La colère qui gronde

par Didier Vincent
samedi 1er octobre 2005

De HP France à la SNCM pour les plus récentes, on assiste bien à une radicalisation et à une montée en violence des actions liées aux revendications sociales. Sur fond de profond malaise persistant, d’insécurité au sens strict du terme à la déstabilisation sociale, la lente montée de la violence se fait sentir à tous les niveaux. Il ne s’agit pas ici de porter un jugement sur ces faits, mais de regarder ce que cette situation recouvre dans notre société.

Sauf à accepter que la violence soit le moyen le plus naturel pour exprimer ses revendications, il nous faut regarder l’état actuel de nos relations sociales.

L’individualisme d’une part, la non-représentativité des organismes syndicaux d’autre part, ainsi que l’approche systématiquement financière de l’économie, ont créé les plus mauvaises conditions qui puissent exister pour des relations sociales « raisonnables ». Mais, hélas, cela n’est pas le pire.


Il se trouve que je suis administrateur d’une petite association d’insertion sociale de personnes en difficultés dites « passagères » (chômage, divorce, sans papiers, mères célibataires, etc.) par l’art (peinture, sculpture, photo, écriture, etc.). Cette association existe depuis peu (2001) mais ce laps de temps nous laisse suffisamment de recul pour regarder l’évolution des choses. Chaque personne faisant appel à cette association est suivie, aussi bien par les animateurs d’ateliers que par un cadre de l’association ,pour évaluer avec elle sa situation, ses perspectives et ses attentes. Que constatons-nous ? Partant de personnes en réelles difficultés financières et psychologiques, nous assistons à une progression considérable de gens « désocialisés », c’est-à-dire rejetés purement et simplement. D’une violence issue des conditions matérielles, avec leur impact psychologique, nous sommes passés à une violence pure, qui fait que ces personnes, d’une part, n’ont pas la possibilité de se « resocialiser », et, d’autre part, refusent cette socialisation ; elles répondent à cette violence par une violence du désespoir, avec le comportement que cela induit : rien à gagner, mais rien à perdre. Il est triste - le mot est faible - de constater que nous ne pouvons pas grand-chose pour elles.

Il serait dangereux de penser que cette situation concerne un nombre limité de gens. L’exclusion stricto sensu est à l’œuvre. Je ne sais si, consciemment ou pas, ceux qui se battent chez HP ou la SNCM le sentent, et si cela influe sur leur mode d’action. Mais il y a là un problème considérable, dont, hélas, on parle bien peu.


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