« Ne sortons pas de l’Histoire » par J-P Raffarin – Michel Lafon – 2023

par JPCiron
jeudi 13 avril 2023

Dans un monde où la confiance et le dialogue sont vieux jeu, où la Gouvernance Mondiale est devenue un concept creux, où l'usage de la violence (au besoin préventive) est devenue légitime, où l’unilatéralisme est l' idéologie à la mode, où, saignés, les peuples se concentrent sur le court terme, tandis que les médias Grand Public s'activent à orienter leur opinion et à modeler leur consentement,...

Dans ce monde là, l'Europe se laisse aller, cahin-caha, à suivre le sillage de la Grande Amérique, et se blottit sous son aile protectrice.

 

Quel est donc le devenir de la vieille Europe ?

Note JPCiron : L'ouvrage de Jean-Pierre Raffarin cherche à décrire un cheminement vers un futur décent pour l'Europe. Je trouve son analyse opportune, intéressante et bien construite. Je formule néanmoins une hypothèse fort contrastante-provocatrice en fin d'Article.

 

Quelle sera notre place si les Chinois, qui aspirent à être considérés à la hauteur de leurs mérites, parvenaient à ''voler'' la position prééminente de L'Amérique qui, elle, considère cette position comme la sienne, pour toujours. Pour beaucoup d'Américains, c'est quasi un dessein divin.

 

Si ces deux-là s'affrontent durement, l'Europe finira comme dégât collatéral. S'ils arrivent à s'entendre, l'Europe sera au mieux en position de protectorat.

Dans tous les cas, elle « sort de l' Histoire ».

 

Alors, que faudrait-il faire pour rester dans l'Histoire ? Jean-Pierre Raffarin s'est inspiré de Raymond Aron, qui observait que « La zone impériale dominée par les États Unis » intègre l'Europe qui, pourtant, devrait/doit devenir « un sujet de plein exercice de l'Histoire . »

 

L'unique voie ouverte serait de parvenir à devenir une Europe puissante au niveau mondial, en s'engageant résolument sur la voie d'une émancipation plus affirmée.

Mais comment faire quand on a la Défense Américano-Otanesque comme « fil à la patte » ? D'autant plus que, dans l'occident Américain, ''ceux d'en face'' sont décrits comme ayant des idées hégémoniques condamnables contre lesquelles la ''seule'' solution imaginable à l'Ouest serait de se préparer partout à la guerre.

 

Mais dans quel état l' Union Européenne se trouvera-t-elle au sortir de la guerre en Ukraine ? Sans doute fort affaiblie (note JPCiron : ... en fait comme si l' Europe avait perdu une guerre...). Et puis d'autres guerres sont déjà en préparation...

 

Le livre de Jean-Pierre Raffarin fait plus de 300 pages de développements, qui méritent l'attention, que je ne peux que survoler ici sur certains aspects.

 

 

L'idée de Jean-Pierre Raffarin me semble être d’œuvrer à l'émergence d'une autre voie. Voie dans laquelle l'Europe se trouverait ''aux côtés'' de l'Amérique, mais sur son propre navire... voguant de concert vers un monde multipolaire donc, qui contribuerait à empêcher l'avènement du monde unipolaire Américain... 

 

L'ouvrage évoque quelques grands axes d'actions envisagés pour l'Europe, parmi lesquels je retiens ci-après quelques points-clefs.

 

> Dans les relations internationales > La mise en œuvre de grands partenariats stratégiques avec les USA et avec la Chine. Outre un travail avec l'Inde qui ne semble pas, elle non plus, favorable à une hégémonie planétaire de quiconque.  Renouveler aussi les partenariats avec l'Afrique  : la paix et la sécurité sont interdépendants.

 

> Dans les priorités > Première absolue : l'action pour le climat. Et entente active France-Allemagne avec travail de concert. Ce qui implique souplesse et surtout acceptation par la France de s'intégrer à la dynamique Allemande... un air nouveau donc...

Lutter contre la désindustrialisation  : les Américains, via des mesures de soutien et de protectionnisme, sont en train de consolider leur domination économique et technologique de demain... ce qui constitue une des multiples facettes de la guerre contre nous. Réagir et développer des Fonds Souverains Européens.

 

> Dans les orientations > Porter un projet multilatéral sans chercher à s'imposer aux autres. Pratiquer l'exemplarité. Éviter absolument l'approche d'affrontement, et préférer les partenariats à la concurrence effrénée.

 

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

 

A mon sens, tout cela est bel et bon. Mais est-ce que cela suffit pour tenir la route tout en étant aux manettes plutôt qu'en remorque ?

Au sortir de la (longue ?) guerre en Ukraine, les peuples en Europe (et en Russie ?) sortiront largement perdants. 

Par ailleurs, l'expérience montre que les Européens sont faibles par leurs représentants (aux niveaux tant national qu'européen) qui se laissent gentiment embobiner dans tous les domaines par émissaires divers et lobbies trans-nationaux. C'est ce que j'appelle de la corruption intellectuelle XXL... ou de la prostitution, c'est selon. Parler des écuries d'Augias serait excessif, mais rend quand même de l'idée d' immensité de la tâche de ''nettoyage'' des dégâts occasionnés... et à venir.

Et puis, quelles Nations, quels Leaders pour mener quel Projet ?

 

Il est vrai que la multipolarité est ce qui pourrait laisser une chance à l'Europe de ne pas ''sortir de l'Histoire''. Mais nos amis, alliés, protecteurs, adversaires et inspirateurs en chef Américains ne sont pas du tout sur cette ligne ! Bien au contraire.

Nos ''élites'' élues sont invitées à choisir librement parmi les choses qui sont acceptables pour les USA. Et avec les négociations factices des Accords de Minsk, nos pseudo-élites franco-germaniques et européennes ont fait du bon travail pour ''sortir l'Europe de l'Histoire.'' On est quand même collectivement des brèles !...

Car le peuple Russe (qui n'est pas plus corrompu que le peuple ami Ukrainien) (qui pourrait être représenté par un autre gouvernement, sous un autre régime) le peuple Russe, donc, pourrait construire avec nous autres européens une défense de l'Atlantique à l'Oural... 

... Défense contre qui d'ailleurs ? Car aujourd'hui l'OTAN ou l' AUKUS servent-ils à autre chose qu'à affronter les risques générés par leur propre existance ? 

S'il n'y avait que les sanctions Américaines à supporter comme prix de notre émancipation... nous pourrions peut-être encore nous en sortir.

 

On s'est bien réconciliés avec les Allemands et avec les Anglais après s'être massacrés réciproquement pendant des lustres !!

Les Médias Grand Public à l'unisson modèlent nos opinion à travers le Buzz, comme si le court terme était immuable, éternel. On a oublié qu'il y a peu, en 1935, l'Allemagne n'avait rien d'une ''démocratie occidentale''. Et faisait alors partie, avec la Russie et la Chine, des cultures dites ''autoritaires.''

Le Buzz rend aveugle sur le temps long. L' anthropologue et historien Emmanuel Todd ne parlait-il pas récemment (2008) de « la très réelle bien qu'imparfaite démocratie poutinienne. » ? Aujourd'hui, cette dictature démocratique est condamnée, tandis qu'est applaudie la démocratie d'apartheid... Le coeur a ses raisons que la raison ignore.

 

D'autres chemins de long terme sont possibles, à côté de celui pour lequel on ''travaille'' à fabriquer notre consentement tacite. Choix sûrement douloureux.

 

Alternativement, plutôt que de baisser la tête et d'accepter de vivre sous protectorat, pensons sérieusement à émigrer aux USA et, dès lors, à oeuvrer à 100% pour notre nouvelle patrie !

 

JPCiron

 


Lire l'article complet, et les commentaires