Afrique : gouvernance et démocratie font-elles vraiment bon ménage ?

par Michel Monette
jeudi 16 juin 2005

Gouvernance démocratique, bonne gouvernance, gouvernance efficace, e-gouvernance, tout le monde vante les vertus de la gouvernance avec un tel enthousiasme qu’il vaut la peine de s’interroger sur cet ingrédient du développement que l’on nous sert à toutes les sauces. Avec l’annonce de la mise sur pied de l’Institut africain de la gouvernance, doté d’une contribution initiale de trois millions de dollars du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la question n’est pas sans intérêt.

Ainsi donc, des Africains planchent sur cette créature sémantique mi-politique, mi-administrative dont s’inquiétait en 2001 Bernard Cassen dans le Monde diplomatique, se demandant si elle ne constituait pas dans les faits « une privatisation de la décision publique ».

Car le bon peuple que nous sommes ne devrait-il pas être béat d’admiration devant ces gestionnaires de la démocratie qui vous pondent en un tour de main une constitution limitant la capacité des élus de légiférer pour le bien commun ? Gouvernance, que ne fait-on pas en ton nom !

Au moins avec la dictature, c’est clair. Les « élus » n’ont pas à se préoccuper des souhaits de leurs chers « concitoyens » qui les réélisent unanimement. C’est bien connu, les détenus et les morts ne sortent pas le jour du vote.

La gouvernance, pour sa part, loge à l’enseigne de la langue de bois administratique qui fait lever un épais brouillard protégeant les États de leurs électeurs. Votez à gauche ou à droite, la gouvernance va se charger d’applanir les rugosités des urnes.

Le pire des dangers qui guette la démocratie est la confusion sémantique entre gouvernement et gouvernance. Le second terme légitime une forme de management d’État où s’embrouillent participation citoyenne et lobbyisme.

Les citoyens doivent pouvoir exercer une saine surveillance sur leurs élus et sur l’État. Or la gouvernance, en associant étroitement l’État et la société civile, ne place-t-elle pas les citoyens les plus engagés dans une situation où ils doivent atténuer leurs critiques pour pouvoir participer à l’élaboration des décisions ?

La voie royale du développement, pour les peuples d’Afrique comme pour tous les peuples du monde, ce sont certes les institutions démocratiques, mais que vaut un parlement dont les membres sont courtcircuités par la gouvernance ?

Jusqu’à présent, la gouvernance n’a-t-elle pas été une astuce habile, de la part du Fonds monétaire international (FMI) et consorts, pour imposer une tutelle d’autant plus sordide qu’elle est faite au nom du sacro-saint principe de la bonne gestion ?

Un loup montrant un diplôme d’une école de gestion n’en demeure pas moins un loup, n’est-ce pas Messieurs Wolfensohn et Wolfowitz.

Michel Monette


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