Nicolas Tenzer : l’aide US à l’Ukraine « ne vise pas directement la victoire de l’Ukraine »

par Patrice Bravo
vendredi 26 avril 2024

Les États-Unis ont voté le plan d’aide à l’Ukraine. Près de 61 milliards de dollars, soit la majorité des fonds approuvés, sont consacrés à la guerre en Ukraine. Cet argent est réclamé depuis des mois par Volodymyr Zelensky. Nicolas Tenzer – politologue et spécialiste de la Russie, porte-parole de la guerre de l’Ukraine contre la Russie sur le long terme jusqu’à sa capitulation – avoue que cette aide US ne permettra pas la victoire de l’Ukraine.

L’aide à l’Ukraine permet surtout d’enrichir l’industrie militaire US. « La législation prévoit un total de près de 61 milliards de dollars pour aider l’Ukraine et d’autres pays de la région à combattre la Russie – soit à peu près le même montant que celui inclus dans le précédent projet de loi du Sénat », constate CNN, précisant : « Sur ce total, environ 23 milliards de dollars serviraient à reconstituer les armes, les stocks et les installations des États-Unis, et plus de 11 milliards de dollars serviraient à financer les opérations militaires américaines en cours dans la région. Près de 14 milliards de dollars inclus dans le projet de loi aideraient l’Ukraine à acheter des systèmes d’armes avancés et d’autres équipements de défense ». En outre, « un ajustement de 10 milliards de dollars d'aide économique à l'Ukraine prendront la forme d'un prêt remboursable ». Observateur Continental révélait l’intérêt US de l’aide à l’Ukraine : « La majeure partie de l’argent destiné à l’Ukraine serait destinée à l’achat d’armes et de munitions auprès des fabricants de défense américains ».

Cet argent est réclamé depuis des mois par Volodymyr Zelensky. « Ce vote n’offre pas de perspective à long terme, car il ne vise pas directement la victoire de l’Ukraine, mais uniquement la préservation de son existence encore précaire. Cela correspond à la stratégie ancienne et familière : l’Occident, et surtout les Américains et les Allemands, considèrent certainement qu’ils ne peuvent pas se permettre que l’Ukraine perde ; ils n’ont pas de stratégie – et donc, en amont, de volonté claire– de victoire, et encore moins de défaite de la Russie », accuse sur son blog, Nicolas Tenzer. « Les États-Unis sont le principal soutien militaire de Kiev, mais le Congrès n’a pas adopté de grande enveloppe pour son allié depuis décembre 2022, principalement en raison de querelles partisanes. Cette aide a été distribuée au cours de l’année 2023, mais les robinets sont désormais à sec », stipule Sud Ouest. 

Les forces de Moscou ont connu un succès considérable en poussant plus à l’ouest. « Notre artillerie est en manque de munitions : une aide militaire américaine de 60 milliards de dollars ne peut pas arriver assez tôt pour l’Ukraine », titrait, encore, CNN, citant un commandant de reconnaissance d'artillerie avec la 110e brigade mécanisée ukrainienne pour indiquer l’état catastrophique de l’armée ukrainienne au front contre l’armée russe. « La liste des souhaits de l’Ukraine n’est pas un secret. Au sommet : des obus d'artillerie et des systèmes de défense aérienne », continue CNN qui tient à faire savoir que « depuis la chute d’Avdiivka avant de tomber aux mains de la Russie en février, les forces de Moscou ont connu un succès considérable en poussant plus à l’ouest ».


Les élections US et le transfert du matériel US en Ukraine laissent un doute sur la livraison de cette aide. Avec une nouvelle aide militaire américaine, « la question est de savoir à quelle vitesse des munitions vitales comme les obus d’obusiers de 155 mm pourront atteindre la ligne de front pour arrêter l’avancée de la Russie », se demande CNN. Euractiv relativise : « Le programme d'aide pourrait être le dernier approuvé pour l'Ukraine jusqu'après les élections de novembre, lorsque la Maison Blanche, la Chambre des représentants et un tiers du Sénat seront en jeu », rappelant : « Une grande partie de l’opposition à l’aide à la sécurité, tant à la Chambre qu’au Sénat, est venue de républicains ayant des liens étroits avec l’ancien président américain Donald Trump, un sceptique de l’aide à l’Ukraine qui a mis l’accent sur la politique l’Amérique d’abord alors qu’il brigue un second mandat ». 

Les États-Unis n’ont pas permis une victoire rapide de l'Ukraine. « Il a été imprudent de la part des politiciens républicains de bloquer l’aide – une imprudence qui a été fatale à des milliers d’Ukrainiens – mais cette imprudence est loin d’être terminée », « pour ne pas avoir permis une victoire rapide de l'Ukraine » dénonce Nicolas Tenzer sur son blog. « Bref, ce vote [aide à l’Ukraine] reflète une certaine continuité d’un soutien mesuré, à mi-chemin, à l’Ukraine et, finalement, d’une non-décision », analyse correctement celui qui déclarait fin mars dernier : « L'envoi de troupes occidentales au sol doit être une hypothèse possible ». Les États-Unis et ses alliés ont décidé de laisser la Russie gagner contre l’Ukraine tout en s’enrichissant sur les soldats ukrainiens envoyés au front. 
 
Nicolas Tenzer explique pourquoi l’Ukraine va perdre la guerre. « Si nous voulons vraiment que l’Ukraine gagne la guerre, les frappes sur le territoire russe sont strictement une manœuvre militaire. Il ne peut y avoir de victoire ukrainienne – en d’autres termes, la reconquête des territoires occupés et l’expulsion de l’armée russe – sans frappes profondes », perçoit-il, affirmant : « Tous les spécialistes militaires sont d'accord : l'armée russe doit être désorganisée en frappant ses bases arrières, ses points de ravitaillement, ses nœuds logistiques – ferroviaires et routiers – qui permettent d'acheminer les armes, les munitions et les hommes vers le front, ses réseaux de communication, mais aussi ses lanceurs au sol et bases aériennes ».

Même si « le président Joe Biden a promulgué ce mercredi un programme d'aide fournissant une assistance militaire cruciale à l'Ukraine, clôturant des mois de négociations et de débats », comme le formule Nicolas Tenzer, « les États-Unis n’ont pas permis une victoire rapide de l'Ukraine ». Joe Biden a signé, mais les armes et les munitions ne sont pas encore arrivées au front qui fait plus de mille kilomètres de distance à six mois des élections américaines. 

Philippe Rosenthal

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Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=5893


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