Le 100ème singe

par beo111
lundi 10 juillet 2023

Jean-Jacques Crèvecœur est un intellectuel d'origine belge. Au printemps dernier il a donné une conférence à Namur, dans le cadre d'un festival intitulé "La victoire des fourmis". Il y a énoncé des idées très puissantes, nous allons parler de la principale.

C'est une manière pour changer le monde. Selon le conféréncier, ce qui change le monde, c'est la diversification et la répétition de nouveaux rituels. Rituel n'est pas forcément à prendre au sens religieux du terme, mais on le préfèrera au terme habitude, qui est un mot trop banal pour exprimer toute la complexité sous-jacente.

Le conférencier se base sur l'expérience du 100ème singe pour étayer son propos. Elle a été réalisée il y a quelques décénies sur des îles au Japon. Sur ces îles, on a jeté tous les jours de la nourriture pleine de sable à une bande de macaques. Les macaques ne se posent pas de question, il se saisissent de la nourriture, et la mangent.

Jusqu'au jour où une femelle enmène la nourriture sur la plage, la nétoye dans l'eau avant de la manger. C'est une idée vraiment bizarre, alors qu'il suffisait de rester dans la forêt pour se sustenter. Mais bon, le lendemain elle reproduit son rituel étrange. Et le surlendemain aussi.

Dans les jours qui suivent, d'autres macaques commencent à l'imiter. Et au fil des jours qui passent, ils sont de plus en plus nombreux. Jusqu'au jour où, tous les singes exécutent le rituel avant de manger. Ce qu'il y a de surprenant dans cette affaire, c'est que cette généralistion a lieu de manière abrupte, du jour au lendemain.

Comme s'il y avait une masse critique à partir de laquelle le nouveau comportement s'impose naturellement. Les scientifiques qui se sont intéressés à la question parlent par convention du 100ème singe, à partir duquel l'habitude se généralise d'elle même. Mais il y a encore plus étonnant dans cette expérience.

Le plus étonnant, c'est que lorsque l'habitude s'est installée sur une île, elle s'est imposée, au même moment, sur une île voisine. Et ce alors que les macaques des différentes îles n'avaient aucun moyen de communiquer entre eux. Les scientifiques ont émis plusieurs hypothèses à ce sujet, et Jean-Jacques Crèvecœur en présente plusieurs dans son exposé.

 

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Cependant, nous n'allons pas aller sur le même chemin. Car plutôt que de conjectuer sur ce que nous ne savons pas, nous allons nous appuyer sur ce que nous savons déjà, pour renforcer nos acquis. Et surtout, nous ne voyons pas l'intérêt d'étudier ce qui pourrait propager notre bien être sur d'autres planètes. Ce qui nous intéresse dans l'immédiat, c'est que la nôtre reste vivable.

Pour que notre planète reste vivable nous devons nous attaquer au problème de la corruption. Nous n'arriveront pas à l'éradiquer bien entendu, mais nous devons mettre en place des rituels qui en contrebalancent les mécanismes. Le rituel le plus puissant qui a été imaginé jusqu'à présent dans ce but est celui de la cooptation par le bas.

La cooptation par le bas, c'est quoi ? C'est une technique qui sert à sélectioner des personnes. Par exemple dans une association loi de 1901, on sélectionne souvent sans se poser de question les personnes qui siègeront au conseil d'administration au suffrage universel des membres représentés à l'assemblée générale.

Le problème, c'est que le diable est dans les détails, et il y a pas mal de grains de sable dans cette procédure. Le premier étant que cela donne pas mal de travail au bureau de l'association : il faut envoyer plusieurs courriers à tous les membres, pour qu'ils sachent qu'ils peuvent candidater, et une grosse partie de ce travail ne sert à rien, c'est un gâchis d'énergie.

D'autre part, ce sont uniquement les personnes dont l'activité est rendue visible auprès des membres qui ont une chance d'être élus. Autant dire que ce sont toujours les mêmes. Et même pire, les puissants qui ont les moyens de mettre en avant telle ou telle personne peuvent faire élire à peu près n'importe qui, faire de l'entrisme à moindre frais dans l'organe décisionnel de l'association.

Ils peuvent facilement prendre le contrôle d'une association, sans avoir à corrompre une majorité de membres, c'est ça qui est fort.

 

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Cependant si je vous ai dit ce que la cooptation n'est pas, je ne vous ai pas encore dit ce qu'elle est. Allors-y. La cooptation par le bas consiste à tirer au sort des grands électeurs dans le corps électoral. Cela permet de court-circuiter les médias. En effet les médias de masse ont une influence sur les scrutins de masse.

Mais si on dispose d'un ensemble restreint de grands électeurs, ces derniers peuvent choisir, dans une élection sans candidat, autour d'eux, qui aurait sa place au conseil d'administration, même s'il s'agit d'une personne qui jusqu'à présent n'était pas très visible.

C'est plus sympathique à organiser pour le bureau de l'association, car du coup il faut rentrer en contact avec un nombre restreint de membres, mais les échanges avec eux peuvent être plus approfondis.


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