Omicron BA.1 et BA.2 ; la nouvelle donne épidémique et l’avenir éclairci

par Bernard Dugué
mardi 25 janvier 2022

 

 1) Infectiologie. Comme je m’en étais expliqué il y a un mois, la souche Omicron, issue du coronavirus de Wuhan, est à l’origine d’une nouvelle pandémie. Parler de cinquième vague est inapproprié. Omicron cause une sixième vague (superposée chez nous à la vague delta qui s’éteint) si on admet que la maladie en question est le Covid-19, ou alors une première vague si l’on reconnaît que les symptômes différencient l’Omicrovid du Covid apparu en 2019. Omicron produit une infection quatre jours après la contagion. Les patients ont des maux de tête, une fièvre absente à modérée, une toux, des courbatures et une fatigue modérée ou intense. Les symptômes nasopharyngés s’estompent en quelques jours mais la fatigue peut persister une semaine ou plus. La pathologie causée par Omicron est apparentée à un rhume plus ou moins carabiné avec syndrome grippal et comme c’est la règle pour ce type d’infection, les patients ne sont pas affectés avec la même intensité. Des cas graves sont observés chez les personnes à risque, souvent non vaccinées. C’est ce que l’on note chaque année pour la grippe. Malgré le nombre considérable de contaminations, les hospitalisations n’explosent pas et la courbe montre un infléchissement à Noël lié à la décrue des infections Delta puis une accélération causée par l’infection Omicron. Actuellement 27 000 hospitalisations avec Covid, dont un cinquième ne sont pas motivées par cette pathologie, les patients arrivant aux urgences étant tout simplement testés positifs. Omicron envoie très peu de patients en réanimation rapportées aux contaminations. On ne connaît pas encore l’impact de la vaccination mais on notera que les records de contaminations observés au Danemark, Portugal et France concernent des pays en tête pour la prévalence de vaccination en deux ou trois doses. Un autre variant, le BA.2, cousin du Omicron, vient d’être observé et circule depuis peu au Danemark et en Asie. 

 

 2) Virologie. Le SARS-CoV-2 n’a cessé de muter. Certaines mutations sont remarquablement conservées et sont répertoriées pour tracer un arbre phylogénétique avec des lignées. Omicron est classé dans la lignée B.1.1.529. Une classification plus générale est utilisée pour tracer l’arbre phylogénétique en spécifiant des clades. Le principe est simple, consistant à associer l’année où l’embranchement est suspecté et l’ordre d’apparition. Les deux premières vagues ont été causées par les types 20A, 20B… 20E ; par la suite, la notion de variant a été employée, en utilisant l’alphabet grec. Les variants alpha et delta se sont succédé et ont été majoritaires pendant l’année 2021. La souche Omicron est devenue majoritaire en janvier 2022. Avec deux variants désignés 20K et 20L. Le premier désigné aussi comme BA.1 cause la vague qui déferle actuellement et le second commence à se propager ; il est désigné comme BA.2, terme communément usité par la presse.

 Le nouveau Omicron BA.2 n’est pas un variant du Omicron BA.1 qui circule actuellement en France et ailleurs. Les deux variants sont issus d’un clade ancestral à partir duquel ils ont divergé, répertorié comme 21M. En les comparant avec la première séquence sur SARS-CoV-2 obtenue à Wuhan, les variants BA.1 (21K) et BA.2 (21L) partagent 38 substitutions d’acides aminés. Le variant 21L possède 27 modifications en plus et le 21K en possède 20. Le 21L récemment observé est donc encore plus modifié que le 21K devenu majoritaire dans le monde. En considérant la protéine Spike, on note 21 mutations communes et au total, il faut en ajouter 12 pour le 21K et 6 pour le 21L. La situation est inversée et c’est le 21K qui a le plus de modifications sur cette protéine clé dans l’infection virale. Quelques mutations expliquent l’efficacité des virions à infecter les cellules. La combinaison Q498R et N501Y a montré une affinité accrue pour le récepteur ACE2 lors d’observations in vitro. Deux substitutions ont une importance particulière et expliquent aussi l’efficacité du virus ; elles affectent le code furine qui permet la fusion du virion et l’entrée dans la cellule ; N679K et P681H. Par ailleurs, la substitution E484K serait impliquée dans l’échappement immunitaire partiel de la souche Omicron. Enfin, on note une altération au niveau de la protéine accessoire ORF9a, avec une substitution et trois délétions. Cette protéine interfère avec la réponse immunitaire innée et intervient dans le mécanisme de reproduction du virus. On notera également une substitution sur ORF6 spécifique au BA.2 ; cette protéine accessoire est connue pour interférer avec la réponse interféron mais rien d’indique à ce stade que cette altération offre un avantage particulier à ce variant.

 

 3) Epidémiologie. Les données fournies par la banque de séquence Gisaid montrent que le clade Omicron est devenu majoritaire courant janvier sur tous les continents. En revanche, le sous-clade BA.2 ne flambe pas en Europe, du moins pas pour l’instant et d’ailleurs, il faut prendre les données avec prudences car seul un séquençage complet permet de distinguer les deux types du Omicron dont le second est passé de 3% à 5% pendant la première quinzaine de janvier. Le Danemark fait exception avec une superposition de deux épidémies qui se traduit par une pente en légère augmentation. Le BA.2 n’est pas majoritaire si l’on en croit la banque Neherlab qui donne le BA.2 à 28 % contre 68 % pour le BA.1 au 22 janvier. C’est la Suède qu’il faut suivre, avec 43 % de BA.2 contre 57% de BA.1 (Neherlab) et pour la première fois, un fléchissement du BA.1 ce qui ne signifie pas que le second clade soit beaucoup plus contagieux. En revanche, en Italie, c’est 100% de BA.1. ; et ce phénomène se dessine à l’échelle européenne. Le variant Delta a pratiquement disparu, ce qui au fond une bonne nouvelle. Et c’est ce qui explique la baisse des entrées en soins critiques alors que les hospitalisations montent à un niveau élevé et l’on ferait bien de s’interroger sur ce chiffre car il n’est pas exclu que nombre de patients soient inquiets après avoir été testés et paniquent plus que de raison lorsque l’infection avance. La plupart des patients hospitalisés ne restent qu’un ou deux jours en surveillance. Il reste le cas des enfants hospitalisés pour cause de Covid. Rapporté au nombre de contaminations, le chiffre est faible et de plus inférieur à celui des hospitalisations pour bronchiolites qui se comptent par milliers chaque année.

 

 La situation actuelle ressemble à une épidémie fulgurante de grippe. Chaque année, la grippe est causée par deux ou trois souches appartenant à deux familles, A et B. Il est plausible que la division Omicron en deux types ait quelques similitudes avec la multiplication des souches grippales. Par ailleurs, l’émergence du BA.2 et sa propagation semble indiquer un phénomène de type pléomorphisme appliqué un virus. Avec des patients plus sensibles à l’un ou l’autre type viral. Enfin, l’apparition de la souche coronavirus Omicron incline à revoir la stratégie de vaccination. Que l’on utilise les vaccins (qui sont aussi des médicaments) disponibles ou à venir, la vaccination contre le nouveau Covid doit redevenir un traitement préventif pour les personnes à risque et faire l’objet d’une administration consentie, comme c’est le cas pour le vaccin grippal.

 

 BA.1 ou 21K https://covariants.org/variants/21K.Omicron

 

 BA.2 ou 21L https://covariants.org/variants/21L.Omicron

 

 Comparatif https://github.com/cov-lineages/pango-designation/issues/361

 

 Omicron ; nouvelle souche et nouvelle pandémie de Covid-21 ?

 https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/omicron-nouvelle-souche-et-238324

 


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