Le dépassement du darwinisme est un enjeu scientifique pour le XXIe siècle

par Bernard Dugué
vendredi 7 mai 2021

Extrait d'un essai destiné à rencontrer un éditeur

Ici j'espère rencontrer des lecteurs, s'il en existe encore

 

CHAPITRE

 

PHILOSOPHIE ET SCIENCES DU VIVANT

 

Le dépassement du darwinisme est un enjeu scientifique pour le XXIe siècle. Les quelques découvertes récentes, notamment sur les virus, permettent d’envisager que ce dépassement puisse se produire pendant les deux décennies en cours, avec l’appui des sciences physiques et de la réflexion philosophique.

 

 

Qu’est-ce que la vie ?

 

La vie n’a cessé d’interroger les savants depuis des millénaires. Malgré les colossales découvertes scientifiques modernes, la vie reste un mystère. Les savants modernes ont livré quelques conceptions du vivant faisant consensus, avec des variantes propre à l’imaginaire de chaque scientifique ayant pratiqué le grand jeu épistémologique du « Qu’est-ce que la vie ? » L’autre grand jeu épistémologique concerne deux volets inclus dans le « D’où vient la vie ? » ; autrement dit, comment expliquer l’origine de la vie et comment expliquer l’émergence des espèces. Si personne n’a été en mesure de comprendre les origines, en revanche, quelques principes expliquant la spéciation et l’évolution du vivant ont été formulés depuis la parution du livre de Darwin en 1859. Ces investigations ont mobilisé les plus grands savants depuis un siècle. Il est impossible d’être exhaustif. Des livres marquant furent publiés dans les deux champs, sciences du vivant et évolutionnisme. Quelques figures ont été mises en avant depuis 1970 ; Monod, Jacob, de Duve, Gould, Kimura, Denton, Dawkins… L’évolution et la vie se dessinent à travers un spectre d’idées proposées ; une épistémologie à la carte en quelque sorte. Une chose est certaine, les méthodes d’analyse du vivant ont révolutionné la discipline depuis plus d’un siècle et même si la thèse darwinienne est devenue la référence, les détails du vivant ont considérablement enrichi la compréhension des mécanismes biologiques dans les moindres détails. La vie est décrite avec des concepts génériques ; complexité, rétroaction, autopoïèse, auto-organisation, plasticité, émergence, gène égoïste ; sans que les principes fondamentaux du vivant n’aient été dévoilés. L’évolution reste tributaire du doublet recombinaison génétique et sélection naturelle.

 

Si nous regardons ces théories avec un œil épistémologique averti, nous constatons l’intérêt herméneutique de ces concepts et notions permettant d’accéder à la compréhension du vivant ; mais nous comprenons que l’explication ultime n’arrive pas. Le mathématicien René Thom est connu pour sa théorie des catastrophes et ses écrits épistémologiques remarquables dont on retient ici un énoncé canonique ; prédire n’est pas expliquer ; que l’on pourra décliner dans une autre formulation ; décrire n’est pas expliquer. Thom aurait sans doute fait remarquer que les concepts employés par les sciences du vivant conduisent vers une connaissance naïve et qu’il est nécessaire de dégager une intelligibilité plus fondamentale pour accéder aux racines et explications du vivant. Mais pour expliquer, il faut affiner les descriptions, notamment en accédant aux détails infimes de la matière, qu’elle soit inerte ou vivante. Les physiciens ont tracé la voie. Par exemple, la compréhension de la chaleur fut des plus confuses. Le phlogistique fut inventé comme une substance incorporée dans les matériaux combustibles et se libérant lors de la combustion. Il fut remplacé par le calorique qui lui, décrit non pas la combustion mais la diffusion de la chaleur du froid vers le chaud. Il faudra attendre les développements de la chimie après Lavoisier et la thermodynamique statistique de Boltzmann pour concevoir la chaleur sur des bases microscopiques, avec des atomes en nombre colossal échangeant de l’énergie mécanique lors de chocs aléatoires. Ce qui explique la diffusion, alors que la production est expliquée sur la base d’une réaction chimique dont le bilan est exothermique. Lorsque deux substances réagissent, l’équation est ; A + B → C + D + excédent thermique. La physique a trouvé des outils théoriques efficaces, énergie, champ, lagrangien, etc. ; permettant surtout de prédire les phénomènes. La biologie accède aux prédictions dans les expériences de laboratoire mais face au Phénomène du vivant, elle reste dans un état de docte ignorance.

 

La science moderne a cru lever l’ignorance sur les choses naturelles en analysant les détails infimes du réel mais elle n’a pas fait déplacer l’ignorance sur un autre plan. L’accumulation des savoirs n’a fait que déplacer le champ des questions. De nouvelles interrogations se sont dessinées. Les anciennes réponses sont devenues caduques, qu’il s’agisse du créationnisme ou des vitalismes. La matière recèle un potentiel de transformation mais nous ignorons les règles les plus fondamentales gouvernant ces transformations. Le génome se recombine, les protéines se modifient. Cette description au niveau microscopique est combinée avec les descriptions macroscopiques du vivant. Qui sont de deux ordres, le premier étant de durée à la mesure de l’homme, c’est le phénomène de morphogenèse (ontogenèse) ; l’autre incommensurable avec la vie humaine, étalé sur plus de deux milliards d’années, c’est le phénomène des émergences du vivant et de la génération des espèces.

 

 La sélection naturelle n’explique rien, elle ne fait que décrire l’histoire des espèces sur une longue durée, avec des périodes de grande instabilité et d’autres faites d’adaptations progressives, voire d’extinction. Une faute de la biologie, ce serait d’avoir interprété la vie en partant de l’évolution alors qu’il aurait fallu comprendre l’évolution en partant de la vie. Le défi majeur de la biologie, c’est de comprendre comment on passe d’une description microscopique à une observation macroscopique. Par exemple le phénomène de la conscience du langage généré par des milliards de neurones qui ne sont que des cellules échangeant des signaux électriques. La difficulté à définir la vie, c’est qu’elle apparaît sous de multiples aspects et s’étudie sur plusieurs échelles. La vie des organismes supérieurs inclut trois phénomènes, l’ontogenèse qui produit un être complet, différentié, à partir d’une cellule fécondée, le fonctionnement de cet organisme, interne et en relation avec le milieu, autrement dit, l’existence vivante, l’évolution des espèces, autrement dit, comment les existences ont changé avec cette fois, une échelle de temps colossale. L’étude des organismes supérieur se fait sur au moins trois niveaux, macroscopique, cellulaire, moléculaire. L’étude des organismes unicellulaire se fait sur deux niveaux, et concerne également la question de l’évolution mais cette fois, les transformations s’étudient en laboratoire. Les fossiles sont rares et seul, le génome peut servir à remonter le temps non sans problèmes.

 

La vie est face à des phénomènes et des objets. Elle s’étudie sur six niveaux avec des techniques spécifiques ; 1) Molécules ; 2) macromolécules, 3) organites, 4) cellules, 5) tissus et organes, 6) organismes. Définir la vie n’a aucun sens. Ce qu’il faut définir, ce sont les phénomènes observés dans l’étude du vivant et aussi les comprendre. Les virus sont situés sur le niveau 3, comme le sont les ribosomes.

 

 

La multiplicité des concepts et théories expliquant le vivant

 

Les approches du vivant se sont succédées depuis Aristote et se juxtaposent actuellement. La notion de vie a évolué au fil des avancées scientifiques avec une accélération après le XIXe siècle. Dans un ouvrage consacré à la plasticité du vivant, Dominique Lambert et René Rezsöhazy ont classé sommairement les « conceptions de la vie » en six catégories d’approches conventionnelles. Qui sont, en résumant, les réductionnismes physico-chimiques, les théories de la forme et de l’organisation, l’animisme ancien (Aristote), le vitalisme moderne, l’évolutionnisme intentionnel ou guidé (Bergson, Teilhard de Chardin) et enfin, l’agnosticisme méthodique pour lequel la vie restera une énigme. Je vais tenter à mon tour de résumer quelques temps forts ayant marqué l’histoire du concept de vie.

 

i) Aristote est l’inventeur de la doctrine hylémorphique énonçant que la nature est faite de deux substances, la forme et la matière. La vie est alors opposée à la matière inerte et conçue à partir d’un principe vital, l’entéléchie, qui désigne une énergie agissante et efficace dont l’essence est une forme. L’entéléchie signifie se tenir dans ses propres cadres, autrement dit maintenir sa forme et son fonctionnement en cherchant la perfection. La doctrine aristotélicienne de l’âme couvre le monde des plantes, des animaux et l’homme, y compris dans ses facultés supérieures causées par l’Intellect

 

ii) Avec Descartes la philosophie du vivant prend un tournant inédit,

(.......................................................)

 

viii) La prochaine étape dans la compréhension du vivant devra inclure et dépasser les visions, conceptions, théories et philosophies consacrées à l’explication des multiples phénomènes observés en étudiant la Vie. J’envisage cette étape comme un dépassement du darwinisme. Avec quelques pistes. D’abord repenser le concept de vie en mettant en position centrale la Fonction. Ensuite en configurant les organismes vivants en relation avec le milieu. Puis en utilisant le doublet source et champ hérité de la physique contemporaine. Enfin, la dernière étape consistera à utiliser la physique quantique pour aller au fondement métaphysique de la Matière et proposer des hypothèses sur les origines de la vie.

 


Lire l'article complet, et les commentaires