Lettre ouverte à un voleur de sac à main

par Pale Rider
jeudi 23 mars 2023

Le 18 mars 2023, à 18h 45, tu as repéré deux femmes aux cheveux blancs qui marchaient tranquillement dans une allée du Bois de Vincennes. La nuit était tombée depuis peu. Tu t’es approché par-derrière…

…et tu as arraché le sac à main d’une de ces dames. Elle s’est cramponnée à ce sac parce que dedans il y avait tous ses papiers, dont certains, y compris son vieux permis de conduire, avaient une valeur sentimentale en plus de leur valeur administrative, sans compter des notes et des photos perso.

 Il n’y avait presque pas d’argent liquide. Tu n’as pas pu t’acheter beaucoup de came avec ça. À 200 kilomètres de distance, aussitôt averti par elle-même (car heureusement, elle avait gardé son portable sur elle ; pour tu n’aies pas de regrets, sache qu’il n’avait aucune valeur), j’ai fait pour elle les démarches bancaires afin d’éviter que tu ailles te servir avec ses moyens de paiement.

 Si tu as eu la curiosité de regarder dans ses documents, et sous réserve que tu saches lire, tu auras eu la surprise de découvrir qu’elle est tout juste retraitée de l’Administration pénitentiaire. La vocation de toute sa vie, c’était d’éviter à des minables comme toi d’aller en prison ou d’y retourner.

 Plus encore, elle était venue à Babylone s/Seine pour faire une formation liée à son action bénévole… d’aumônière de prison. Ça consiste à faire savoir aux détenu(e)s qu’ils peuvent changer de vie en écoutant la Parole de Dieu.

 Elle avait très mal au bras. Il se trouve que les pompiers étaient à proximité ; ils l’ont immédiatement prise en charge, avec un dévouement qui allait au-delà de leur fonction. Et ils ont découvert… que tu lui avais cassé le bras, au ras de l’épaule. Tu es donc un lâche doublé d’une brute. Ton espèce n’est pas nouvelle ; je ne suis pas à dire « tout fout l’camp » (ça ferait tellement plaisir à MLP). La dame que tu as offensée ne dit pas « pourquoi moi ? » ; elle a dit : « Pourquoi pas moi ? » Depuis cette agression, d’autres femmes ont été violentées. Tu n’es pas un héros (ou alors, en faisant la liaison).

 Cette personne généreuse et courageuse, c’est mon épouse. Mon épouse que tu as cassée. Mon épouse qui souffre beaucoup par ta faute. Elle va subir une opération assez délicate. Peut-être aura-t-elle des douleurs à l’épaule jusqu’à la fin de ses jours. Pendant plus d’un mois, elle ne pourra quasiment rien faire : ni planter ses tomates, ni cuisiner avec talent, ni écrire, ni conduire sa voiture, ni… plein de choses. Moi, je serai son chevalier servant, et ça c’est un plaisir et un privilège. Mais je souffrirai de la voir souffrir. Comme je partage ses convictions, j’essayerai de te pardonner, quand je serai calmé. Car là, tu vois, je suis un peu énervé, et très chagriné.

J’espère qu’il t’arrivera la même chose qu’à un rappeur et écrivain, Abd al-Malik. Un jour, comme toi, il a tiré le sac à main d’une vieille dame ; il l’a fait tomber. Il a tellement eu peur de l’avoir tuée que le lendemain il a épluché tous les journaux pour savoir ce qu’elle était devenue – il ne l’a jamais su. Ce jour-là, il a arrêté d’être con.

 Je vais donc charitablement te souhaiter la même intelligence et la même prise de conscience. Personne ne t’a vu, on ne sait même pas la tête que tu as. Mais là-haut, Quelqu’un te connaît, il a la liste de tous tes méfaits passés, présents et (je n’espère pas) à venir. Et si tu passes quelque temps sous les radars de la justice des hommes, Lui te jugera. Ou bien il te fera grâce. Et là, c’est à toi de choisir.

 Tu as cassé ma femme, une bonne personne pleine de bienveillance envers des mecs comme toi. Elle souffre. Et ça me serre le cœur. Parce que je l’aime.

 Au minimum, ce sera avec une semaine de retard qu’elle retrouvera notre maison (même nos chats sont tristounets : ils se doutent qu’il y a quelque chose de bizarre). Avec les mouvements sociaux, je ne suis même pas sûr de la date où elle reviendra. Macron nous insulte et toi tu nous agresses : vous êtes vraiment gonflants. Du plus grand jusqu’au plus petit, la France n’est pas reluisante. Fort heureusement, entre vous deux, il y a une masse de gens – pompiers, soignants, amis – qui nous entourent de leur dévouement ou de leur affection. Quand le mal se déchaîne, le bien se multiplie. Ça, je te souhaite de le découvrir. La drogue, le fric facile (de Rothschild ou de tes vols), les magouilles, ça ne rend pas heureux. Moi, je vais finir avec une retraite minable, mais je préfère l’amour au pognon. Je sais, tu vas dire que c’est cucul. Mais crois-moi, ma vie est plus enviable que la tienne. Tu as encore le temps d’en changer.


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