, que les dégâts sont présents, que les peines sont installées. La compassion est la posture de ceux qui n’ont rien fait avant. Placer la compassion au centre revient à ériger la morale en politique, à adopter un prisme où ses propres fautes peuvent être pardonnées puisqu’on est compatissant.

Et puis après la compassion viendra la charité : il faudra aider ceux qui sont dans le besoin, non seulement leur proposer notre épaule pour pleurer, mais leur donner vivres et couvertures, vêtements et abris. Mais là encore on opère un déplacement subtil : la charité est bien l’affaire de tous, de vous de moi, elle n’est pas seulement l’apanage des Pouvoirs Publics, d’un Etat fédéral, en devenant le projet commun elle permet de diluer une fois encore les responsabilités.

Les mots ont toujours un sens et ce que nous propose George Bush c’est bien une société atomisée, sans projet collectif où le seul horizon est finalement l’individu et sa conscience : aux investissements (je construis des digues, j’œuvre contre la pauvreté...) portés par une communauté, se substitueront les bonnes volontés individuelles ; mais ces dernières peuvent rarement porter des projets d’envergure tels que ceux que supposent des défis comme la gestion de l’environnement ou l’éradication de la pauvreté. La compassion est utile mais elle ne permettra pas de lutter contre les cyclones ou de combattre la fracture raciale aux Etats-Unis.

La compassion ne prend pleinement son sens que lorsque nous avons tout fait auparavant pour ne pas avoir à l’éprouver.

PS En attendant, une fois que le mal est fait, il faut aider dans la mesure de nos moyens.


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