La France, le pays de la ’réforme en douce’

par Sébastien
mardi 6 septembre 2005

On a pris l’habitude en France de faire les réformes au mois d’août. La presse paresse et l’opposition se repose. Le contexte idéal !

Rappelez-vous Balladur et sa réforme des retraites du secteur privé. Ou, cette année, Villepin et le contrat nouvelle embauche.

Mais il existe une autre manière, malicieuse, de réformer sans le dire : c’est celle qui consiste à noyer, sous un flot de slogans pleins de bon sens, des petites dispositions, qui, si l’on n’y prend garde, peuvent entraîner une modification sensible des comportements. A la manière des petits ruisseaux innocents, auxquels on ne prête guère attention, mais qui, pourtant, à force d’entraîner ce qu’ils trouvent sur leur passage, finissent par modifier les océans, leur couleur comme leur contenu.

Je pense, en particulier, à la Loi organique sur les Lois de Finances (LOLF). Adoptée en 2001, cette loi fixe le nouveau dispositif relatif aux lois de finances, qui s’appliquera dès 2006.

Les slogans sont simples : il s’agit de privilégier une culture de résultats plutôt qu’une culture de moyens, en mettant en place des indicateurs d’activité et en donnant davantage d’autonomie aux responsables chargés de la dépense publique.

Très bien. Fermez le ban ! Personne n’ira voir plus loin. Surtout pas la presse qui n’y comprend rien, à part quelques journalistes spécialisés, mais de toute façon on ne vendra jamais rien avec ça !

Mais au cœur de ce dispositif se cache une réforme de taille, dont je m’étonne qu’elle ne soit pas davantage relayée. C’est vrai qu’elle porte un nom barbare : la fongibilité asymétrique !

La fongibilité, c’est l’idée qu’un responsable, chargé d’un budget, pourra gérer ses crédits à sa manière, en choisissant de privilégier tel poste plutôt que tel autre.

Mais elle est asymétrique ! Cela signifie que le responsable budgétaire pourra utiliser les crédits, initialement dédiés aux dépenses de personnel, à d’autres postes de dépenses. En revanche, l’inverse n’est pas vrai : aucune dépense sur un poste particulier ne pourra alimenter les crédits de personnel, qui, par conséquent, sont les seuls crédits limités. Il y a asymétrie !

Mesurette au mot barbare pour le plus grand nombre, cette disposition est, en réalité, révolutionnaire. Elle conduit, de facto, à une impossibilité de recrutement en cours d’année, puisque les crédits prévus pour le personnel ne pourront être dépassés.

Mieux, les dépenses de personnel seront réduites car, comment un responsable budgétaire à qui l’on dit qu’il peut tout faire, s’interdirait de toucher à ce poste ? Il serait aussitôt taxé d’inaction !

Bref, dans cette vaste réforme, dont les buts déclarés sont pleins de bon sens, se cachent des pépites qui modifieront en profondeur la gestion de la dépense publique et, par conséquent, initieront vraiment une réforme de l’Etat.

La France, le pays où l’on réforme en douce !


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